Vraiment, le pire est à venir ?
Taree, Australie -- Il paraît, c’est en tous cas ce que nous disent les pompiers, que ce n’est qu’un début. Les incendies qui font rage en Australie sont partis pour durer, sans doute encore six mois.
Au début du mois de décembre deux millions d'hectares étaient partis en fumée… soit l'équivalent de la moitié de la Suisse.
Les feux de brousse sont un phénomène naturel annuel en Australie. Mais cette saison est particulièrement intense en raison de la sécheresse, et de la hausse des températures. La végétation est abondante et très inflammable. Tout est exacerbé par le réchauffement climatique. J'habite en Australie depuis cinq ans et j’ai résidé ici il y a trois décennies. Je n’ai jamais vécu une situation aussi grave.
Au nord-ouest de Sydney des incendies de forêt actifs depuis plusieurs semaines ont fusionné en un seul et unique "mégafeu" qui a déjà détruit 319.000 hectares de terres, principalement dans des parcs nationaux, à seulement une heure de route de la ville et de ses cinq millions d'habitants.
Vers la mi-décembre un épais brouillard de fumées toxiques y déclenchait ici et là les détecteurs de fumées de bureaux et des centaines d'interventions de pompiers alertés par ces systèmes de détection toutes sirènes hurlantes, secouaient Sydney. Une course de yachts a été interrompue, les organisateurs jugeant la compétition “trop dangereuse”, faute de visibilité. Jamais je n’avais vu Sydney enveloppée par une fumée épaisse comme cette année. Le sujet accapare les conversations, dans la rue et dans la presse.
Couvrir les incendies, c'est une expérience particulière, intimidante, même lorsque l’on porte un équipement adapté -- lunettes, vêtements ignifugés, bottes spéciales, casque, gants -- et même après avoir reçu une formation spécifique.
La formation est obligatoire pour tous les journalistes qui sont amenés à couvrir des incendies. Ces stages d’une journée sont organisés par des pompiers ruraux en septembre, avant la saison des incendies.
Il faut se dire qu’un feu peut atteindre une température de mille degrès Celsius. Sans protection, il suffirait de s’en approcher un peu trop pour brûler.
Deux sensations écrasent le reste: évidemment, la température... et le bruit, une sorte de rugissement, qui s’intensifie quand le vent souffle fort. Pour photographier un incendie correctement, il faut qu’il vienne vers toi. Les meilleures photos, sont “de face” en sentant la gifle de la chaleur et les rafales de vent brûlant. Quand les rafales s’intensifient, les flammes atteignent la cime des arbres.
Les incendies que j'ai fotographiés en ce début d’été austral touchent des forêts d’Eucalyptus, particulièrement inflammables, notamment en raison de l’huile des arbres de cette espèce. Les flammes provoquent des explosions au sommet.
Un spectacle magnifique d’un point de vue esthétique et très effrayant.
Je garde notamment le souvenir d’un reportage où nous avons pris un chemin de traverse, avec un reporter.
L'incendie était devant nous. Mais soudain les flammes étaient aussi sur notre droite.. sans doute à cause d'un brusque changement dans la direction du vent. Nous étions bien protégés et dans notre voiture, mais les flammes étaient très près du sol et montaient très haut, 15 mètres, l’équivalent d’un immeuble de 4 étages. La scène était impressionnante, les arbres s'enflammaient par le haut. Dans une situation pareille, tout peut arriver: les arbres peuvent s’effondrer d’un coup.
Nous n’avions plus de visibilité ni devant nous ni derrière. Nous avions en revanche appris lors de la formation qu’on ne peut faire de reportage sur un incendie sans s'être auparavant assuré qu’il existe une "issue de secours", une autre route par laquelle s’enfuir. C’était le cas: le feu était à droite et il y avait bien une route à gauche.
Pendant ce temps, à Sydney, le ciel avait pris une tonalité orangée.
Et l’été n’avait fait que commencer...
Ce blog a été écrit avec Yana Dlugy à Paris. Version française et mise en page par Michaëla Cancela-Kieffer