Philippe Prioux, chasseur et "piqueux" de l'équipage de chasse à courre au chevreuil du Rallye Tempête, dans la forêt d'Orléans, près de Chatenoy, le 23 décembre 2017. (AFP / Lionel Bonaventure)

Une passion pour la tradition

Châtenoy, Loiret (France) -- La chasse à courre est affaire de passion, de tradition et surtout de patience. C’est ce que j’ai retenu de cette journée dans la forêt d’Orléans.

C'est aussi une activité décriée par les défenseurs de la cause animale, qui fait l'objet d'une proposition de loi visant à l'interdire.

Philippe Prioux, chef de meute de l'équipage du Rallye Tempête, en forêt d'Orléans, le 23 décembre 2017. (AFP / Lionel Bonaventure)
 

 

Nous avons rejoint l’équipage du « Rallye Tempête » vers 8h1/2, en tablant sur un départ rapide. En fait, nous avons beaucoup attendu. Au point de rendez-vous, à un carrefour de chemins, il  a fallu que les camions transportant les chiens et les vans des chevaux retrouvent les 4x4 des chasseurs.

Dernières consignes avant le début de la chasse, 23 décembre 2017. Le Rallye Tempête est membre de la Société de Vénerie, qui fédère les 400 équipages de chasse à courre français et leurs 10.000 membres (AFP / Lionel Bonaventure)

 

C’est une assemblée de passionnés. Pas de la haute-bourgeoisie ou de la noblesse, mais des gens avec des moyens. On imagine bien que certains ont fait leur fortune eux-mêmes. Ils appartiennent à un même milieu aisé, mais c’est la vénerie qui les réunit. Certains louent leurs chevaux, et ne forcent pas trop l’allure, d’autres sont visiblement des cavaliers accomplis.

Sonner de cor, avant le début de la chasse, avec Pierre-Francois Prioux, fondateur du Rallye Tempête au premier plan. Ses membres défendent la chasse à courre entre autres comme moyen de régulation de la population de chevreuil. (AFP / Lionel Bonaventure)


 

Notre première rencontre a été un moment assez amusant. Nous nous sommes observés, un peu comme des chiens qui se reniflent. Les plus hardis sont venus spontanément défendre leur passion. Mais visiblement sans sentiment de culpabilité. Ils assument complètement leur amour de la vénerie. Ils supposent simplement que tu es dans les rangs de leurs adversaires. Quand tu es journaliste, que tu sois face à un défenseur de  la chasse à courre ou à un partisan de la cause animale, tu es de l’autre côté.

 

Ils se sont laissé photographier sans difficultés. Ils partagent une véritable camaraderie, articulée autour d’une même vision de la chasse et des valeurs qu’elle incarne.

C’est aussi une affaire de tradition. Elle exerce un grand poids sur eux. Ils ont une mise impeccable. Par exemple, ils vont s’assurer que leur foulard est bien mis, et bien fixé par une épingle, en le vérifiant dans le rétroviseur de leur 4x4. Même si les costumes de certains sont un peu élimés, ils sont bien ajustés. Quand j’ai photographié les mains de l’un d’eux, avec de la terre dessus, son épouse est venue me dire ensuite: « vous avez pris les mains de mon mari, mais elles étaient sales…»

 

L’équipage chasse le chevreuil. Je n’ai pas vraiment d’avis sur la pratique de ce sport. Et si j’en avais un, il ne serait sans doute pas tranché. Il faut entendre par exemple leur argument sur la régulation nécessaire du nombre d’animaux.

Sans parler du fait que, pour cette journée en tout cas, la chasse n’a rien donné. Selon son organisateur, le chevreuil échappe à ses poursuivants trois fois sur quatre.

(AFP / Lionel Bonaventure)

 

On le comprend mieux en suivant l’équipage. Pour un photographe, c’est tout sauf simple.

La forêt est divisée en parcelles épaisses, séparées par des chemins. Le piqueux, -le maître des chiens-, choisit la parcelle et y pénètre avec sa meute. Les autres cavaliers sont disposés sur le périmètre, sur les pistes.

Le piqueux, à gauche, pénètre dans une parcelle avec ses chiens. (AFP / Lionel Bonaventure)

 

Si les chiens lèvent un animal, le cavalier qui le voit surgir de la parcelle doit sonner du cor pour avertir ses  camarades. C’est une chasse qui vise à épuiser la proie. Encore faut-il que tout fonctionne. Tout l’art du piqueux consiste à garder ses chiens sur la trace du chevreuil et pas sur celle d’un autre dont ils auraient pu sentir la trace.

Le piqueux et ses chiens. (AFP / Lionel Bonaventure)

 

En les suivant, presque quatre heures durant, je me suis rendu compte à quel point l’exercice était difficile. Très souvent, la meute s’est scindée en deux, et il fallait la rassembler ensuite. Quant à nous, nous avions pris place dans une des deux petites carrioles, tirées chacune par deux chevaux. Nous avons suivi la chasse en compagnie de « boutons », -des membres de l’équipage-, un peu âgés.  

Attente, forêt d'Orléans, 23 décembre 2017. (AFP / Lionel Bonaventure)

 

Au bout d’un moment j’ai réalisé que c’était avant tout une question d’attente. C’est ce que j’ai essayé de traduire en photos. Pour moi, les images de cavaliers immobiles sur une piste résument la journée.

Les actions sont espacées les unes des autres. Et il y une grande incertitude sur ce qui se passe vraiment. Au point qu’à un moment, même les chasseurs de la cariole se sont demandés, en entendant le cor, quel chemin emprunter.  

Le bilan s'est avéré nul. Aucun chevreuil n’a péri. Mais pour l’équipage, ça n’a pas paru être l’essentiel. Je crois que pour eux, ce qui compte est d’être ensemble.

Ce billet a été écrit avec Pierre Célérier à Paris.

 

 

Lionel Bonaventure