Photos, colère et gaz poivre
HONG KONG, 21 octobre 2014 - En ce vendredi soir, un bruyant chaos règne dans le quartier de Mongkok à Hong Kong. Des milliers de manifestants pro-démocratie tentent de reconquérir des rues qu’ils ont précédemment occupées, mais dont ils ont été délogés par la police.
Plusieurs centaines d’agents anti-émeutes sont sur place, répartis en groupes de vingt ou trente. Certains sont alignés le long des rues pour empêcher les gens d’envahir la chaussée. D’autres chargent les manifestants pour les repousser et démanteler leurs barricades. D’autres encore font face aux protestataires, dans une ambiance tendue. Les manifestants sont pour la plupart de jeunes étudiants. Ils brandissent des parapluies, leur moyen de défense dérisoire mais devenu hautement symbolique ces dernières semaines.
A un moment, je me retrouve avec des policiers qui sont en train de charger contre une barricade. A côté de moi, un homme prend des photos. Un agent essaye de le repousser mais il résiste. Il tient à conserver sa position. Un autre policier arrive et le pousse de plus belle. L’homme et une femme qui l’accompagne se retrouvent par terre. Mais le photographe ne se donne pas pour vaincu. Il revient à la charge en brandissant l’accréditation de reporter qu’il porte autour du cou, et en accusant les policiers de brutalité. Un agent lui décoche une giclée de gaz poivre en pleine figure.
« Nous avons tous les deux été précipités par terre sans sommation », racontera le lendemain le journaliste, Ronson Chan, éditeur dans un groupe médiatique local, à mon collègue de l’AFP Dennis Chong. « Bien sûr, j’étais en colère. Le policier était armé et il avait brutalement poussé une jeune femme ».
Je me trouve juste à côté de Chan quand il se fait asperger de gaz irritant. Tout de suite, je me mets à terre pour le prendre en photo au moment où il tombe. Il agite son accréditation de journaliste et frappe ses mains contre le sol de rage ou de douleur.
Très vite, les policiers le remettent debout et lui lavent le visage avec une bouteille d’eau. Ce n’est pas une façon efficace de dissiper les effets irritants du spray (normalement, on utilise du lait). Après quoi la foule se disperse.
La première image que j’envoie (celle du haut de la page) fait apparaître une étrange réverbération sur le visage de Chan. Je pense que c’est dû au flash d’un autre photographe qui s’est déclenché au moment où je prenais ma photo. A la lumière ambiante, l’image (ci-dessous) est peut-être encore plus dérangeante.
Plus tard, en passant en revue toutes mes photos, j’ai été ému par celle de la femme journaliste que Chan était en train d’essayer de protéger quand il s’est pris la giclée d’aérosol. Tout en filmant son collègue qui était remis debout par la police, elle pleurait à chaudes larmes.
J’ai commencé par envoyer sur le fil AFP les trois photos de la scène que je jugeais les plus fortes. J’ai tweeté la première –celle avec la lumière bizarre sur le visage de Chan– et j’ai très rapidement eu plusieurs centaines de retweets. J’ai alors transmis quelques autres images de l’incident. L’intérêt public s’est encore accru quand on a su que l’homme aspergé de gaz par la police était un journaliste, apparemment victime d’un excès de zèle policier alors qu’il faisait son travail.
Alex Ogle est un photographe de l'AFP basé à Hong Kong. Suivez ses photos des manifestations et autres sur son compte Instagram.
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