Aller chercher l’or… encore une fois

RIO DE JANEIRO -- Vous pourriez m’appeler l’éternel olympien, toujours en train d’essayer d’améliorer mon précédent record. Seulement, il ne s’agit pas pour moi de courir après les autres athlètes, mais seulement de les photographier.

Mon travail consiste à trouver des moyens innovants pour l’AFP de prendre des photos spectaculaires des évènements sportifs majeurs, comme les jeux Olympiques. Depuis environ 15 ans que je fais cela, mon travail a pu aller de mettre une caméra derrière un poteau de but pour la toute première fois, à programmer un réseau d’appareils robotisés pour saisir l’action depuis des lieux où les photographes n’étaient jamais allés auparavant.

(AFP / Antonin Thuillier)

Et nous avons quelques surprises pour les Jeux de Rio.

Les photos que nous prenons aujourd’hui lors des évènements sportifs majeurs comme les jeux Olympiques sont tout simplement stupéfiantes, comparées à celles que nous prenions il y a seulement 20 ans. Prenez la natation.

Auparavant, on ne pouvait voir l’action que depuis le haut de la piscine.

(AFP / Francois Xavier Marit)

Désormais, vous pouvez aussi la voir depuis en-dessous :

(AFP / Francois Xavier Marit)

Ou le football, le hockey. Vous pouviez voir les buts de la même manière que le spectateur, depuis les gradins ou le terrain:

(AFP / Gregg Newton)

Mais maintenant, il est possible de voir le but au moment même où le ballon entre dans le filet:

(AFP / Patrik Stollarz)

Pour que tout cela soit possible, il a bien sûr fallu des avancées technologiques. Autrefois, nous avions un photographe et des appareils photos. Aujourd’hui, nous avons des appareils photo robotisés qui nous autorisent à aller où les photographes n’ont jamais été (et jamais pu accéder) auparavant.

Comme au fond de la piscine, ou pendu à une tige en métal au-dessus de celle-ci pour saisir l’action d’en-dessous et d’au-dessus. A Rio, les appareils seront positionnés au-dessus des rings de boxe, des tatamis pour le judo, des estrades en escrime et des tables de ping-pong, afin de prendre des photos originales et innovantes.

Mais la technologie n’est qu’une partie de l’équation. La créativité, le travail acharné et l’énorme préparation sont tout aussi important.

 

L’AFP a été en première ligne de cette révolution depuis des années. Nous avons commencé en 2002 par installer des appareils derrière les buts lors de la Coupe du monde au Japon et en Corée du Sud. Nous étions les premiers à le faire.

Aujourd’hui, il est tout simplement indispensable d’avoir un appareil derrière le but.

(AFP / Pierre-philippe Marcou)

Deux ans plus tard, aux jeux Olympiques d’Athènes, nous étions les premiers à avoir un appareil photo étanche dans le bassin.

En 2016, vous avez fort probablement déjà dû voir de nombreuses photos sous-marines de nageurs ou de plongeurs.

(AFP / Francois Xavier Marit)

Mais il y a 12 ans, c’était révolutionnaire. Et pour les standards d’aujourd’hui, rudimentaire.

À l’époque, il s’agissait d’un boîtier à distance. En gros, on mettait un appareil dans un caisson étanche au fond de la piscine, avec tous les réglages – exposition, ISO, vitesse d’obturation – déjà effectués.

Quand le nageur passait au-dessus de l’appareil, le photographe appuyait sur un bouton pour prendre quelques photos, environ 5 par seconde. Les photos étaient prises à l’aveugle et aucun réglage n’était possible.

FINA World Championships, 2015. (AFP / Francois Xavier Marit)

Aujourd’hui, cela nous parait remonter à l’âge de pierre. Le système de prise de vue robotisé nous autorise désormais à suivre l’action, changer les réglages et prendre quelques 12 clichés par seconde.

Au lieu d’avoir un photographe qui oriente son appareil en fonction de l’action, vous avez un photographe assis face à un tableau de commande rivalisant avec celui d’un avion, pour piloter un appareil installé à plusieurs centaines de mètres. Nous pouvons être assis dans une tribune de presse, au bord d’un terrain, tout en manipulant un appareil robotisé saisissant le match de ping-pong dans la salle d’à côté.

Le panneau de commande Nikon MRMC. (AFP/ Francois Xavier Marit)

Nous avons vraiment plongé dans l’usage de la robotique lors des jeux Olympiques de Londres en 2012. Avant les Jeux, nous avions tenté d’obtenir l’autorisation d’installer des photographes sur le toit, mais les organisateurs nous avaient dit que ce n’était pas possible. Et beaucoup de salles ne permettaient pas d’accès. Ainsi, la seule solution était d’utiliser un système robotisé.

