Triste vaisseau
Paris -- Notre-Dame est un endroit emblématique de la capitale. Vu d’en bas il est simplement magnifique. Mais dans les hauteurs, c’est un autre spectacle, d’une grande tristesse quand on constate les dégâts causés par l’eau, le temps et la pollution.
J’y ai passé trois heures avec une équipe multimédia de l’agence, c’est à dire un journaliste texte, un reporter d’images et moi-même, accompagné d’un stagiaire.Les responsables de l’édifice cherchent de nouveaux mécènes pour contribuer à sa restauration. Nous avons pu mesurer l’ampleur de la tâche.
L’endroit est immense. Il est impossible de s’y retrouver seul. Notre guide, le responsable de la communication, avait un gros trousseau de clés et surtout une connaissance intime de ce véritable labyrinthe qu’est la cathédrale dans ses étages.
On ne cesse d’entrer et de sortir sur des terrasses avant d’atteindre le toit principal. Il faut aussi emprunter nombre de petites portes et d’escaliers plus ou moins raides. Celui qui mène à la flèche est si étroit qu’avec mon gabarit un peu fort j’ai dû monter de profil.
J’ai été impressionné par le mauvais état de l’ensemble. Comme par hasard, le temps, maussade et gris, s’est mis de la partie, en accentuant la tristesse de l’état des lieux.
Avec la pluie, nous étions aux premières loges pour voir l’eau qui dégouline le long des parois, quand elle échappe aux tuyaux de PVC qui ont remplacé par endroits les gargouilles et gouttières manquantes.
Cette même eau noircit, ronge et descelle les pierres, avec l’aide de la pollution et du temps.
Ce qui m’a frappé, tout non-spécialiste que je sois, c’est l’ampleur et la gravité des dégâts. Comme tout est lié, on comprend bien qu’il suffit qu’une pierre tombe pour fragiliser l’ensemble dont elle dépend.
La plus grande crainte porte sur les arcs-boutants, ces structures qui « tiennent » les voûtes du toit. Si l’un d’entre eux venait à céder on imagine bien le risque que cela ferait porter sur la résistance des autres.
L’endroit le plus compliqué d’accès sont les cloches dans la tour nord, où l’ouverture est si basse que l’on ne passe qu’en se mettant à quatre pattes. Une fois à l’intérieur on se rend compte alors de la quantité de bois utilisée dans l’ensemble de l’architecture.
Quand on regarde la cathédrale de l’extérieur, hormis le zinc de la toiture, on ne voit que la pierre. On pourrait s’imaginer que la cathédrale ne tient que grâce à elle. Mais en fait le bois est indispensable à l’ensemble.
Invisible, c’est une charpente de bois qui supporte la toiture, au-dessus des voutes de pierre de la nef, que l’on admire quand l’on se tient à l’intérieur de Notre-Dame. La flèche est aussi constituée d’une charpente de bois, recouverte de zinc. Et l’on retrouve encore du bois dans la Tout comme la structure qui tient les cloches, et notamment le bourdon, Emmanuel. Il n’y a que le bois pour absorber les vibrations qu’elles engendrent en sonnant. Un support de pierre n’y résisterait pas.
D’après notre guide le coût du moindre échafaudage se chiffre en million d’euros.
Le spectacle le plus triste est sur la toiture du chevet de Notre-Dame, à l’est, qui domine le square Jean XXIII. On tombe sur des tas de pierres, empilés soigneusement et laissés là pour savoir d’où ils proviennent.
Il y a des morceaux de façade en si mauvais état qu'on a l'impression en passant la main dessus qu'il suffirait de pousser juste un peu pour en faire tomber des morceaux.
On voit que la jointure des pierres a presque complètement disparue par endroits.
Une balustrade manquante a été remplacée par une planche de bois. Tout celà est invisible depuis la rue.
Le constat dépasse toute question de foi.
C’est bizarre et triste de voir un bâtiment aussi beau dans un tel état.
Et il n’est pas besoin d’être conservateur ou spécialiste des monuments historiques pour en juger. C’est juste flagrant.
C’est d’autant plus dommage que l’endroit reste extraordinaire pour admirer la capitale.
On la découvre depuis son point le plus central, avec des perspectives inhabituelles, qui permettent de fixer la Tour Eiffel et une gargouille en regard.
Ce billet de blog a été écrit avec Pierre Célérier à Paris.