Le siège de l'AFP à Paris, le 27 septembre 2015. (AFP / Bertrand Guay)

Non, l'AFP n'étouffe pas les affaires gênantes pour le pouvoir !

Paris -- L’AFP est accusée dans un tract syndical d’avoir « étouffé » des informations gênantes pour le nouveau pouvoir.

C’est l’une des pires accusations que l’on puisse proférer à l’égard de la rédaction de l’Agence. L’une des obligations fondamentales, contenues dans notre statut, est de diffuser une information exacte, impartiale et digne de confiance. En toute indépendance.

Puisque nous travaillons à l’AFP, reprenons les faits, tels qu’ils se sont produits.

Le 16 mai 2017, une journaliste du bureau de Rennes a accès à un dossier de douze pages contenant des « éléments » sur une transaction opérée par Richard Ferrand avec les Mutuelles de Bretagne. Ces éléments ont été fournis par un « groupe »  –je n’en dis pas plus car je respecte le secret des sources-. L’affaire est à ce stade très complexe, voire confuse et la journaliste met elle-même en garde sur le fait que ces informations « ne sont pas vérifiées », que le contact est « récent », qu’elle « ne peut se prononcer sur la fiabilité ». Elle dit ne pas avoir pu prendre des notes.

S’en suit une succession d’échanges par mail et par téléphone avec la rédaction-en-chef, qui demande des clarifications, pose des questions, s’interroge…

L’affaire sortira finalement dans le Canard enchaîné, avant qu’une dépêche AFP soit publiée sur le  sujet.

Suit le témoignage d’un avocat, exprimant ses « doutes » sur le montage financier de la transaction Ferrand : il ne peut être diffusé sans réaction de la personne mise en cause.

Quant à la mise en examen de François Bayrou –automatique en cas de diffamation et remontant à plusieurs mois-, nous en avons fait état dès la date d’audience connue (en 2019).

Est-ce à dire qu’il y a eu volonté d’ « étouffer » ces informations ? Non ! La rédaction-en-chef n’a fait que son travail.

A la rédaction de l'agence à Paris, 5 février 2014. (AFP / Eric Feferberg)

L’AFP a une lourde responsabilité. Chacune de ses dépêches est susceptible d’être reprise, dans la minute qui suit, par des centaines  de clients –journaux, radios, télévisions, sites web….

Après l’accident industriel que tout le monde garde en mémoire à l’Agence, nous n’avons eu de cesse de répéter nos standards rédactionnels : le recoupement des sources, la vérification des faits sont absolument cruciaux pour nous. La fiabilité avant tout ! Les éléments dont nous disposions à ce moment-là ne répondaient aucunement à ce critère.

Ces règles ne nous ont jamais empêchés de publier des enquêtes et sortir des informations exclusives, qu’elles plaisent ou non au pouvoir en place. Cela a été le cas notamment dans les affaires de terrorisme. Et notre bureau de Kaboul vient de recevoir un prestigieux prix en Asie, le SOPA, pour son enquête sur l’esclavage sexuel des enfants en Afghanistan.

Le prétendu retard pris sur l’affaire Ferrand n’est en rien lié à la fonction ministérielle de la personne mise en cause.

N’en déplaise aux amateurs de complot, le pouvoir n’intervient aucunement dans la production de l’information de l’AFP. Dussent les pressions politiques exister, nous n’y céderions pas. Et nous n’y cèderons jamais. Ni au niveau de la direction de l’information, ni à celui de la rédaction-en-chef, ni à celui des reporters sur le terrain. Nous le savons tous au quotidien. Imaginez-vous un seul instant la directrice de l’information de l’AFP ou un rédacteur-en-chef appeler un ou une journaliste pour lui suggérer de mettre la pédale douce sur une affaire compromettante pour le pouvoir ? Ce serait inacceptable et de surcroît contre-productif !

Le débat rédactionnel est et doit rester vivace à l’AFP. Mais pour moi, dire que la rédaction-en-chef a voulu étouffer des informations de crainte de bousculer un membre du gouvernement relève de la diffamation. C’est remettre en cause la probité, l’honnêteté et l’indépendance de chacun des journalistes qui composent cette équipe. C’est tout simplement inacceptable.

Michèle Léridon