Au cas où

PARIS -- Pouvait-on s’y attendre ? Oui. Le prévoir ? Non. Mais être prêt au cas où ? Oui. 

Notre organisation même d’agence de presse doit nous permettre de faire face à un tel évènement, un attentat au cœur de Paris au moment même où tous les yeux, et les nôtres en premier, sont braqués sur la dernière émission électorale avant la présidentielle.

L'avenue des Champs-Elysées, vue depuis son rond-point, est bloquée par la police après un assaut meurtrier contre des policiers, le 20 avril 2017. (AFP / Ludovic Marin)

 

Nous sommes jeudi soir, et je me trouve à la maison quand j’entends que quelque chose de grave vient de se passer sur les Champs-Elysées.

Mon adjoint, Ludovic Marin, rentrait chez lui en scooter quand le ballet inhabituel d’un hélicoptère tournoyant au-dessus d’un quartier de la capitale l’a mis en alerte. Tout comme des voitures de police, sirène hurlante, qu’il a suivies jusqu’à se retrouver sur la place de la Concorde, devant l’avenue des Champs-Elysées, bloquée par les forces de l’ordre.

Des policiers bloquent l'accès à une rue proche des Champs-Elysées, peu après la fusillade, le 20 avril 2017. (AFP / Thomas Samson)

 

Il a pu s’approcher, jusqu’au rond-point, où des témoins lui ont dit avoir entendu des tirs. Il a alors donné l’alerte à l’agence et pu faire les premières photos. Très vite le service des Informations générales a suivi avec l’annonce d’un policier tué.

Mon travail, en tant que rédacteur en chef photo France, est de coordonner la couverture, prévue ou pas. Le plus important dans une situation comme celle-ci est d’avoir le plus rapidement possible des photographes sur place, avant que le périmètre ne soit bouclé par les forces de l’ordre. Il est indispensable que les photographes soient proches de l’action. Sinon leurs images seront inutilisables.

Un policier intime l'ordre à des passants d'évacuer les lieux, sur l'avenue George V, à deux pas des champs-Elysées. 20 avril 2017. (AFP / Benjamin Cremel)
(AFP / Benjamin Cremel)

 

 

Quand une histoire comme celle-ci démarre, c’est toujours de façon un peu chaotique. On ne dispose que de très peu d’éléments solides, alors que les rumeurs abondent. On a aussi tendance à se reposer sur des expériences similaires. Ayant encore en tête les attentats de ces dernières années dans la capitale, je me suis attendu par exemple à ce qu’il y ait plusieurs tireurs.         

Je suis retourné au bureau en demandant à deux photographes, Benjamin Cremel et Thomas Samson, de se rendre au plus vite sur place. Thomas venait en fait d'être alerté par Ludovic, et se trouvait déjà en route. Un troisième collègue, Frank Fife, m’a appelé parce qu'il se trouvait dans les parages, et avait ses appareils photo avec lui.

Dans une rue à côté des Champs-Elysées. 20 avril 2017. (AFP / Franck Fife)

 

 Nous nous sommes donc retrouvés avec trois photographes à l’intérieur du périmètre de sécurité. Sur le terrain la situation était plutôt tendue. A un moment il y a eu des informations, qui se sont avérées fausses ensuite, sur la présence d’un deuxième tireur dans le quartier. Les policiers étaient sur les dents et contrôlaient tout le monde, nos photographes compris. 

Contrôle. 20 avril 2017. (AFP / Franck Fife)
(AFP / Thomas Samson)

 

 

Une fois que vous avez une équipe sur place, la chose importante est de s’assurer qu’elle couvre le plus d’endroits possibles. C’est indispensable pour avoir une production riche et variée. Et puis ça évite de se retrouver tout nu si la police décide d’évacuer une zone en particulier. Un de nos photographes s’est fait sortir d’un endroit pendant dix minutes. Pendant ce temps, les autres travaillaient

Pour ce qui me concerne, une fois que l’équipe est sur place, et que l’on est certain qu’elle est bien déployée, la couverture redevient normale, si l’on peut dire. Vous faites confiance aux journalistes sur place, vous savez qu’ils vont essayer de faire au mieux dans une situation compliquée. Il me reste donc à m’asseoir et à attendre que la production arrive. Le temps de l’organisation est passé. Seuls les gars qui sont sur le terrain savent ce qu’ils peuvent faire.

Près du lieu de l'attaque contre les policiers. Sur les Champs-Elysées. 20 avril 2017. (AFP / Franck Fife)

 

Par exemple, sur cette histoire, ils ont compris rapidement qu’il serait compliqué d’obtenir beaucoup d’images, de bonnes images, de l’endroit où a eu lieu la fusillade. Et ils ont remarqué qu’en revanche il y avait beaucoup à faire avec le contrôle des badauds par les forces de l’ordre et leur évacuation de la zone. Ca a donné des images très fortes, avec ces simples civils les mains en l’air, mis en joue par les forces de l’ordre. Les photographes ont transmis leurs photos directement depuis le terrain jusqu’au desk photo.

A Chelles, où les policiers perquisitionnent le domicile de l'assaillant sur les Champs-Elysées. 20 avril 2017. (AFP / Sarah Brethes)

 

C’est un travail collectif. Et pas seulement de photographes. Il y a par exemple la journaliste des Informations générales, Sarah Brethes, basée à Bobigny, et qui s’est rendue à Chelles, ou se déroulait la perquisition du domicile de l’assaillant. Il y a aussi bien entendu les éditeurs photo, qui revoient et contrôlent les images avant de les envoyer aux clients. Ils ont fait face à un brusque afflux de production, et ont terminé leurs vacations plus tard que d’habitude.

Champs-Elysées. 20 avril 2017. (AFP / Thomas Samson)

 

Tout le monde sera sur le pont dimanche pour la journée électorale, pas seulement à Paris mais dans toute la France, jusqu’en outre-mer. Dans les bureaux de vote, les QG de campagne, et les lieux publics. Rien qu’à Paris il y aura un photographe dédié au vote de chacun des onze candidats. Et quatre autres pour suivre au long de la journée les principaux prétendants au deuxième tour. D’autres encore seront en réserve.

Au cas où.

Ce blog a été écrit avec Yana Dlugy à Paris.

 

Olivier Morin