L'art de "faire" la photo
Belgrade -- C’est un des véritables casse-tête pour un photographe d’agence de presse couvrant la Formule 1, le juste équilibre entre “prendre” et “faire” une photo. Notre production doit coller à l’actualité du moment, à sa vérité, mais une partie intéressante du travail est aussi de faire preuve de créativité.
J’ai commencé à suivre la F1 en 2015, avec en hors-d’œuvre le fameux Grand prix de Monaco. J’étais très excité par ce qui représentait à mes yeux un défi professionnel. La discipline m’était complètement nouvelle, si je mettais de côté une grande expérience personnelle de la chose, mais acquise “à distance”, via la télévision.
Les sept courses de ma première saison m’ont servi avant tout à apprendre ce genre de couverture. Mes collègues plus expérimentés m’ont été d’un grand secours. Et de course en course je me suis amélioré, en essayant à chaque fois d’apporter une touche un peu plus personnelle à ma production.
“Faire” une image demande une expérience de la course, une connaissance intime des circuits et la maîtrise de certaines techniques photo. J’utilise quasiment toute la gamme des objectifs disponibles, du 16mm fish-eye au 400mm, ou même plus grand parfois.
C’est un sport très particulier, qui intègre étroitement l’homme et sa machine. Une conséquence est qu’il n’est pas toujours facile de montrer son côté humain. Pour être franc, c’est la chose que j’ai trouvé la plus frustrante en commençant à couvrir la F1.
J’étais à Monaco, positionné sur le fameux virage Mirabeau, avec une longue focale pour saisir un gros plan de la voiture et son pilote. Ce dernier ressemblait à chaque fois à un guerrier de Star-Wars dans son vaisseau de combat.
J’ai compris ensuite que ce genre d‘images était quand même indispensable. Pour le côté humain, je vais chercher du côté des stands ou du paddock, là où les pilotes vont échanger quelques mots avec leurs ingénieurs et leurs fans.
Je prends aussi des photos”carte-postale”, qui montrent une voiture dans un cadre reconnaissable et propre au lieu de la course. Avec le temps on apprend où trouver les positions les mieux adaptées au genre de photos que l’on souhaite obtenir.
Le week-end de F1 commence dès le jeudi, avec la conférence de presse des pilotes. C’est une journée qui permet aussi de se promener dans le paddock, près des ateliers, pour faire des sujets magazine.
Il y a deux séances d’essai le vendredi, qui permettent de faire le plein d’images. Pour cela je prépare un plan détaillé du circuit, avec toutes les positions où je dois me trouver pour obtenir les meilleures photos. Je ne suis pas seul, parce qu’avec l’agence nous travaillons toujours en équipe de deux ou trois photographes pour chaque grand prix. Ça permet de couvrir toute la gamme des photos possibles, gros plan, pilotes, voitures, et images plus “créatives”.
Une de mes techniques préférées est la prise de vue panoramique. On utilise une vitesse d’obturation plutôt lente et on déclenche tout en essayant de suivre le mouvement de la voiture avec l’appareil photo. Il faut pas mal s’entrainer avant d’obtenir l’effet voulu, mais avec un peu d’expérience et grâce à la technologie des appareils modernes, j’y arrive assez rapidement.
Le but est d’obtenir un sujet net, avec un effet de flou autour, pour rendre l’impression de vitesse. Un autre avantage de cette technique est de faire disparaitre les distractions comme la publicité, omniprésente sur le moindre support. Une autre façon d’obtenir cet effet est de photographier avec un téléobjectif, qui floute le décor.
Le samedi, nous avons droit à une dernière séance d’essais, puis à celle des qualifications, qui détermine la place que prendront les voitures sur la grille de départ le lendemain.
C’est le moment de saisir les portraits des favoris de la course. En suivant attentivement les nouvelles sur les équipes et les coureurs. Je profite toujours de la troisième séance d’essai pour un dernier repérage des meilleures positions à prendre le lendemain, le jour de la course.
Dimanche, jour de course. Je couvre généralement la grille de départ, qui est envahie de célébrités, de journalistes, mécaniciens, hôtesses, voitures et coureurs. Puis je cours rejoindre ma position pour le départ. Le moment est parfois crucial car sur certains parcours il a de fortes chances de déterminer l’issue de la course.
Pendant cette dernière, je n’ai pas beaucoup de temps pour faire le tour du circuit, et je me concentre sur un ou deux spots, avant de rejoindre les stands pour y attendre l’arrivée. C’est le moment tant attendu du drapeau à damiers, puis du champagne sur le podium. Ces photos-là vont se retrouver partout, mais en ce qui me concerne le travail du dimanche n’est pas le plus intéressant.
Enfin, ne croyez pas que tout ce que je viens de raconteur ressemble à une triste routine. C’est tout l’inverse. Chaque course est une nouvelle occasion de s’améliorer, de chercher de nouvelles idées, de corriger ce qui n’a pas marché la fois précédente. C’est sans fin.