Une enfant joue dans le désert saoudien sur le bord d'une route à Buraydah, à 400 km au nord de Riyad, le 11 mars 2016 (AFP / Fayez Nureldine)

Sur la route, en Arabie saoudite

HAFAR AL-BATIN (Arabie saoudite), 15 mars 2016 – Je n’avais jamais imaginé qu’il y aurait tant de choses à voir, tant de beauté, dans le vaste désert saoudien. Et ce jour-là, grâce à une erreur de navigation, j’ai l’occasion de le découvrir de très près.

Depuis que j’ai pris mes fonctions de correspondant de l’AFP en Arabie saoudite il y a dix-huit mois, j’ai parcouru le pays d’un bout à l’autre, mais toujours en avion. Je sais pourtant que seul un voyage par la route permet de véritablement découvrir un pays, et je guettais depuis longtemps l’occasion d’en faire un. Le prétexte arrive avec les exercices militaires régionaux Northern Thunder, auxquels participent une vingtaine de pays du côté de Hafar al-Batin, dans le nord-est du royaume.

Nous sommes trois à quitter Riyad en cette fin d’après-midi pour aller couvrir les manœuvres. Mon collègue photographe Fayez Nureldine est au volant. Le reporter vidéo de Reuters Samer Fathi fait office de navigateur. Nous voilà partis pour une virée de 515 kilomètres, jusqu’aux confins du Koweït.

Quelque part après la sortie de Riyad, nous sortons de l’autoroute pour emprunter ce que nous pensons être le bon chemin, une route secondaire bordée de dunes. Sur le sable rouge, des gens se sont assis pour pique-niquer dans la fraîcheur du début de soirée. Les Saoudiens se sentent chez eux dans le désert. C’est là que les familles de citadins vont passer leurs moments de détente. Il y a aussi de grandes tentes et des camions blancs qui permettent à ceux qui le veulent de passer la nuit sur place.

(Photo: Ian Timberlake)

Quelques kilomètres plus loin, le sol commence à se parer d’une belle couverture végétale vert-pâle. J’ai déjà vu ça, au Darfour, quand les pluies redonnent vie au sol aride. De chaque côté de la route, on aperçoit dans le lointain un imposant mur de roches. Un panneau de signalisation nous avertit que nous sommes sur une « piste faunique », ce qui ne nous étonne guère vu le nombre de dromadaires que nous avons croisés.

Flaques d'eau dans le désert

Nous continuons notre voyage. La route se rapproche du mur naturel et finit par l’escalader assez facilement. Depuis le sommet de ce qui s’avère être une petite montagne, nous dominons un paysage de collines rocailleuses et dénudées. Biens que nous soyons en plein désert, on aperçoit ci et là de petits points d’eau qui, de loin, ressemblent à des flaques.

Peu de voitures empruntent cette tortueuse route à deux voies. Bientôt, les collines cèdent la place à un paysage entièrement plat. Rien n’accroche le regard, à l’exception d’un voile blanc à l’horizon. Cela fait moins de deux heures que nous sommes partis de Riyad.

(Photo: Ian Timberlake)

De temps en temps, de fugaces signes de vie surgissent sur les bords de la route dans le soleil couchant: une meule de foin, deux hommes assis sur des chaises à côté d’un camion rouillé, une femme entièrement voilée par une abaya noire qui vend des sacs contenant quelque chose de blanc, probablement du sucre, à la porte d’une hutte. Des troupeaux de chèvres. Des dromadaires qui baissent le cou pour se régaler de jeunes pousses vertes à peine sorties du sol. Nous sommes ici en pays bédouin, patrie des éleveurs de chameaux et de chèvres traditionnellement nomades.

Dromadaires dans la nuit

Nous passons le long d’un grand campement. Les chèvres déambulent parmi les camions en stationnement. Il y a aussi une tente austère, surmontée d’un mat au bout duquel un drapeau saoudien flotte dans la brise vespérale, et une petite mosquée toute simple, qui contraste avec les lieux de prière beaucoup plus grands auxquels nous sommes habitués dans la capitale.

Le paysage change à nouveau. On en revient aux dunes de sable rouge. Des relais de téléphonie mobile nous indiquent que nous ne sommes pas totalement coupés du reste du monde. Il n’empêche que cette immensité et la pénombre qui se fait de plus en plus insistante commencent à déclencher en nous une sensation d’isolement assez oppressante. Fayez s’inquiète du risque, très réel, de collision avec des dromadaires sur cette route déserte et sans éclairage.

(Photo: Ian Timberlake)

L’apparition d’un halo de lumière à l'horizon, puis d'un petit magasin brillamment éclairé sur le bord de la route nous rassure. Finalement, au bout de trois heures de route, nous sommes revenus dans la civilisation. Il y a une station-service, une mosquée, un restaurant et une boutique qui vend de tout, de l’en-cas jusqu’au holster pour arme de poing. Nous revenons sur une vraie autoroute. Samer, qui a relayé Fayez au volant, en profite pour appuyer sur l’accélérateur.

Nous avions emprunté la mauvaise route. La mauvaise ? Pas vraiment en fait. Pour moi, c’était plutôt la bonne. Alors que nous avalons les kilomètres à grande vitesse dans la nuit, j'aurais envie de retourner là-bas, de ralentir à nouveau, pour avoir le temps de contempler les étoiles dans le ciel limpide et savourer toutes les beautés du désert.

Ian Timberlake est correspondant de l’AFP à Riyad. Suivez-le sur Twitter (@IanTimberlake1). Cet article a été traduit de l'anglais par Roland de Courson.

(AFP / Fayez Nureldine)
Ian Timberlake