(AFP / Indranil Mukherjee)

La ville où même les dieux sont à l’étroit

BOMBAY (Inde) – Ces derniers mois, je m’intéresse à la façon dont les Indiens vénèrent leurs dieux à Bombay, la capitale économique du pays. Dans cette ville grouillante et surpeuplée, chacun passe son temps à chercher, occuper, optimiser, ajuster ou usurper la denrée la plus rare et la plus précieuse ici: l’espace libre. Même les dieux n’y coupent pas.

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Prenez par exemple Om Prakash Gupta. Tous les matins, il prie des dieux et des déesses hindous devant un petit autel érigé à côté de son échoppe d’aliments, sur le bord de la route. Avant d’ouvrir, il dépose une offrande de fleurs et de bâtonnets d’encens, joint les mains et demande aux dieux de faire en sorte que son affaire reste stable et profitable. Il dit que comme il passe la majeure partie de sa journée au travail, il est logique pour lui de pratiquer sa religion près de l’endroit où il gagne sa vie.

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Bombay est une énorme métropole de vingt millions d’habitants. Par endroits, c’est une jungle de béton. Mais la ville compte aussi un grand nombre de magnifiques vieux arbres. Souvent, vous verrez des gens qui ont l’air de prier devant. En fait, ils ne prient pas devant l’arbre lui-même, mais devant un minuscule sanctuaire qu’il héberge sur son tronc ou entre ses branches. C’est une façon ingénieuse d’utiliser l’espace. C’est aussi la quasi-certitude que l’arbre ne sera jamais abattu!

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Il y a aussi Som, qui vient d’un village reculé du Népal. Il travaille comme chauffeur pour un de mes voisins et, comme de nombreux travailleurs immigrés à Bombay, il n’a pas de maison. La nuit, il dort dans sa voiture. Il fait sa toilette le matin chez son employeur, dans la salle de bains au rez-de-chaussée. Som et quelques autres personnes dans la même situation ont construit un petit sanctuaire au pied d’un banian. Tous les jours, avant de commencer son travail, il se prosterne et prie pour le bien-être de sa famille restée au Népal. Il prie aussi pour sa propre sécurité, afin de pouvoir continuer à faire vivre les siens au pays.

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On trouve aussi des temples faits de bric et de broc dans les murs, sur les pylônes électriques, ou encore dans les cabanes en pierre illégales dont les occupants espèrent, de cette façon, échapper à l’expulsion par les autorités. Les chauffeurs de taxi aussi collent des idoles sur leurs tableaux de bord pour se sentir protégés pendant qu’ils roulent.

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Bombay est célèbre pour ses millions d’immigrants qui arrivent ici de tous les coins de l’Inde dans l’espoir de gagner assez d’argent pour nourrir leurs familles et disposer d’un toit sous lequel dormir. Ils travaillent frénétiquement, passent  souvent des heures dans les transports, et rares sont ceux qui ont le temps ou la possibilité de trouver un espace où se recueillir individuellement. A la place, ils s’arrêtent au hasard, devant le premier sanctuaire qu’ils trouvent, et prient leur dieu quelques instants avant de retourner à la tâche.

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Mutthuswamy Shankar est l’un de ceux-là. Il est originaire d’un village du Tamil Nadu et vit dans une petite cabane avec cinq autres personnes. Après avoir fait toutes sortes de petits boulots, il est maintenant livreur pour une compagnie de transport. Son travail le conduit partout à travers la ville. A chaque fois qu’il voit un sanctuaire érigé en l’honneur de sa divinité, il s’arrête un rapide instant pour prier, car il n’y a pas de place pour un autel dans sa bicoque.

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Ici, la religion occupe une grande partie de la vie des gens. Il existe de nombreuses confessions différentes, qui cohabitent harmonieusement dans des quartier surpeuplés. Je trouve cela fascinant.

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Indranil Mukherjee