Après Haiyan, espoir et misère aux Philippines
TACLOBAN (Philippines), 19 mars 2014 - Dans la frénésie et la panique qui ont suivi le typhon Haiyan, une jeune femme a accouché dans les décombres, une autre tentait en vain de sauver son mari en lui insufflant de l’air dans les poumons, et une vendeuse des quatre saisons déambulait dans les ruines, remerciant Dieu de lui avoir sauvé la vie.
Les récits de leurs vies font partie des reportages les plus émouvants de l’AFP sur Haiyan, qui a laissé 8.000 morts et disparus, en novembre, dans une des régions les plus pauvres des Philippines.
Un cliché du photographe Philippe Lopez de cette femme menant une procession religieuse dans les rues dévastées de sa ville a remporté le prix prestigieux World Press Photo, dans la catégorie “actualité chaude”, et a été sélectionné comme une des dix meilleures photos de l’année 2013, par Time Magazine.
J’ai décidé récemment de retrouver ces trois femmes, avec l’idée qu’en retraçant leur itinéraire depuis la catastrophe, je donnerais une bonne illustration du défi auquel sont confrontés les millions de survivants, dans leur vie quotidienne.
Elsie Indi, catholique fervente, parcourt toujours les rues de sa ville natale, en présentant la même statue de Jésus Christ.
Elsie et ses voisins ont decidé d’organiser ces processions au moins deux fois par semaine, pour le reste de leurs jours, afin de rendre grâce au Tout puissant, qui a épargné leur vie.
D’une certaine manière, Elsie a eu de la chance. Ni ses parents ni ses voisins ne sont morts dans la catastrophe, et elle a rapidement repris son travail.
Mais cette mère de quatre enfants vit une angoisse permanente. Elle a emprunté au taux faramineux de 33 pour cent pour acheter des marchandises qu’elle propose à la vente, sur son étal. Le cyclone a détruit le toit de sa maison et avec un mari diabétique et qui ne travaille pas, elle ne peut pas payer les frais de réparation.
Lorsque je l’ai rencontrée, cette femme de 42 ans semblait stoïque, souriant souvent et affirmant que tout allait bien pour sa famille.
Mais après une journée passée avec elle, des larmes sont apparues sur son visage et elle a craqué, devant la caméra, alors que nous faisions une ultime interview : « Nous avons besoin d’argent pour reconstruire notre maison, s’il vous plait, aidez-nous », a-t-elle sangloté.
La vie de Jennifer Pulga, la jeune femme qui a vu mourir son mari à l’hôpital, est encore plus pénible.
Parmi les émouvants reportages réalisés après le cyclone, celui de la journaliste vidéaste de l’AFP Diane Desobeau mérite une mention spéciale : il montre, dans un hôpital déglingué, Jennifer en train d’actionner sans relâche une pompe en plastique souple qui insuffle de l’air dans les poumons de son mari.
Jennifer a ainsi maintenu en vie son mari Richard, qui avait été écrasé par la chute d’un cocotier, durant sept longues heures.
Aujourd’hui, cette veuve de 28 ans vit avec ses deux enfants et sa belle-mère dans un village reculé, dépendant presque entièrement de l’aide alimentaire des ONG.
Dans une autre zone touchée par le cyclone, Emily Sagalis dépend elle aussi de l’aide d’urgence, mais son horizon est moins dramatique.
Le reporter Jason Gutierrez et la journaliste vidéaste Agnès Bun, tous les deux de l’AFP, avaient rencontré Emily alors qu’elle accouchait à même le sol, dans un bâtiment dévasté d’un aéroport, trois jours après la catastrophe.
Un médecin avait alors déclaré qu’elle allait probablement mourir d’infection.
Mais Emily, 21 ans, et sa fille Bea Joy, sont en bonne santé. Cette femme, qui venait de donner naissance à son premier enfant, nous a raconté son aventure, et j’ai titré ainsi son témoignage : « Une maman émerge des ruines, après le cyclone aux Philippines ».
Le pouvoir de résilience des victimes telles qu’Emily, Jennifer et Elsie, est riche d’enseignements.
Lors d’un précédent reportage dans les zones ravagées par le cyclone, j’avais écrit un article sur la capacité des survivants à faire preuve de "bangon", un terme local qui signifie « renaissance ». Beaucoup de gens ont réagi positivement à cet article, qui mettait en lumière l’espoir des survivants et leur volonté de faire face.
Mais à l’évidence, ils ne peuvent pas y arriver par eux-mêmes.
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Les agences des Nations Unies et d’autres organismes d’aide font un travail remarquable, et ils devraient rester sur place pendant des années. Ils auront besoin de millions de dollars, de la générosité des uns et des autres, pour mener à bien cette mission. Voici l’adresse d’un guide des Nations Unies, à l’usage de ceux qui veulent apporter leur contribution.
Cependant, toutes ces associations et organisations ne peuvent pas aider tout le monde et de petites contributions adressées à l’un ou à l’autre peuvent aussi s’avérer utiles. On m’a demandé aux Philippines comment donner de l’argent à Jennifer, qui souhaite ardemment ouvrir une boutique. Si certains de mes lecteurs veulent aider Jennifer, Emily ou Elsie, ils peuvent m’envoyer un mail (karl.malakunas@afp.com), et je serai ravi de leur faciliter les choses.
Karl Malakunas est le directeur du bureau de l'AFP à Manille.