Aujourd’hui, on travaille surtout avec Nikon et Marc Roberts Motion Control, qui produisent presque 90% des robots pour ce genre d’usage.

À Rio, des appareils robotisés ou télécommandés seront utilisés dans pratiquement toutes les disciplines, de l’athlétisme au handball. Nous allons avoir environ 20 appareils robotisés, en incluant 3 appareils sous-marins dans les piscines et environ 30 appareils télécommandés.

(AFP / Francois Xavier Marit)

La technologie nous a permis d’appréhender les sports d’un angle très différent, et par conséquence, de prendre des photos saisissantes.

(AFP / Francois Xavier Marit)

Et la technologie ne s’arrête jamais. Nous travaillons sur différentes choses pour ces JO, que je ne veux vous révéler maintenant.

(AFP/ Francois Xavier Marit)

Les appareils robots aujourd’hui sont plus faciles à utiliser et il est plus simple de les prendre en main. A Londres, nous étions seulement deux à pouvoir les utiliser. À Rio, nous aurons trois personnes chargées des appareils robotisés et il sera possible pour d’autre photographe de venir aider.

Pendant des années, nous avons été les pionniers sur ce terrain. Jusqu’à Londres, nous avions l’exclusivité de la robotique pour les photos sous-marines. Puis nous avons été rattrapé.

Pour être honnête, ça me tue de mettre autant d’efforts là-dedans sans en avoir l’exclusivité. Mais c’est notre réalité : vous pouvez avoir une super idée, la mettre en œuvre et, finalement, les autres vont vous rattraper. Il faut donc maintenir les efforts en permanence, continuer à réfléchir, être toujours plus créatif pour créer quelque chose de différent. Tout comme les sports que nous couvrons, nous devons continuer à évoluer, à nous améliorer. Du coup, j’essaye toujours d’avoir quelque chose de différent, un angle particulier, quelque chose pour nous faire sortir du lot.

(AFP / Francois Xavier Marit)

Bien sûr, nous n’utilisons pas seulement cette technologie pour le sport. Cette année, nous avons placé un appareil photo robotisé au-dessus du tapis rouge à Cannes et Antonin Thuillier, le photographe qui commandait l’appareil, a pris des photos époustouflantes. L’appareil prenait les stars en photo juste avant de monter les marches, après avoir posé pour les photographes. C’est un moment spécial, où elles sont seules, un peu plus détendues, et nous avons obtenu quelques clichés vraiment particuliers.

 

Couvrir quelque chose comme les jeux Olympiques implique d’énormes préparatifs. Je suis arrivé à Rio environ trois semaines avant le début des Jeux, pour organiser et installer tous les équipements. Il va sans dire que des mois de préparation ont été nécessaires en amont.

Le fonctionnement est le suivant : toutes les grandes agences ont une réunion avec les organisateurs des semaines avant le début des Jeux, nous leur présentons ce que nous voulons, et ils nous disent ce qui est possible. Il y a une grosse réunion avec tout le monde. Ensuite, nous essayons d’obtenir des rendez-vous privés avec les organisateurs, pour leur demander des positions ou points de vue dont nous ne voulons pas que nos concurrents prennent connaissance, afin de faire quelque chose de créatif. Et vous faites du mieux que vous pouvez avec ce que vous obtenez.

(AFP / Francois Xavier Marit)

Quelques personnes dans notre domaine sont contre les robots car ils disent que ceux-ci remplacent les photographes, que ça enlève l’humain, le côté créatif de la photographie. Mais c’est faux.

Les appareils photo robotisés sont simplement une extension du photographe. Avec la technologie d’aujourd’hui, le photographe pilote le robot et commande les réglages comme en temps normal – l’exposition, l’ouverture, le choix de l’angle. Et bien sûr le timing, qui est primordial. Les appareils photo d’aujourd’hui prennent 12 à 14 clichés par seconde, mais comme le dirait n’importe quel photographe professionnel, tout est dans le timing, l’expérience est donc essentiel.

Vous avez toujours besoin de l’œil du photographe professionnel pour cela. Les robots ne sont pas des concurrents pour les photographes, mais seulement un nouvel outil, comme un nouvel objectif ou un nouvel appareil. Nous sommes en train de révolutionner la photographie mais les fondamentaux n’ont pas changé, même avec ces innovations : le calcul, l’anticipation, le bon moment, les surprises.

Ce blog a été rédigé avec Yana Dlugy à Paris.

(AFP / Francois Xavier Marit)



 

François Xavier Marit