Des poules de prix

Telford (Angleterre) -- Le salon du concours national de la volaille, ça sonne un peu idiot comme reportage photo. Et pourtant c’est tout ce que j’aime, un sujet sortant des ornières de l’actualité.

Le salon est une présentation de volailles. Je m’imaginais toujours que rien ne distinguait vraiment un gallinacé d’un autre, avec pour principale caractéristique de finir dans une assiette. Erreur grossière. Les poules existent dans une variété de races, de forme et de couleur, avec parfois des propriétaires qui leur ressemblent d’une façon étrange. C’est pourtant ma troisième couverture de l’évènement, mais je suis loin d’en être lassé.

Une Appenzelloise huppée argenté pailleté. (AFP / Oli Scarff)
Une Derbyshire redcap. (AFP / Oli Scarff)

 

 

Le salon se tient sur un week-end dans les deux gigantesques hangars d’un centre d’exposition.

Les cages de poules et coqs y sont alignées par race. Les juges parcourent les allées pour y sélectionner les plus belles volailles, dans une série d’éliminations, jusqu’à ce qu’une poule soit déclarée vainqueur.

La première chose qui s’impose au visiteur est la cacophonie ambiante. Toute personne ayant observé de visu le comportement d’une poule à la ferme aura remarqué sa propension à caqueter pour un oui ou non. Maintenant imaginez des centaines d’entre elles rassemblées dans un espace clos. Ça vous frappe comme une bouffée d’air brûlant du désert. Après un moment, on s’y habitue, et ça tourne au bruit de fond. 

(AFP / Oli Scarff)

 

La deuxième chose frappante est la diversité des animaux présents. Certaines poules font un bon demi-mètre de haut, alors que d’autres tiennent dans une main. Certaines déploient un plumage impressionnant alors que d’autres sont presque glabres. Certaines avec des yeux méchants et d’autres avec une vision apparemment inexistante. 

Un coq New Hampshire rouge. (AFP / Oli Scarff)
Une Faverolles saumon. (AFP / Oli Scarff)

 

 

L’an dernier j’avais fait surtout des portraits de poules avec leurs propriétaires, qui avaient pas mal marché. Cette fois, avec mon responsable d’édition nous avons décidé d’essayer quelque chose de complètement différent en nous concentrant sur des détails. 

Ça m’a forcé à porter un autre regard sur les volatiles. Je ne les survolais pas d’un œil, mais je me concentrai sur leurs caractéristiques.

Gros plan sur les pattes d'une Sabelpoot Millefleur. (AFP / Oli Scarff)

 

Au point que parfois il est difficile de dire si on a bien affaire à une poule.  

Le plumage perdrix maillé d'une poule Wyandotte. (AFP / Oli Scarff)


 

Et je suis prêt à parier que plein de monde sera aussi surpris que je l’ai été de voir qu’une cocotte pouvait ressembler à ça.

Une Padoue chamoisée. (AFP / Oli Scarff)

 

Les poules Soie, par exemple. Elles ont un plumage incroyable. Comme une fourrure. Quand leur propriétaire les manie c’est un peu à la façon d’un chat qui aurait besoin d'un bon coup de brosse.

Un coq Soie blanc. (AFP / Oli Scarff)

 

En parlant des propriétaires, vous connaissez le dicton qui veut qu’ils ressemblent à leur animal ? Et bien il s’applique aussi à l’univers des poules. Il y a par exemple cette race, le Combattant anglais moderne.  Ses représentantes sont tout en cou et longues pattes, avec un plumage qui pourrait être la version gallinacée de la coupe rase.

Elles sont souvent entourées de jeunes gaillards solides, ce qu’on pourrait appeler des « vrais mecs ». 

Un Combattant anglais moderne. (AFP / Oli Scarff)

 

Et puis si vous allez vers les cages des poules Soie vous rencontrez toutes ces dames plutôt bien apprêtées. J’imagine que la personnalité des propriétaires se reflète dans le choix de leur gallinacé.

L’atmosphère générale est très conviviale. Tout le monde est ravi d’avoir la presse, l’accueil est excellent. Vous pouvez interroger n’importe qui au sujet de son volatile et il se fera un plaisir de vous répondre.

Un participant russe au concours avec sa poule Orloff, d'origine russe elle aussi. (Courtesy Oli Scarff)

 

C’est là que le plaisir professionnel rencontre la satisfaction personnelle. La première fois où j’ai couvert le salon j’ai pris une photo d’un couple. Ils étaient adorables, un peu vieux jeu, tous deux du Yorkshire. 

La femme portait un haut tricoté vert avec une poule blanche au milieu et l’homme un haut vert sombre, tenant une poule blanche en main. Ca faisait une photo vraiment jolie. Comme toujours je leur ai proposé de leur envoyer la photo s’ils me donnaient une adresse mail. Mais ils n’en avaient pas. Les jours suivants, le Guardian a publié une série de mes photos, et ils s’y trouvaient en bonne place.

Allan et Dinah Procter, de Preston, avec leur poule Wyandotte, après avoir gagné un 1er prix à un concours nationlal, le 19 novembre 2011, à Stoneleigh, Angleterre. (Getty Images/AFP / Oli Scarff)

 

L’année suivante, un de mes collègues a couvert le salon. Le couple était là, avec la coupure de presse de leur photo encadrée. Il a demandé à mon collègue de me remercier. Apparemment l’image avait un peu changé leur vie, avec leurs proches qui les appelaient pour les féliciter. La fois suivante, je les ai revus, et ils m’ont raconté avec émotion les réactions que la chose avait provoquées parmi leurs amis et voisins. C’était un récit touchant, et qui m’a beaucoup apporté.

Notamment de savoir que je n’étais pas juste là pour produire des photos, mais que de temps à autre, l’une d’elles pouvait vraiment apporter quelque chose à quelqu’un. Qu’une image pouvait la toucher personnellement. 

Une poule de Dorking, avec ses distinctions. (AFP / Oli Scarff)

 

Oli Scarff