Un Palestinien joue avec son enfant sur la plage de Gaza, le 7 septembre 2014 (AFP / Mahmud Hams)

Jour de plage à Gaza

(Pour terminer une année 2014 marquée par les guerres, les massacres, les épidémies et autres tragédies, les photographes de l’AFP racontent chaque jour, jusqu’au 31 décembre, l’histoire d’une image belle, ou porteuse d'espoir, prise dans le contexte d’un événement dramatique).

GAZA, 29 décembre 2014 - Je viens de passer mon été à photographier la dernière guerre à Gaza. Cinquante jours de clichés d'enfants pris dans des décombres. De parents en pleurs auprès de petits corps inanimés. La mort. Les destructions. Les enterrements d'hommes, de femmes, d'enfants, parfois tout petits.

Et soudain, là, sur la plage même où un missile israélien fauchait deux mois plus tôt sous les yeux effarés de la presse internationale quatre enfants qui jouaient au ballon, je vois l'image même du bonheur: un père heureux qui lance dans les airs un enfant qui rit.

Dix jours après la fin de la guerre qui a tué près de 2.200 Palestiniens, je comprends que ça y est, ce que j'ai devant les yeux, c'est la paix, le calme. Nous sommes loin de la guerre qui a déchiré Gaza de juillet à août. C'était la troisième en six ans.

(AFP / Mahmud Hams)

D'ailleurs, devant tant de joie, je ne m'approche pas de ce père et de son fils, je ne veux pas leur poser de question, savoir leur histoire, leur remémorer la guerre dont nous sortons tout juste. Je savoure juste ce moment et je suis heureux de les voir heureux.

Il fait beau, le père a fait tomber la chemise. Il est en débardeur, son fils porte des vêtements d'été colorés. La mer est bleue. Je tiens une belle photo. Une belle photo et une belle histoire.

(AFP / Mahmud Hams)

Autour de nous, après l'avoir déserté pendant cinquante jours, des familles sont installées sur le sable. La plage est de nouveau bondée. Pendant la guerre, plus personne n'y venait. Pendant cinquante jours, presque sans interruption, l'aviation israélienne a pilonné Gaza. Qui aurait oser se balader sur le rivage, à découvert? Et puis, qui aurait envie de se baigner pendant la guerre?

Mais en temps de paix, la Méditerranée est la seule ouverture sur l'horizon que nous ayons à Gaza. Au nord, nous sommes bloqués par le point de passage israélien. Au sud, la frontière avec l'Egypte est quasiment tout le temps fermée.

(AFP / Mahmud Hams)

A ces familles, il reste la plage, la Méditerranée où les pêcheurs ne peuvent s'aventurer trop loin, au risque de s'exposer aux tirs de la marine israélienne qui impose un blocus maritime. Mais les nageurs, eux, peuvent faire quelques brassées en mer. Ils sont d'ailleurs nombreux à s'ébattre dans l'eau. Pour quelques instants encore, avant le coucher du soleil.

Au milieu d'eux ce jour-là, ce père et son fils ont retrouvé sur cette plage le goût du bonheur. De la liberté. Jusqu'à la prochaine guerre.

Mahmoud Hams est un photographe de l'AFP basé à Gaza. Lisez son précédent billet : Rentrée des classes à Gaza.

(AFP / Mahmud Hams)

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