Des jeunes acclament la présidente centrafricaine par intérim Catherine Samba-Panza qui vient de visiter leur camp de déplacés à Bangui peu de temps après sa prise de fonctions, le 1er février 2014 (AFP / Issouf Sanogo)

Une minute de liesse au milieu des massacres

(Pour terminer une année 2014 marquée par les guerres, les massacres, les épidémies et autres tragédies, les photographes de l’AFP racontent chaque jour, jusqu’au 31 décembre, l’histoire d’une image belle, ou porteuse d'espoir, prise dans le contexte d’un événement dramatique).

ABIDJAN, 27 décembre 2013 – Nous sommes le 1er février à Bangui. Depuis une dizaine de jours, la Centrafrique a une nouvelle présidente par intérim, Catherine Samba-Panza. Son arrivée à la tête du pays en ruines, ensanglanté depuis des mois par d’effroyables violences intercommunautaires, soulève une vague d’espoir parmi les Centrafricains.

Je me trouve à Bangui depuis une dizaine de jours aussi quand j’assiste à cette scène. Elle se déroule dans la cour d’une église, dans un centre pour déplacés que Mme Samba-Panza vient de visiter. La voiture officielle de la présidente démarre et soulève des nuages de poussière. Des dizaines de femmes et d’enfants courent derrière en sautant de joie, en riant et en criant « vive la présidente ! » Je me trouve parmi eux, dans la rue, et je saisis ce bref moment de liesse, si rafraîchissant, si différent des horreurs que j’ai photographiées les jours précédents, et que je photographierai encore durant les jours suivants.

(AFP / Issouf Sanogo)

La joie est de courte durée. Le même jour, Catherine Samba-Panza doit annuler une visite au plus grand camp de déplacés de Bangui, car on craint pour sa sécurité. Et cinq jours plus tard, j’assiste à une scène de lynchage particulièrement atroce au sein même de l’Ecole nationale de la magistrature de Bangui, juste après une cérémonie officielle en présence de la présidente.

Je suis retourné une fois en Centrafrique, en mars-avril. A l’heure actuelle, les exactions de masse ont cessé et beaucoup de déplacés ont pu regagner leurs quartiers. Mais des violences éclatent encore régulièrement, le pays est ruiné et en proie à une criminalité galopante, et Mme Samba-Panza est contestée.

Catherine Samba-Panza visite un camp de déplacés à Bangui, le 1er février 2014 (AFP / Issouf Sanogo)

Reste que comme tous les peuples de la région, les Centrafricains sont des bons vivants. Même au pire des violences, on trouvait toujours des buvettes improvisées au coin des rues, des gens prêts à faire la fête. Cette scène de liesse du 1er février, quand des dizaines de personnes qui venaient d’être chassées de leurs maisons et qui avaient tous probablement perdu des proches dans les massacres se sont mis à danser, à rire et à crier de joie parce que leur présidente était venue les voir, nous rappelle que le goût des Centrafricains pour la vie ne disparaîtra pas de sitôt.

Issouf Sanogo est un photographe de l’AFP basé à Abidjan.

(AFP / Issouf Sanogo)

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