Une ruelle, défoncée par l'inondation qui a frappé le village de Villegailhac, dans l'Aude, le 15 octobre 2018. Les intempéries ont fait au moins treize morts dans le département. (AFP / Eric Cabanis)

L'histoire ne fait que commencer

Villegailhenc, Aude (France) --L’histoire ne fait que commencer. Et on compte dix morts.  

J’ai été prévenu au saut du lit, littéralement, par Olivier Morin, le redchef-photo France. Il m’a prévenu que c’était grave, et que cela avait l’air important. Je me suis aspergé le visage d’eau, ai avalé un café en regardant le site de l’Indépendant, et puis j’ai filé.  

Villegailhenc, Aude, 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Je rentre de vacances et donc je suis parti avec mon appareil photo perso et l’ordinateur portable du bureau. Mais pas le temps de passer à ce dernier. J’habite à 20 minutes de Toulouse.

Je voulais aller à Trèbes, mais en écoutant France-Info j’ai entendu qu’il y avait des morts à Villegailhenc. J’y ai accédé facilement. Il pleuvait ce matin mais la route était très praticable.

Il y avait juste des champs inondés.

Une ruelle de Villegailhenc défoncée par l'inondation. 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Quand j’ai laissé ma voiture à l’entrée du village, au barrage établi par les pompiers, le souvenir des inondations de Nîmes m’est revenu à l’esprit. C’était en septembre 1988, il y a trente ans. Le premier gros épisode cévenol à frapper la ville. J’avais couvert la catastrophe, et puis ensuite celle de Vaison-la-Romaine.

Villegailhenc, 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Je suis entré dans le village à pied. Et j’ai vu les voitures entassées les unes sur les autres. C’a été un drôle de moment. Sans agitation, avec des gens qui déambulent, qui discutent dans la rue et qui font des photos avec leurs téléphones.  

Il n’y avait pas trop d’affolement. Je pensais voir des gens émus, mais ils n’en avaient pas l’air, pas encore, parce qu’ils étaient sous le choc je crois. Ça viendra plus tard sans doute.

Une femme découvre l'étendue des dégâts dans le village de Villegailhenc, le 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Je suis entré dans un lotissement, et puis chez des gens. Ils m’ont dit qu’ils étaient réfugiés à l’étage. Qu’on ne leur avait rien dit sur ce qui se passait. Qu’ils ont eu peur de mourir.  

Un habitant de Villegailhenc montre le niveau jusqu'au quel est montée l'eau pendant l'inondation. 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Pour aller vite j’ai pris les premières photos avec mon téléphone, pour ne pas avoir à revenir à ma voiture pour transmettre. Je les ai envoyées par mail et le desk à Paris m’a dit que c’était parfaitement utilisable. Ça permet de servir rapidement les abonnés de l’agence, qui veulent des photos tout de suite pour leurs sites internet et leurs applications.

Dans un lotissement de Villegailhenc. 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Et puis je me suis enfoncé dans le village pour faire mes vraies photos. Celles que tu envoies rapidement te permettre de soulager la pression pour travailler ensuite plus sereinement.

Je suis tombé sur une opération d’hélitreuillage, un pont coupé par la violence du flot, des destructions en tout genre.

Là où se tenait le pont enjambant la rivière Trepel. Villegailhenc, 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

J’ai transmis tout ça ensuite depuis la voiture.

Le bilan est énorme, on en est à 13 morts pour l’instant dans le département de l’Aude. Je ne le comprends pas bien. En même temps il n’est peut-être pas si étonnant quand on voit la violence du phénomène.

Villegailhenc, 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

L’eau a transporté une énorme benne de chantier, qui bloque quasiment une rue. La rivière est sortie de son lit et a tout emporté, les arbres et les voitures. Là je me trouve dans une ruelle de trois mètres de large et la chaussée a été complètement défoncée. Une maison est écroulée.

Villegailhenc. 15 octobre 2018. (AFP / Eric Cabanis)

Je vais rester là jusqu’au soir. Mon collègue du bureau de Toulouse, Pascal Pavani, est à Trèbes, qui a été aussi lourdement touchée.

Des pompiers évacuent une habitante à Trèbes, 15 octobre 2018. (AFP / Pascal Pavani)

Je rentre ce soir et je reviendrai demain. Ils commenceront à nettoyer. Et puis après on aura les obsèques. L’histoire ne fait que commencer.

P.S.: le lendemain, 16 octobre, le bilan s'élevait à au moins onze morts.

Villegailhenc, 15 octobre 2018. (AFP / Pascal Pavani)

Ce billet a été écrit avec Pierre Célérier à Paris.

Eric Cabanis