Les murs qui parlent d'Athènes
ATHENES - Ils parlent du présent, des crises qui s'empilent, certains avec un humour très noir, mais aussi une créativité féroce qui explose a l'air libre.
On trouve de tout. Au coeur des années 2000 prospères, années post-JO, il y a d'abord eu les grandes fresques murales commissionnées, financées sur fonds publics ou de promotion immobiliere.
Durant et après la vague d'émeutes urbaines de decembre 2008, qui a suivi la mort d'un adolescent tué par un policier, les murs se sont remplis de graffitis et street art, parfois sur le thème "Athens burns".
Comme partout, il y avait aussi eu la mode du graf a l'américaine. Une génération de graffeurs a commencé il y a une quinzaine d'années et certains continuent dans cette veine qu'on retrouve dans beaucoup de grandes villes et banlieues occidentales.
Aujourd'hui a Athenès certains graffeurs sont devenus graphistes, designers, publicistes. Récemment, une galerie d'art contemporain a fait venir certains d'entre eux, aujourd'hui trentenaires, pour créer des oeuvres amovibles et transportables destinées aux collectionneurs.
Mais sur les murs d'Athènes, on trouve un style indéfinissable, une spécificité créative qui va bien au delà du graf.
Dans la rue, l'imagination est au pouvoir. Street art, pochoirs, papier collé dans le style Ernest Pignon Ernest, personnages fantastiques sortis de BD hallucinées, mangas... tout le monde s'exprime.
Un artiste tout récent, visiblement inspiré par les manifs anti-austerité athéniennes qui se sont multipliées depuis mai 2010, peint dans un style hyper réaliste l'un des objets emblématiques de la lutte contre la police qui déverse des flots de gaz lacrymogène sur les manifestants: le masque a gaz.
L'image fait froid dans le dos lorsqu'on tombe dessus au coin d'une petite rue résidentielle du centre-ville.
Le plus difficile est de mettre la main sur les artistes, même si certaines signatures sont reconnaissables. Ainsi un artiste dénommé Sonke fait un personnage que nous avons baptisé entre nous "la princesse" en noir et blanc. Tantôt elle pleure, tantôt elle rit. Elle est seule ou accompagnée d'autres personnages. J'en ai trouvé une qui a un oeil au beurre noir et qui dit "shit". On la retrouve partout.
Un samedi fin mars, je suis partie avec une amie du quartier touristique de Monastiraki dans le centre. Nous avons été dans Psirri, quartier jeune et branché où l'on trouve galeries d'art et cafés, et surtout Gazi où se trouvent d'anciennes usines maintenant utilisees pour des expos.
Surtout, nous nous sommes éloignées des grandes avenues et des rues très passantes où se concentrent les cafés. Et là, nous avons trouvé des tas d'oeuvres de rue, absolument partout: sur les portes de garages, encadrant des fenêtres sur des maisons a l'abandon, au fond de cours laissées vides par un debut de chantier archéologique suspendu.
On sent bien que les artistes ont besoin d'être tranquilles. Ils ne peuvent pas dessiner sur une avenue trop passante. En deux ou trois heures, nous avons fait une moisson d'images les plus diverses.
Certaines ont un contenu ouvertement politique et derisoire (comme celle du masque a gaz, ou bien celle où le Premier ministre Lucas Papademos braque un revolver droit devant lui en disant: "just give me the fucking cookies"), mais finalement on trouve beaucoup plus d'oeuvres oniriques et poétiques, ou bien complètement burlesques.
Certaines ont déjà presque disparu, certaines ont été recouvertes, d'autres sont visiblement toutes fraîches et attendent les réactions des passants.