La magie du désert

Désert de Liwa (Abou Dhabi) -- J’ai vu le désert pour la première fois en 2006, en m’installant aux Emirats arabes unis pour le travail. Maintenant que je le connais un peu, je l’adore. Mon pays d’Irak, la terre des deux fleuves, est plutôt vert. Il a aussi des zones désertiques, mais je n’y ai pas été élevé.

Il y a un malentendu au sujet du désert: ce ne serait pas un endroit photogénique, parce qu’il ne s’y passe rien. Pourtant, plus j’y séjourne, plus j’y trouve de sources d’inspiration.

(AFP / Karim Sahib)

 

Où que je me trouve, j’essaie de travailler tous les angles possibles. Dubaï n’est qu’un décor de buildings et de tours immenses. Donc, une fois arrivé, et dès que je l’ai pu, j’ai filé dans le désert.

Les tours de Dubaï. (AFP / Karim Sahib)
Les tours du désert. (AFP / Karim Sahib)

 

 

Une chose frappante dans les Emirats est la distinction très nette entre les villes et les étendues désertiques. Ces dernières sont comme vierges. Et en même temps, il y a une couverture de téléphonie mobile qui facilite grandement le travail, et la vie tout court.

J’adore mes voyages dans le désert. Aucun bruit, aucune foule. Ma destination habituelle est le désert de Liwa, proche de la frontière saoudienne, à trois heures de route à l’ouest d’Abou Dhabi. J’y campe généralement trois ou quatre jours avec des tribus locales. Il est quasiment impossible de faire de bonnes photos sans avoir passé du temps sur place et noué des relations amicales avec les habitants.

Les membres et le chef de la tribu me considèrent maintenant comme un des leurs. Sans eux, je ne pourrais pas travailler.

Prière sous la tente, dans le désert de Liwa. Décembre 2013. (AFP / Karim Sahib)


 

Lors de ma première incursion dans le désert, à Liwa, je ne pouvais pas m’aventurer au cœur avec ma voiture. J’ai marché jusqu’à atteindre une tribu locale. C’était l’heure de la prière. J’ai posé mes appareils et j’ai prié. 

C’est comme ça que nous avons fait connaissance. Comme ils étaient intrigués par mes appareils photo nous avons passé le reste de l’après-midi à discuter. J’étais en train de me demander comment leur dire qu’il me fallait un hôtel, quand ils ont apporté un dîner, en m’annonçant que de toute façon je n’irai nulle part. J’étais leur invité, pour aussi longtemps que j’en aurai besoin. Je suis resté dans une de leurs tentes.

Un thé dans le désert. (AFP / Karim Sahib)

 

Il n’avait pas plu à Liwa depuis à peu près six ans. Le lendemain de mon arrivée, à 5h00 du matin, il est tombé des trombes. Je suis vite sorti, pour saisir l’image de deux hommes guidant leurs dromadaires sur le sable mouillé. 

Juste après une des rares pluies qui tombent sur le désert de Liwa. Novembre 2013. (AFP / Karim Sahib)


 

Au milieu de la matinée, en rentrant à la tente, j’ai été chaleureusement accueilli. On m’a dit que j’avais porté bonheur à la tribu. Depuis, c’est devenu une blague. Quand il n’est pas tombé d’eau depuis longtemps on me lance : « Hé Karim, où es-tu passé ? Nous avons besoin de pluie ».

Bon nombre de membres des tribus vivent à Abou Dhabi, mais ils conservent des liens très forts avec leurs racines. Dans le désert ils ont des écuries pour leurs dromadaires, alimentées par panneaux solaires, avec des installations de stockage d’eau.

(AFP / Karim Sahib)

Depuis ma première visite je reviens régulièrement à Liwa.

L’hospitalité des tribus est la règle, mais j’ai l’impression d’être traité d’une façon spéciale.

Comme un arabe véritable, connecté à mes racines arabes.

Avec l’idée de l’hospitalité, et celle de faire un avec la terre.

Les livres saints, le Coran, la Bible et la Torah disent tous que l’homme vient de la poussière et retournera à la poussière.

Et rien ne rappelle plus la terre que le désert.

Il n’y a rien d‘autre que vous, les étoiles et le sable, pour vous rappeler d’où vous venez et où vous terminerez.

Ça rend humble.

A chaque voyage j’en apprends un peu plus sur le désert et sur les façons de le photographier.

(AFP / Karim Sahib)

Les meilleurs moments sont l’aube et le soir.

A partir de 10h00, la journée est beaucoup trop chaude, et la lumière écrase tout.

A ce moment-là, il y a toujours le thé, le café et les dattes, offertes pour les amis et les proches.

J’en profite pour écluser mes mails et passer du temps avec les familles.

Le désert a ses tours à lui, les dunes de sable. Elles changent sans cesse d’apparence, selon l’heure et les saisons. Elles peuvent passer d’un orange très doux le matin, à un jaune vif, qui tire vers un blanc éblouissant à midi, avant de retrouver un orange, mais d’aspect brûlé dans l’après-midi, presque comme un coucher de soleil.        

 

(AFP / Karim Sahib)
(AFP / Karim Sahib)

 

Je ne peux pas prendre de photos à l’aide d’un drone, car il faut une permission spéciale que j’attends encore. Je me rattrape avec des vues prises du haut des dunes. 

 

(AFP / Karim Sahib)

Le désert de Liwa est un des plus larges de la région avec un croissant d’environ 100 km de sable vierge. Sans empreintes, et juste troublé par des cris d’oiseaux. Avec le jeu de la lumière sur le sable, c’est une leçon d’art plastique toujours renouvelée.

(AFP / Karim Sahib)

 

Les animaux sont un autre aspect fascinant du désert.

 

Un oryx d'Arabie, dans la réserve dédiée à son espèce, mars 2017. (AFP / Karim Sahib)
Des oryx d'Arabie, dans leur réserve, mars 2016. (AFP / Karim Sahib)

 

 

 

Les émiratis ont une tradition bien ancrée de chasse au faucon pour attraper de petits oiseaux. Leur manière de prendre soin de leurs rapaces, comme de leurs dromadaires, est assez fascinante. Les oiseaux ont droit au siège avant passager de la voiture, généralement un gros 4X4, avec l’air conditionné réglé à la température idéale.

(AFP / Karim Sahib)
(AFP / Karim Sahib)

 

Avec le temps j’ai fait connaissance de nombreux membres de tribus qui vivent dans les villes. Mais leurs racines sont dans le désert. C’est une sensation que je comprends mieux maintenant.

 

Ce blog a été écrit avec Natacha Yazbeck à Dubaï et Yana Dlugy à Paris.

(AFP / Karim Sahib)
(AFP / Karim Sahib)

 

 

 

Karim Sahib