(AFP / Christophe Simon)

Dans les montagnes d'ordures de Rio

RIO DE JANEIRO, 16 mai 2012 - J’ai pris ces photos à Jardim Gramacho, dans la banlieue nord de Rio. Cette décharge, qui accueille les déjections de la mégalopole brésilienne et de ses 11 millions d’habitants, est la plus grande de tout le continent américain. Elle est dans le collimateur des écologistes car elle pollue gravement la lagune environnante. Les autorités ont signé son arrêt de mort. Jardim Gramacho fermera le 1er juin 2012. Cela fera meilleur effet avant l’arrivée des chefs d’Etat au sommet Rio+20 sur le développement durable, prévu du 20 au 22 juin. J’ai décidé d’aller faire un reportage dans la décharge avant qu’elle ne soit définitivement recouverte de terre par les bulldozers. Les autorisations sont normalement assez difficiles à obtenir, mais les autorités sont bien obligées de communiquer sur la fermeture de la décharge. Alors elles m’ont laissé y aller sans problème.

Cette fermeture, c’est un peu un drame. Il existe, dans la décharge, toute une population de «catadores», les trieurs de déchets, qui vivent du recyclage. Chacun a une spécialité : un ramasse le plastique, l’autre le papier, un autre le verre… Il y a des centaines et des centaines de « catadores », qui vivent dans les favelas environnantes et qui sont officiellement autorisés à travailler à Jardim Gramacho. A chaque fois qu’un camion poubelle arrive dans la décharge, tout le monde se précipite dessus. C’est un endroit dangereux. Il y a souvent des accidents, qui font des morts.

Jardim Gramacho est un endroit impressionnant. Des montagnes de déchets du haut desquelles on a une vue incroyable sur Rio. Une puanteur atroce. Des nuées de vautours et de mouettes qui virevoltent au milieu des « catadores ». Les habitants des favelas des alentours viennent y faire paître leurs cochons, leurs chevaux… C’est tout un écosystème qui s’est créé dans la décharge. Les ordures nourrissent les gens, les animaux. On a l’impression d’être sur un continent de déchets sur lequel la nature aurait repris ses droits par la force des choses.

Quand Jardim Gramacho sera fermée, les ordures de Rio seront transportées dans une nouvelle usine de recyclage ultramoderne, de l’autre côté de la baie. Les autorités ont promis d’indemniser les « catadores ». Mais le seront-ils vraiment ? Pourront-ils survivre ?

(AFP / Christophe Simon)
(AFP / Christophe Simon)
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