(AFP / Fred Dufour)

Epinal à Pékin

Pékin -- Je viens de couvrir la session annuelle de la Conférence consultative politique du peuple chinois et de l’Assemble nationale populaire. Evidemment, dit comme ça, j’imagine que cela peut en laisser perplexe plus d’un.

Mais pour un photographe basé à Pékin, comme je le suis depuis presque trois ans, c’est un évènement assez extraordinaire. L’occasion rêvée de traduire en images les représentations mentales que j’ai de la Chine. Mes images d’Epinal, en quelque sorte.

Un garde pendant la conférence consultative politique du peuple chinois, à Pékin, le 9 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)

« Les deux réunions », comme les appellent les autorités, accueillent 5.000 membres de tout ce qui compte dans la société chinoise, des militaires aux cadres du parti, en passant par les représentants de minorités ethniques ou des milliardaires. Le cadre est grandiose, dans le Palais du Peuple, face à la place Tiananmen. 

L’évènement dure dix jours, et même à quatre, avec mes collègues photographes  du bureau de Pékin, -Greg Baker, Nicolas Asfouri et Wang Zhao-, nous sommes sûrs de ne jamais nous marcher sur les pieds. 

Arrivée des délégués au Palais du Peuple, pour la Conférence consultative politiquer du peuple chinois, face à la place Tiananmen, à Pékin, le 9 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)
Entrée de la salle principale du Palais du Peuple, Pékin, le 9 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)

 

Quand je veux décrire la chine, j’ai ma galerie d’images symboliques en tête. Et la première est celle de la sécurité, avec un garde ou un militaire.

Des hôtesses se prennent en photo devant un garde, à l'ouverture de la Conférence consultative politique du peuple chinois, à Pékin, le 3 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)

Il se trouve que c’est aussi le genre d’image qui fonctionne bien : un soldat, c’est généralement ce que les clients ont envie de voir quand ils pensent à la Chine.

Bien entendu, j’essaie aussi d’autres angles, mais je me rends compte que ça ne produit pas beaucoup de téléchargements.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire d’images moins vendeuses. 

Mais une photo qui a tous les bons ingrédients fonctionne généralement bien : un militaire ou un policier, avec la rigueur et la raideur qui l’accompagnent.

D’autant plus que c’est le seul moment de l’année où on peut les photographier librement, et quasiment sous leur nez.

Alors que quelques jours avant l’ouverture du congrès, -c’est comme ça que je l’appelle, c’est plus simple-, j’en ai justement photographié un, qui m’a intimé l’ordre d’arrêter.

Un garde refuse d'être pris en photo, aux portes de la Cité interdite, le 1 er mars à Pékin, quelques jours avant l'ouverture des "deux réunions". (AFP / Fred Dufour)

L’évènement est très bien orchestré, dans les moindres détails, jusque dans la façon de servir le thé aux délégués. Il y a une discipline de fer chez tous les employés, des gardes aux hôtesses qui accueillent les délégués.

Tout le personnel de service et de la sécurité se tient droit comme un « i ». Ils savent que nous sommes là, et ils posent presque. Quelquefois on peut surprendre un petit relâchement, très bref, mais dès que le sujet nous aperçoit, il se reprend. Les militaires se figent au garde-à-vous, les hôtesses prennent une pose empruntée ou gracieuse.

En même temps, c’est un moment de véritable liberté pour nous. Une fois franchi le contrôle de sécurité pour accéder à l’enceinte des réunions, nous sommes à peu près libres de faire ce que nous voulons.

Des hôtesses prennent une pose pour la photo, à l'ouverture de l'Assemblée nationale populaire, sous un ciel inhabituellement bleu pour la capitale Pékin, grâce à l'activité réduite des usines, le 5 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)

Les médias chinois donnent à voir un style plus académique, ou institutionnel,  de l’évènement.

Avec des portraits de personnalités et délégués que nous ne connaissons pas, ou qui ne voudraient rien dire pour une audience internationale. C’est normal.

Mais sinon, nous photographions les mêmes sujets : l’arrivée des délégués le matin, l’immense étoile rouge qui surplombe la salle du palais du Peuple, et ainsi de suite. Nous avons fait la Une d’un quotidien de Phnom Penh avec des hôtesses prenant une pose particulière. 

Il ne faut pas croire que la répétition de l’évènement le rende lassant, au contraire. Il regorge de symboles de la Chine, rassemblés en un seul lieu pendant une brève durée. On se fait vraiment plaisir à les photographier.

Il y a l’arrivée en masse des délégués, le ballet des responsables à l’intérieur. Personnellement, avec mon bagage culturel, j’aime beaucoup les scènes avec des militaires. 

C’est la Chine que j’aime voir. Elle saute aux yeux. Ils ont une présence très forte. Ils arrivent le matin en groupe, à plusieurs centaines, par car. Et ils repartent généralement tous en même temps. Ça donne une image de force tranquille.

Les délégations de militaires quittent le Palais du Peuple, après une séance de l'Assemblée nationale populaire, à Pékin, le 5 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)

C’est la troisième fois que je couvre les « deux réunions ». La première, en 2015, peu après mon arrivée, j’avais un regard neuf. J’ai bien observé le déroulement des cérémonies.

Un an plus tôt, photo au flash d'une hôtesse tenant un panneau d'information pour les délégués à la Conférence consultative politique du peuple chinois, à Pékin, le 11 mars 2016. (AFP / Fred Dufour)

La deuxième, j’ai pu tenter des choses. En jouant notamment avec un flash. J’essayais de faire quelque chose de différent.

Cette fois-ci, j’ai encore essayé quelque chose de nouveau. Je voulais surtout des extérieurs, pour profiter de la lumière. Pékin est une ville ultra-polluée.

Pendant les réunions, les autorités ordonnent aux usines de passer à une activité réduite, pour avoir un ciel à peu près bleu et pur. 

J’étais aussi moins pressé, sachant comment ça se déroule. La première fois, c’est assez déroutant. Tout se passe d’un seul coup, l’arrivée des bus, l’arrivée des militaires, et ainsi de suite.

Après, j’ai compris la mécanique, et mémorisé les lieux. Je sais par exemple que le soleil éclairera la scène de tel ou tel côté à telle ou telle heure. C’est une véritable gymnastique, pour calculer son positionnement et son timing.

Au final, quand je regarde la production de la concurrence, je crois que mes collègues et moi-même apportons une vraie écriture photographique, distincte. Enfin, je l’espère.

Deuxième séance de l'Assemblée nationale populaire, Palais du Peuple, Pékin, 8 mars 2017. (AFP / Fred Dufour)

Ce billet de blog a été écrit avec Pierre Célérier à Paris.

Fred Dufour