Quand la grâce émerge du chaos
PARIS, 1er janvier 2015 - Pour terminer une année 2014 marquée par les guerres, les massacres, les épidémies et autres tragédies, les photographes de l’AFP ont raconté chaque jour, du 24 au 31 décembre, l’histoire d’une image belle, ou porteuse d'espoir, prise dans le contexte d’un événement dramatique. Voici l'ensemble de leurs textes.
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Un sourire dans un cimetière
La famille sur cette photo a survécu a une tragédie : il s'agit de migrants secourus au large de la Sicile à bord d'un chalutier où 45 personnes sont mortes étouffées en tentant de gagner l'Europe. « Les réfugiés qui débarquent sont généralement choqués et effrayés », raconte l'auteur de l'image, le photographe indépendant Giovanni Isolino, « photographier un sourire pareil dans ces circonstances est vraiment très, très rare ».
Oser la démocratie
« Nous sommes début octobre dans le quartier Admiralty de Hong Kong », raconte le photographe de l'AFP Alex Ogle. « Des milliers de manifestants pro-démocratie occupent les lieux depuis plus d’une semaine pour demander un véritable suffrage universel dans l’ancienne colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997. Au milieu de la foule des protestataires, il y a une jeune femme avec le mot « démocratie » écrit sur sa jambe. Elle est entourée d’un groupe de photographes, tous de sexe masculin, qui la mitraillent à satiété. Je ne trouve pas la scène particulièrement intéressante et je passe mon chemin.»
« Mais une seconde plus tard, je change d’avis, je reviens en arrière et je prends cette photo.»
Syrie : la vie plus forte que les bombes
« Je ne sais rien de la femme et de l’enfant sur la photo», raconte Abd Doumany, photographe indépendant basé à Douma, une banlieue rebelle de Damas assiégée depuis des mois par les forces gouvernementales. « Mais malgré les raids aériens, les destructions, le danger, c’est une scène habituelle ici : une mère qui transporte son enfant dans une poussette, comme toutes les mères partout dans le monde. »
« Quelle que soit la situation, la vie doit continuer. C’est difficile à croire, mais parfois, pendant la plus sanglante des journées, quand je pars couvrir les conséquences d’un bombardement, je m’attends à trouver des rues désertes et à la place, je vois des gens dehors, qui travaillent, qui vont à l’école, ou qui font leurs courses à cinquante mètres de l’endroit où les bombes sont tombées...»
Une minute de liesse au milieu des massacres
Le photographe basé à Abidjan Issouf Sanogo se souvient d'une scène de joie dans un camp de déplacés de Bangui, la capitale centrafricaine ravagée par d'effroyables violences intercommunautaires, à l'occasion d'une visite de la présidente par intérim Catherine Samba-Panza. « Un bref moment de liesse, si rafraîchissant, si différent des horreurs que j’ai photographiées les jours précédents, et que je photographierai encore durant les jours suivants. »
Bonheur sur le tarmac
L'année 2014 a été tragique pour les journalistes, mais il s'est également produit de grands moments de joie et de soulagement pour la profession. « J’ai eu la chance de couvrir l’un d’eux », écrit le photographe Kenzo Tribouillard, qui a assisté le 20 avril au retour en France des journalistes Edouard Elias, Didier François, Nicolas Hénin et Pierre Torres après de longues semaines de détention en Syrie. « Je sais que certaines personnes critiquent cette médiatisation des retours d’otages, pensent que ce type de chose devrait se dérouler de façon plus intime, à l’abri des caméras. Mais je vous assure qu’assister à ça de ses yeux, c’est une sensation de pur bonheur. »
Jour de plage à Gaza
« Je viens de passer mon été à photographier la dernière guerre à Gaza », raconte le photographe de l'AFP Mahmoud Hams. « Cinquante jours de clichés d'enfants pris dans des décombres. De parents en pleurs auprès de petits corps inanimés. La mort. Les destructions. Les enterrements d'hommes, de femmes, d'enfants, parfois tout petits. »
« Et soudain, là, sur la plage même où un missile israélien fauchait deux mois plus tôt sous les yeux effarés de la presse internationale quatre enfants qui jouaient au ballon, je vois l'image même du bonheur: un père heureux qui lance dans les airs un enfant qui rit. Dix jours après la fin de la guerre qui a tué près de 2.200 Palestiniens, je comprends que ça y est, ce que j'ai devant les yeux, c'est la paix, le calme.»
La gifle de la grâce
Le photographe iranien Arash Khamooshi décrit la scène incroyable à laquelle il assiste dans la ville de Noor, dans le nord de son pays, en avril: un jeune homme condamné à mort pour meurtre et sur le point d'être exécuté en public est gracié au tout dernier moment par la mère de sa victime qui, au lieu de renverser d'un coup de pied dans la chaise sur laquelle est juché le supplicié la corde au cou, lui assène une gifle et lui permet de vivre.
Retour dans le monde des vivants
Un père retrouve son fils, miraculé d'un des plus graves accidents miniers de l'histoire de la Turquie, dans la soirée du 13 mai à Soma, dans le sud du pays. Une image et un récit signés Bülent Kiliç, élu "photographe d'agence de l'année 2014" par Time Magazine pour l'ensemble de son travail en Turquie, en Ukraine et en Syrie.