Une semaine dans la vie de Shanghai

SHANGHAI (Chine) – Shanghai est une mégalopole plus de vingt-quatre millions d’habitants. Mais c’est aussi une ville qui a conservé ses ruelles étroites, ses arbres, et qui de ce fait a un côté beaucoup plus humain et « européen » que Pékin, où je suis basé. Cela faisait longtemps que j’avais envie de vraiment découvrir cette métropole que je connaissais à peine. Alors, quand la mairie de Shanghai invite une dizaine de photojournalistes étrangers à y passer une semaine, je saute sur l’occasion.

Le projet de la municipalité consiste à balader les photographes à travers la ville dans le but de réaliser, plus tard, un livre et une exposition itinérante sur Shanghai vu par des yeux étrangers. Certes, tout au long de cette semaine, on est encadrés par un « interprète » qui rend compte à ses supérieurs de nos faits et gestes. Mais tout cela reste assez bon enfant, et c’est surtout une rare occasion, dans un pays où les autorités ne sont pas toujours bienveillantes à l’égard des journalistes, d’aller dans des endroits inaccessibles en temps normal.

 

Par exemple, je peux monter au sommet des 632 mètres de la Shanghai Tower au lever du soleil, ainsi que sur le toit de l’hôtel Méridien. Je peux aussi prendre en toute liberté des photos qui, d’ordinaire, nécessitent un fastidieux processus d’autorisations, comme celle de ces fonctionnaires au travail dans un bureau de l’administration.

Par petits groupes de trois photographes, on nous promène en bus dans les principaux monuments et sites touristiques de la capitale économique de la Chine. Tout cela fait très « carte postale ». Comme ce n’est pas vraiment dans ma démarche journalistique, j’essaye de ne pas trop me prendre au jeu. En tant que photographe de presse, je m’intéresse surtout aux gens, à la vie de quartier, aux scènes de rue. Je m’efforce de prendre le maximum de photos à la volée, de saisir le quotidien des habitants de Shanghai, de jouer avec les arrière-plans.

Parfois, je tombe par hasard sur ce que je cherche. Comme cet atelier à Zhujiajiao, un petit village de la banlieue de Shanghai, où des femmes cousent des T-shirts.

Je profite aussi du fait d’être encadré par des fonctionnaires de la mairie pour formuler quelques demandes personnelles. Par exemple, je voudrais visiter une école où les élèves sont en uniforme militaire, comme celle de l’Armée rouge où j’étais allé il y a quelques années dans le Yunnan. Il n’y en a aucune de disponible dans la ville, mais je peux quand même me rendre dans une école « normale », où les élèves portent de simples petits foulards, pour photographier une leçon de calligraphie.

En visitant un parc, je tombe sur une affiche annonçant une représentation en plein air d’un opéra chinois quelques jours plus tard. Le spectacle, qui dure normalement dix-huit heures, a été raccourci à une heure. J’obtiens la permission de venir, le soir dit, photographier non seulement le spectacle, mais aussi les coulisses, toujours dans le souci de montrer la « vraie vie » dans la métropole.

 

Je ne sais pas si les organisateurs de ce voyage retiendront beaucoup de mes photos pour leur livre. La plupart sont probablement un peu trop atypiques pour le genre de promotion touristique qu’ils envisagent de faire. Mais le principal, c’est que j’ai pu saisir une excellente occasion de découvrir, et de faire découvrir aux clients de l’AFP, un peu de la vie de tous les jours à Shanghai. Cette ville m'a transporté comme une mélodie. Elle est douce et virevoltante, séduisante et repoussante à la fois. En tout cas elle ne peut laisser indifférent.

Je retiens son calme, comme celui de ces jeunes danseuses s'apprêtant à jouer le Kun-qu. Elles attendent de monter sur scène. Le temps s'arrête en coulisses. Point d'éclairage dirigé, l'atmosphère est encore plus belle quand les acteurs sont livrés à eux-mêmes. Cette jeune femme repose sa tête contre sa partenaire, j'aime lorsque le temps se relâche et dévoile la vraie nature des gens. Ce sont ces moment-là que j'ai recherché, des moments suspendus qui échappent aux habitués du quotidien.

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(Cet article a été écrit avec Roland de Courson à Paris)