Un léopard s'est évadé !
TOKYO, 11 février 2015 – C’est l’alerte rouge au zoo de Tama. Plus d’une cinquantaine de gardiens, épaulés par la police et les pompiers, sont mobilisés pour faire face au danger qui menace ce parc animalier de Tokyo. Un terrifiant léopard des neiges s'est évadé et il faut tout faire pour l'arrêter avant qu'il ne dévore les enfants en bas âge présents en grand nombre sur le site.
Sauf que les enfants, ils se marrent bien. Car si les adultes semblent prendre la chose très au sérieux, les bambins voient bien que le fauve en cavale n'est pas un vrai léopard, mais un employé du zoo dans un costume très kawaii (mignon) qui ressemble au fils illégitime d'un Pokémon et de Hello Kitty.
::video YouTube id='w4iP9X-D9tU' width='620'::Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un spectacle comique mais d’un entraînement très officiel auquel se livrent, chaque année à tour de rôle, les deux principaux zoos de Tokyo. Le scénario est toujours le même : un animal forcément assoiffé de sang brave un cordon de police et poursuit sa course effrénée vers la liberté, avant d’être maîtrisé au moyen d’un tir de fléchette tranquillisante. La seule variante est le costume. L’an dernier, c’était un gorille qui s’était fait la belle du zoo d’Ueno, dans le centre de la capitale. L’année précédente, un zèbre animé d’une rage folle avait semé la panique au zoo de Tama.
Plus que le costume ridicule, c'est le sérieux des participants qui provoque le rire. Mais quel est l'intérêt de tout ça ?
« En cas de séisme, un arbre pourrait très bien tomber sur une cage. Et en cas d'évasion d'animal, il est de notre responsabilité d’agir au plus vite pour éviter les dégâts, c’est le but de cet exercice. Nous pensons que c’est très important, et c’est pourquoi nous prenons cet exercice très au sérieux », répond le directeur du zoo, Yutaka Fukada, imperturbable.
Après la bataille, la star du spectacle retire son masque de léopard. Tout à coup, son costume blanc moucheté ressemble à une combinaison de fourrure digne d'un club de drag-queens.
« Ne pensez-vous pas qu'un costume un peu plus réaliste serait plus approprié ? », demande un journaliste goguenard. Mais le jeune homme, qui se prépare sûrement à cet exercice depuis des mois de façon intensive, n'a pas envie de rire. « Ce n'est pas le réalisme de l'apparence qui compte, c'est le réalisme de l'exercice », répond-il sans sourciller.
Evidemment, le choix d’un costume aussi grotesque n’est pas anodin. Chaque année, des dizaines de medias japonais et internationaux couvrent ce savoureux rituel, qui offre une visibilité incroyable aux deux zoos de Tokyo. La communication par le loufoque est une spécialité bien japonaise. Récemment, un fabricant de systèmes d'impressions 3D et de répliques d’organes humains en trois dimensions, totalement inconnu en dehors du monde scientifique, avait eu l’idée de proposer aux femmes enceintes des reproductions tridimensionnelles de leur fœtus à garder en souvenir ou à transformer en porte-clefs... Ce coup de pub pour le moins bizarre avait fait exploser la notoriété de l’entreprise.
La raison pour laquelle nous, journalistes, couvrons « l’évasion » du fauve du zoo de Tama n’est bien sûr pas de montrer la diligente précision avec laquelle l’exercice est effectué, mais parce que voir des policiers très sérieux courir derrière un type en costume de léopard, c’est tout simplement formidable. Alors pourquoi pas ?