La place des Canons à Beyrouth, sur une carte postale de 1920 et de nos jours (AFP / Patrick Baz)

Cartes postales de Beyrouth en métamorphose

BEYROUTH, 23 novembre 2015 - Après plusieurs années à l’étranger je me suis récemment réinstallé à Beyrouth, et j’ai été choqué par la façon dont le paysage de ma ville natale s’est métamorphosé. Plus rien ne ressemble à rien.

Au Liban, on ne respecte pas le passé. Certes la guerre civile a détruit pas mal de vieilles bâtisses, mais même celles qui tenaient encore debout à la fin du conflit sont démolies les unes après les autres. A la place, on construit des villages verticaux. Ce sont les promoteurs immobiliers qui décident. Ils sont en train de tuer l’âme et l’histoire du pays pour le transformer en nouveau Dubaï.

La rue Bab Eddris (AFP / Patrick Baz)

Alors, j’ai eu une idée. Il n’y a pas très longtemps, ma mère m’a fait cadeau de sa collection de vieilles cartes postales du Liban, qui datent pour la plupart du Mandat français entre 1920 et 1943. Exilée en France au début de la guerre, en 1976, ma mère écumait les marchés et les boutiques d’antiquaire à la recherche de ces images jaunies. Elles lui rappelaient le Liban où ses parents avaient vécu et où elle avait elle-même passé ses premières années. C’était une façon pour elle de garder le contact avec son pays. J’ai décidé d’utiliser ces cartes postales pour montrer l’ampleur des changements survenus en un siècle à Beyrouth, en les comparant avec des prises de vue réalisées exactement aux mêmes endroits à l’époque actuelle.

Une vue de Beyrouth (AFP / Patrick Baz)

Techniquement, cela s’est avéré compliqué. Pour qu’on puisse faire le rapprochement entre les deux images, il faut des points de repère. Dans de nombreux cas, ces repères ont été impossibles à trouver tant les bouleversements avaient été grands. La lumière aussi a posé problème. Les gratte-ciels hideux sont parfois tellement hauts que des rues entières sont plongées dans la pénombre, et il peut exister un écart de trois ou quatre diaphragmes entre un trottoir et celui d’en face. En plus de tout ça, il fallait que la carte postale soit bien exposée à la lumière. Et il a souvent fallu travailler très vite pour ne pas être embêtés par les vigiles ou autres services de sécurité qui pullulent dans la ville. L’équation n’a pas été facile à résoudre.

Le Grand Sérail (AFP / Patrick Baz)

Avec l’aide précieuse du photographe du bureau de Beyrouth Joseph Eid, qui connaît beaucoup mieux le terrain que moi, j’ai pu réaliser dix-huit photos en deux jours. Le travail n’est pas fini, puisqu’il y a trois cents cartes postales au total dans ma collection!

Les cartes postales de ma mère m’avaient déjà inspiré il y a deux ans une série de photos exposée à Beyrouth. Le plus intéressant n’est pas tant les images qu’elles montrent que ce qu’il y a écrit derrière. Des expatriés et des militaires français écrivaient à leurs familles pour leur raconter le Liban de l’époque. Ils s’extasiaient sur la beauté du pays, la mer, la douceur de vivre… Certains affirmaient ne pas vouloir rentrer.

Patrick Baz est un photojournaliste de l’AFP qui réside actuellement à Beyrouth. Suivez-le sur Twitter (@Patrick_Baz) et sur Instagram. Ce texte a été écrit avec Roland de Courson à Paris (@rdecourson).

La rue Weygand et l'immeuble de la mairie (AFP / Patrick Baz)
La rue Souk al-Jamile (AFP / Patrick Baz)
L'avenue des Français (AFP / Patrick Baz)
Le phare (AFP / Patrick Baz)
L'avenue Foch (AFP / Patrick Baz)
La rivière de Beyrouth (AFP / Patrick Baz)
Le pont du Pacha (AFP / Patrick Baz)
La rivière du Chien, au nord de Beyrouth (AFP / Patrick Baz)
Le port de Beyrouth (AFP / Patrick Baz)
Le quartier d'Ashrafiyeh (AFP / Patrick Baz)
La ville de Jounieh (AFP / Patrick Baz)
(AFP / Patrick Baz)
(AFP / Patrick Baz)
L'avenue des Français, ou Corniche (AFP / Patrick Baz)
Patrick Baz