La fête bouddhiste de Makha Bucha au temple Dhammakaya de Bangkok, le 4 mars 2015 (AFP / Nicolas Asfouri)

Science-fiction à Bangkok

BANGKOK, 16 mars 2015 – Le Wat Phra Dhammakaya est un temple bouddhiste vraiment à part en Thaïlande. Son stupa en forme de dôme, composé de milliers de statuettes de Bouddha dorées, a une forme de soucoupe volante unique en son genre. Il se trouve au cœur d’un complexe religieux de la taille d’un aéroport où vivent quelque 3.000 moines. Ce gigantesque temple situé dans la banlieue industrielle nord de Bangkok est l’une des premières choses que l’on voit avant l’atterrissage à Don Muang, l’un des deux aéroports de la capitale.

C’est aussi un lieu controversé : beaucoup de Thaïlandais lui reprochent sa démesure, dans un pays qui reste pauvre. La secte bouddhiste qui gère le temple, le Mouvement Dhammakaya, revendique dix millions d’adeptes dans le monde. Elle fait face depuis longtemps à des critiques pour la façon dont elle récolte ses fonds. Depuis quelques semaines, elle est au cœur d’une enquête officielle à propos d’un don de 800 millions de bahts (23 millions d’euros) provenant de détournements de fonds supposément commis par un gérant de coopérative désireux de s’acheter une réincarnation réussie.

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Lors des grandes fêtes religieuses, le temple peut accueillir une centaine de milliers de fidèles. L’une des plus impressionnantes de ces fêtes est le Makha Bucha, qui commémore l’ordination par Bouddha de 1.250 moines partis ensuite répandre les principes de leur maître à travers le monde. Le Makha Bucha donne traditionnellement lieu dans tous les temples de Thaïlande, à la tombée de la nuit, à des processions circulaires aux chandelles. Celles-ci sont particulièrement spectaculaires au Dhammakaya où elles prennent des allures de film de science-fiction hollywoodien.

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Les célébrations durent deux bonnes heures. Les participants forment deux cercles concentriques autour du stupa : d’abord celui des moines, puis celui des dizaines de milliers de fidèles accourus d’un peu partout en Asie pour l’occasion. L’arrivée de Phra Dhammachayo, le mystérieux abbé du Mouvement Dhammakaya, marque le début de la cérémonie. Le chef religieux prend place à l’abri de la moiteur dans une loge climatisée et commence son prêche en thaï, qui dure une bonne heure et semble plonger progressivement les adeptes dans une sorte de transe hypnotique. Et soudain, tout s’arrête : plus personne ne parle, le générateur d’électricité qui ronronne en permanence est éteint. La foule immense, immobile, se retrouve plongée dans un profond silence.

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Cette séance de méditation silencieuse dure une trentaine de minutes, durant lesquelles les photographes sont autorisés à se promener parmi les fidèles assis en tailleur sur le sol et figés comme des statues. Mais je suis toujours accompagné par un membre de la secte qui veille à ce que je ne commette aucune action interdite. Il n’est pas question, par exemple, de m’approcher de trop près du cercle des moines.

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Finalement, au coucher du soleil, les fidèles effectuent trois fois le tour du dôme illuminé, dans le sens des aiguilles d’une montre, en tenant des bougies à la main. Puis ils forment une allée bordée de chandelles qu’empruntent les moines pour marquer la fin de la cérémonie. L’atmosphère est étrange, digne de Rencontres du troisième type. On a l’impression que les moines sont des extraterrestres qui viennent de débarquer de leur ovni…

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Pour photographier le retrait final des moines le long de l’allée, de loin la scène la plus hallucinante de la soirée, j’ai pu me placer en hauteur, sur un des échafaudages mis à notre disposition par les organisateurs. Tous les médias internationaux sont là. Il y a aussi plusieurs dizaines de photographes et cameramen officiels du mouvement Dhammakaya qui disposent de strapontins mécaniques pour prendre des images de la scène sous tous les angles. Pas de doute : la secte maîtrise parfaitement sa communication.

Nicolas Asfouri est un photographe de l’AFP basé à Bangkok. Voir son site internet.

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