Syrie : la vie plus forte que les bombes
(Pour terminer une année 2014 marquée par les guerres, les massacres, les épidémies et autres tragédies, les photographes de l’AFP racontent chaque jour, jusqu’au 31 décembre, l’histoire d’une image belle, ou porteuse d'espoir, prise dans le contexte d’un événement dramatique).
DOUMA (Syrie), 26 décembre 2014 – Avant la guerre civile en Syrie, ceci était un marché habituellement plein de monde. Et maintenant c’est l’une des rues les plus dévastées de Douma, un bastion rebelle de la banlieue de Damas assiégé par les forces gouvernementales depuis plus d’un an.
Je me promenais dans la ville pour photographier la vie quotidienne, quand je suis tombé sur cette scène. Nous sommes sur le lieu d’une attaque aérienne qui avait fait au moins sept morts. Deux personnes n’ont jamais été retrouvées, et gisent encore quelque part sous ces décombres.
Je ne sais rien de la femme et de l’enfant sur la photo. Mais malgré les raids aériens, les destructions, le danger, c’est une scène habituelle ici à Douma : une mère qui transporte son enfant dans une poussette, comme toutes les mères partout dans le monde.
Il y a deux types de mères ici.
Les premières sont celles qui ne se séparent jamais de leurs enfants, qui les emmènent partout avec elles. « De toutes façons aucun endroit n’est sûr ici, alors pourquoi ne pas les emmener », pensent-elles.
Les secondes préfèrent que leurs enfants ne mettent jamais le nez dehors. Ma propre mère fait partie de cette catégorie. Elle veut que mes frères et sœurs restent à la maison lorsqu’elle doit aller quelque part. « Même si aucun endroit n’est sûr, au moins j’ai l’impression de faire de mon mieux pour qu’ils soient en sécurité », dit-elle.
La vie à Douma est de plus en plus dure. Tout le monde souffre du siège et des bombardements. Nous manquons de tout : de médicaments, de nourriture, d’eau, de carburant et d’électricité.
Il est bien sûr dangereux de s’aventurer dehors, mais les gens doivent quand même sortir de temps en temps. Quelle que soit la situation, la vie doit continuer. C’est difficile à croire, mais parfois, pendant la plus sanglante des journées, quand je pars couvrir les conséquences d’un bombardement, je m’attends à trouver des rues désertes et à la place, je vois des gens dehors, qui travaillent, qui vont à l’école, ou qui font leurs courses à cinquante mètres de l’endroit où les bombes sont tombées.
« Quoiqu’il arrive, nous devons nourrir nos enfants ». C’est tout ce qu’ils disent.
Abd Doumany est un photographe indépendant basé à Douma, qui collabore régulièrement avec l’AFP. Lisez son précédent billet : Dans l’hôpital de l’horreur.