(AFP / Mandel Ngan)

Ma correspondance torride avec Obama

PARIS, 9 mai 2012 - “Laurence, je vais prendre la parole à Grant Park mais je voulais t’écrire d’abord. Nous avons fait l’histoire (…) mais je veux être très clair… Tout est arrivé grâce à toi. Merci, Barack”

Voici le mail que m’avait envoyé Barack (je me permets de l’appeler ainsi, vu notre intimité épistolaire) le 4 novembre 2008, juste avant son premier discours en tant que président élu des Etats-Unis. En poste à l’époque au bureau AFP de New York, je m’étais inscrite quelques mois plus tôt sur la mailing list du site officiel du candidat, www.barackobama.com. Et j’ai eu toutes les peines du monde  à m’abstenir de lui répondre : « Mais de rien, cher Barack. Voyons, c’est tout naturel ».

François Hollande aussi a envoyé le 6 mai un SMS à ses supporters, mais avec un sobre « cette victoire c’est la vôtre » - le frisson n’y était pas. Il est vrai que la familiarité du « you » anglais est difficile à traduire. Et que je n’aimerais peut-être pas que Hollande me tutoie. 

Barack, lui, m’a écrit plus de 250 fois ces trois dernières années, au mois une fois par semaine, souvent bien plus. A tel point qu’au bout de quelques jours de silence, je me fais du souci.

Fidèlement, il m’a raconté son quotidien : ses négociations avec les Républicains, ses difficultés sur certains dossiers, comme l’assurance-maladie ou le contrôle des banques, de son indignation sur certaines déclarations de ses adversaires. Il s’est réjoui avec moi de ses succès, comme celui de la loi sur les homosexuels dans l’armée américaine. Et presque toujours, en m’adjurant de verser un peu d’argent pour sa campagne - pas grand-chose, 15 ou 25 dollars. Ou de signer des pétitions, comme celle pour la « loi Buffett » de taxation des plus riches. Ou encore d’appeler mes amis ou connaissances pour soutenir ses idées.

Parfois, c’est Michelle qui m’écrit, en me demandant d’aider son Barack. Parfois, le vice-président Joe Biden, et même une fois, Jill Biden, pour me demander de signer la carte d’anniversaire de son mari, en s’excusant délicatement de ne pas avoir l’habitude de m’envoyer des mails.

Un de mes préférés a été le mail tout en confidences que m’a envoyé Michelle pour le 50ème anniversaire de Barack, le 4 août 2011, tendrement intitulé « Gray hairs ». Le voici :

« Laurence, chaque jour je vois Barack faire des choix qu’il sait avoir un impact sur chaque famille américaine. Ce n’est pas une mince tâche, et il a mérité chacun de ses cheveux gris. Cette semaine a été difficile à Washington, mais aujourd’hui c’est son 50ème anniversaire. Je t’écris parce que cette année, les filles et moi voudrions faire quelque chose d’un peu différent. J’ai demandé à des amis et des supporters de lui souhaiter un joyeux anniversaire en signant cette carte (..). Ton nom et tes commentaires seront inscrits dans un livre qui racontera l’histoire de cette campagne, nous en donnerons une copie  à Barack. Signe cette carte pour Barack. Je connais Barack depuis plus de trente de ces cinquante années et nous avons traversé bien des choses ensemble. Cella me stupéfie encore qu’en dépit des décisions et occupations auxquelles il est confronté chaque jour, il reste concentré sur une vision plus vaste. (…) Cette année nous obligera à travailler tous encore davantage mais le point crucial est que tu es ici maintenant, à nous aider à bâtir cette campagne. Merci d’être partie prenante de tout ceci, Michelle »

Comment aurais-je réagi si Carla m’avait écrit pour fêter Nicolas ? J’imagine : « Chère Laurence, on voulait faire une fête spéciale pour Nicolas … »

Et puis le 14 septembre 2011, divine surprise : Barack m’a invitée à dîner ! Son mail (Expéditeur : Barack Obama, comme d’habitude) titrait «Pouvons-nous nous voir à dîner?»

(AFP / Saul Loeb)

Pouvais-je ne pas l’ouvrir ?

Bref, il, me demandait de verser 15 dollars (minimum) pour participer à un grand tirage au sort pour choisir quatre heureux donateurs qui dîneraient avec lui. Rebelote en novembre 2011, pour dîner avec cette fois non seulement Barack mais aussi Michelle. Mais le 24 avril, ce fut le summum : Barack m’a invitée à dîner chez... George Clooney, à Los Angeles, ce 10 mai, tous frais payés. Il me suffisait, là encore, de verser 15 dollars pour tenter ma chance. Ou jusqu’à 2.500 dollars (le maximum pour les dons des particuliers aux partis politiques).

Dommage qu’il faille être résident américain…

Barack souligne à chaque fois qu’il refuse, lui, d’être soutenu par les lobbies de Washington. Autre surprise, l’unique don (15 dollars) que je lui ai fait au début, pour être sur la mailing list (parfaitement illégal puisque je ne suis pas américaine) est bien visible sur internet pour quiconque farfouille un peu : tout est public outre-Atlantique.

Reste que je n’ai jamais eu le cœur de me désabonner de Barack , bien que ses mails se fassent un peu trop fréquents avec la nouvelle campagne. C’est décidé, je garde ses lettres.

(AFP / Jewel Samad)

Laurence Benhamou a été correspondante finance et high-tech de l'AFP à New York de 2006 à 2008, après avoir travaillé au service économique à Paris. Elle a également dirigé la première cellule vidéo de l'AFP et tenu la rubrique sciences et technologie. Elle a fondé le site GreenUnivers sur le "green business" et tient une chronique hebdomadaire sur ce sujet sur la radio BFM. Elle est l'auteur du livre "Le Grand Bazar mondial" (Bourin, 2005).