A l'ombre du Mondial

Kazan, République du Tatarstan (Russie) -- Je suis arrivé à Kazan il y a quinze jours, pour y couvrir tous les entraînements de l’équipe du Japon et les matches des autres équipes qui se tiennent dans la capitale de la république russe du Tatarstan.

Mon emploi du temps varie beaucoup, entre les séances d’entrainement et la compétition. Quand j’ai du temps libre j’en profite pour essayer de trouver des à-côtés du Mondial, mais aussi des images propres à la Russie. Je sais qu’on peut y faire de très belles photos.

Un homme photographie une statue à l'entrée du Kremlin de Kazan. 16 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Cela fait cinq ou six fois que je me rends en Russie. Toujours pour le travail.

Ce qui est un peu paradoxal c’est que même si je peux y trouver de belles choses à photographier, ce n’est pas un pays que j’affectionne particulièrement. Par exemple je n’y viendrai pas en vacances. Ne me demandez pas trop pourquoi.

Ce sont des gens avec lesquels j’ai un peu de mal à communiquer, avec un premier contact toujours un peu compliqué, un peu brusque, même si ensuite ils s’ouvrent volontiers.

Femme dans un bus. Kazan. 17 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Quelle différence avec les Colombiens par exemple. Il y en avait des milliers dans les rues hier, pour leur match contre la Pologne, et ils affichaient tous une grande joie de vivre, bien différente de la réserve des Russes.

Kazan. 22 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Il y a quand même un effet coupe du monde.

Quand je suis arrivé, il faisait nuit et il faisait froid. Quand je suis sorti de l’hôtel le lendemain les rues étaient vides. C’était assez sinistre et déprimant.

Et puis la Coupe du Monde a démarré, il a commencé à faire chaud, et la ville a changé de visage. Elle n’est pas très grande, mais plutôt jolie et bien tenue. Je dois reconnaître qu’on s’y sent bien. Les visiteurs de passage me disent trouver l’endroit sympa, avec son vieux Kremlin et la grande mosquée.

Manège. Kazan. 17 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

La seule réserve que je pourrai exprimer concerne les chauffeurs de taxi.

J’utilise les services de locaux qui ont l’application Uber. Ils viennent avec leur voiture personnelle, équipée d’un siège bébé et d’un système audio dernier cri qui vaut sans doute plus cher que leur véhicule. Ils ne prennent pas la peine de regarder la route mais plutôt de répondre à leur messagerie WhatsApp.

A mon arrivée, entre l’aéroport et l’hôtel, on est monté sur un trottoir! Le chauffeur avait la main gauche sur le volant, et la droite virevoltant entre le téléphone, le levier de vitesses et le volume de l’auto radio.

Kazan. 16 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Le centre de Kazan est à taille humaine, pas comme Moscou. Tout le monde se concentre plus ou moins au même endroit. Les habitants ont l’air content de cet afflux de visiteurs. Ils se prêtent volontiers au jeu de la photo avec les supporters.

Sur un terrain de gymnastique en plain air. Kazan. 17 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)
Saut périlleux arrière. Kazan. 17 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Les supporters ont tous leur caractère national. Les Colombiens aiment faire la fête, et les iraniens aussi, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. J’ai l’impression que pour ces derniers la joie vient de la possibilité de se libérer des contraintes de l’existence dans leur pays.

Quant aux Polonais, leur inclination aux boissons fortement alcoolisées ne se dément pas, mais ils sont toujours joyeux. Enfin, ils l’étaient au moins jusqu’à leur élimination hier soir. 

Une supporter colombienne en prière dans une église orthodoxe à Kazan. 24 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Si on enlevait les supporters ce serait un peu difficile de deviner que l’on participe à une coupe du Monde, même avec les magasins qui vendent tous les produits dérivés. Si ce n’est qu’il y une très forte présence policière. La sécurité est omniprésente, avec toutes sortes d’uniformes. Malgré cela l’atmosphère reste très bon enfant.        

Lionel Messi. Kazan. 17 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)
Vendeur de ballons. 22 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

 

Les habitants sont gentils, et très faciles à photographier.

Je n’aime pas surprendre mon sujet ou voler la photo. J’arrive doucement mais franchement, naturellement. Je n’ai jamais eu de problème ici.

Par exemple avec cette femme qui prie, et que j’ai trouvé captivante.

Je suis tombé sur elle par hasard en entrant dans une église orthodoxe. Elle m’a vue. Elle était venue pour prier. Ma présence ne l’a pas dérangée. J’étais pourtant très proche d’elle, parce que comme à mon habitude je fais la plupart de mes photos avec un 35mm, pour être près du sujet.

Elle avait l’air d’appartenir à une autre époque.

Devant la mosquée Qul Sharif de Kazan. 16 juin 2018. Le Tatarstan compte une forte communauté musulmane. (AFP / Benjamin Cremel)

On sait bien qu’on est en Russie, mais les symboles du passé soviétique ne sont pas flagrants. Je les cherche parce qu’en image ils évoquent tout de suite quelque chose. Ils ne sont pas faciles à trouver.

En revanche, si je pense par exemple aux scènes qu’on peut observer sur les bords du fleuve, la Volga, il y a là quelque chose d’indéfinissable, mais profondément russe je crois.

Sur les bords de la Volga, qui longe Kazan. 17 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Quelque chose que j’aime bien en tout cas. Et qui sait, si l’équipe nationale va plus loin dans la compétition, peut-être que je changerai d’avis sur les Russes…  

Garçon jouant au ballon devant une mosaïque représentant Vladimir I. Lénine. Kazan. 26 juin 2018. (AFP / Benjamin Cremel)

Ce billet de blog a été écrit avec Pierre  Célérier à Paris.