(AFP / Pedro Ugarte)

Vingt-deux ans de tiroir et une résurrection

HONG KONG, 27 mai 2013 – Au milieu de l’année 1991, je renonce à mon emploi de photographe au quotidien La Época au Chili. Je retire de la banque les quelques dollars que j’ai réussi à économiser au cours de ces deux années de stabilité professionnelle, je m’achète un sac à dos bleu et une Leica M3 (ah les prétentions d’artiste…) ainsi qu’une grosse quantité de pellicules HP5 et TriX. Je prends la route pour le Mexique, ma chère patrie d’adoption. Un voyage par la voie terrestre qui doit en principe me prendre deux mois, trois au maximum.

Mais en fait, le voyage ne s’est jamais terminé. Arrivé au Nicaragua, je commence à travailler pour l’AFP, un périple qui me mènera ensuite en Colombie, en Afrique, en Inde, et finalement ici, à Hong Kong.

(AFP / Pedro Ugarte)

Depuis lors, les quinze films que j’avais pris en Amérique centrale et jamais développés voyagent avec moi à travers le monde. Ils ont subi de plein fouet ma tendance au désordre et à la négligence. Je les ai rangés, oubliés, retrouvés, perdus, re-rangés, délaissés, reperdus, retrouvés pour la dixième fois, protégés, reperdus, retrouvés encore cent fois, jetés, récupérés, retrouvés encore cent fois, mis de côté et égarés encore et encore dans des endroits aussi divers que des frigos, des boîtes à chaussures, des tiroirs de cuisine, des chaussettes, des sacs en plastique, des étagères, des bibliothèques, des lits, dans les innombrables endroits où j’ai vécu au cours des 22 dernières années.

(AFP / Pedro Ugarte)

Il y a quelques semaines, je les retrouve à nouveau. Oui, encore… Mais cette fois, au lieu de les remettre dans la boîte, comme je l’avais toujours fait, je me dis qu’il est temps de les faire développer.

Je ne m’attends à aucun résultat concluant après toutes ces années d’ingratitude envers mes films. Imaginez donc ma surprise quand je découvre que plusieurs images en noir et blanc ont survécu miraculeusement aux attaques du temps qui passe.

J’ai pris ces photos au Salvador, pendant la signature des accords de paix entre les guérilleros du Front Farabundo Martí de Libération Nationale et le gouvernement, qui avaient mis fin à dix ans de guerre civile. C'était un de mes premiers reportages pour l'AFP. La plupart des images montrent des membres de la guérilla. Elles n’ont rien de spécial, mais je partage aujourd’hui avec vous quelques unes de ces images de cette petite, mais si longue histoire.

(AFP / Pedro Ugarte)
(AFP / Pedro Ugarte)
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