Une femme au visage couvert de poudre colorée lors de la fête de la Holi à Sivasagar, dans l'Etat d'Assam, en mars 2015 (AFP)

Six mois en Inde : un best-of

Coordinatrice vidéo de l'AFP pour l'Asie du Sud

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NEW DELHI, 7 août 2015 - En février 2015, je me suis installée à New Delhi comme coordinatrice vidéo de l’AFP pour l'Asie du Sud. Même si j'avais déjà voyagé dans la région et m'étais préparée autant que possible à mon nouveau poste, je me suis vite rendue compte que ce pays allait me réserver son lot de surprises. 

Je n'avais pas anticipé que j'allais débarquer pendant la victoire d'Arvind Kejriwal aux élections de la ville de Delhi. Lors de mon premier tournage, une foule de partisans en liesse me submerge pour me fourrer des oranges dans les poches et des bébés dans les bras. J'ignorais que filmer un meeting politique du Premier ministre Narendra Modi impliquerait des heures d'attente debout sur une chaise bancale sous un soleil mordant, à éponger en vain les gouttes de sueur me coulant dans les yeux.

Je ne savais pas non plus qu'un ascenseur pouvait être en panne pour cause de « pause-déjeuner ».

Que s'il est facile d'avoir des belles images en Inde, il est souvent difficile de les filmer. Dès que je sors ma caméra, c'est la mini-émeute. Il m'est parfois impossible de m'extraire de l'attroupement qui se crée autour de moi. Une des règles en journalisme est de ne jamais devenir le sujet de son histoire, mais c'est souvent compliqué à appliquer en Inde!

Six mois plus tard... je me suis habituée à ces regards qui me suivent partout où je vais. Ce n'est que justice, eux se contentent de me dévisager l'espace de quelques (longues) minutes tandis que je les immortalise avec ma caméra.

Dans un bidonville de New Delhi, en mars 2015 (AFP / Money Sharma)

Je me suis aussi habituée à ce que les choses les plus simples se muent en épreuve exténuante, et à prendre cela avec le sourire. Un trajet qui devrait être bouclé en cinq heures peut s'étirer en une épopée de dix heures, sur des routes embouteillées, cabossées, à moitié inondées par la mousson ou occupées par des vaches sacrées - et sacrément lentes.

Je me suis habituée à ce que tout le monde, de mon médecin au villageois du fin fond de l'Uttar Pradesh en passant par le chauffeur d'autorickshaw et l'expert surdiplômé, me demande avant même mon prénom si je suis mariée.

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Mais je ne me suis pas habituée à l'écart de richesse criant, parfois écœurant; à voir des culs-de-jatte en haillons se traîner sur le bitume brûlant pour mendier devant des restaurants surclimatisés, ignorés par l’élite indienne occupée à prendre des selfies devant des magasins chics.

Je n'oublierai pas les sourires tachés de paan (bétel à chiquer) des fermiers se battant pour garder leurs terres, les sourires mélancoliques des fillettes roulant des cigarettes traditionnelles pour un dollar par jour dans des huttes rudimentaires au lieu d'aller à l'école, les sourires émus des personnes souffrant de lèpre dont j'ai serré la main en tournage.

Le Premier ministre indien Narendra Modi participe au Jour international du yoga à New Delhi, le 21 juin 2015 (AFP / Prakash Singh)

Je n'oublierai pas non plus les génuflexions de Narendra Modi lors de la Journée Internationale du Yoga, tournage tout sauf relaxant durant lequel j'ai dû jouer des coudes avec les autres journalistes et la sécurité. Ni les innombrables couches de film plastique avec lesquelles ma caméra a dû être enveloppée en protection contre les poudres de la fête de la Holi, les innombrables seaux d'eau colorée que des gamins m’ont déversé dessus durant un festival hindou, les innombrables mains baladeuses que j'ai dû repousser tout en filmant un prêtre hindou traverser un bûcher enflammé de plusieurs mètres de haut au beau milieu de la nuit, durant une autre festivité religieuse.

Au cours de ces six mois, j'ai aussi été amenée à couvrir deux semaines durant le tremblement de terre au Népal, que j'ai même ressenti à des milliers de kilomètres de là dans mon appartement de Delhi. Même si ce n'était pas ma première couverture de désastre, je ne m'habituerai jamais à couvrir des catastrophes naturelles.

Tous ces moments, tous ces visages ne trouvent pas toujours leur place dans une vidéo d'agence. Alors j'ai voulu les rassembler dans une vidéo personnelle, en hommage à ce pays unique et fascinant que je commence à peine à explorer, qui me rappelle à chaque instant qu'il reste encore tant de sourires, courageux, résignés ou farceurs, à capturer et partager.

Agnès Bun est coordinatrice vidéo de l'AFP pour l'Asie du Sud. Suivez-la sur Twitter et abonnez-vous à sa chaîne YouTube. La musique de la vidéo est Cascading de Vinod Prasanna × Okey Szoke × Pompey.

La journaliste de l'AFP Agnès Bun (à gauche), en tournage à Kannauj, dans l'Uttar Pradesh (AFP / Chandan Khanna)
Agnès Bun