La mère d'Abdolah Hosseinzadeh, un jeune Iranien poignardé dans une rixe en 2007, gracie in extremis le meurtrier de son fils en le giflant sur l'échafaud le 15 avril 2014 (AFP / Arash Khamooshi / Isna)

La gifle de la grâce

(Pour terminer une année 2014 marquée par les guerres, les massacres, les épidémies et autres tragédies, les photographes de l’AFP racontent chaque jour, jusqu’au 31 décembre, l’histoire d’une image belle, ou porteuse d'espoir, prise dans le contexte d’un événement dramatique).

TEHERAN, 30 décembre 2014 - J’ai entendu parler pour la première fois de Balal, le condamné à mort, quand j’ai été invité par le réalisateur iranien Mostafa Kiaei à la projection spéciale de son dernier film afin de lever des fonds pour le « diyeh », le prix du sang qui peut être versé à la famille d’une victime pour éviter une exécution. Ma femme et moi sommes membres d'une association qui faisait campagne pour la grâce de Balal, condamné à être pendu pour avoir poignardé à mort un homme lors d’une rixe en 2007.

Deux jours avant la date prévue de son exécution, j’ai reçu un coup de téléphone nous demandant d’aller d’urgence à Noor, une ville du nord de l’Iran où il était incarcéré. Nous nous attendions à ce qu’il soit exécuté. Je n’y allais pas en tant que photographe professionnel, mais en tant qu’être humain.

La mère du condamné (au centre, à terre) implore la grâce pour son fils peu avant l'exécution (AFP / Arash Khamooshi / Isna)

Apparemment, alors qu’une partie de la famille de la victime acceptait le « diyeh », la mère, Maryam Hosseinzadeh, refusait l’argent. On avait tenté de la convaincre. Le présentateur d’une émission de télévision très populaire consacrée au football – « 90 » – avait même demandé en direct à la famille de pardonner Balal. Mais elle se sentait sous pression et restait recluse dans sa maison, refusant de répondre au téléphone.

L’exécution était prévue le 15 avril au lever du soleil. La potence avait été installée la veille. Le jour dit, environ un millier de personnes se sont rassemblées devant l’échafaud. Certaines avaient un Coran sur la tête, demandant une grâce. Les sœurs et la mère du condamné étaient là aussi, et imploraient le pardon de la famille de la victime. J’étais le seul journaliste.

Balal est conduit vers l'échafaud (AFP / Arash Khamooshi / Isna)

A 6H20, menotté et un bandeau sur les yeux, Balal a été conduit à la potence par des gardiens de la prison. Ils ont placé la corde autour de son cou. Il a imploré le pardon de la mère de la victime qui, selon la « qisas » – la loi du talion dans la charia – a le droit de pousser la chaise sur laquelle se tient le condamné à mort. Mais elle a encore refusé.

Après quelques minutes, elle s’est approchée de Balal et, au lieu de pousser la chaise, elle l’a giflé et a accordé son pardon.

La mère d'Abdolah Hosseinzadeh aide à ôter la corde du cou de Balal après l'avoir gracié (AFP / Arash Khamooshi / Isna)

C’était incroyable, une vraie surprise. J’étais venu là à titre purement personnel, mais en prenant ces clichés et en les rendant publics je crois que j’ai réussi à atteindre l’objectif de tout journaliste : faire mieux comprendre les choses. J’ai utilisé ma profession de photographe pour montrer l’impact de ce genre de chose sur la société.

J’ai assisté à d’autres exécutions à Téhéran, où certains spectateurs amènent leurs enfants et des centaines de gens filment la pendaison avec leur téléphone portable. Je ne comprends pas du tout cela.

Je suis revenu dans la capitale et j’ai envoyé les photos. Le Guardian a été le premier à les utiliser, puis l’AFP. J’espère qu’un jour il n’y aura plus d’exécution publique. Je ne comprends pas comment des gens peuvent être pendus à des carrefours que des parents traversent quelques heures plus tard, en accompagnant leurs enfants à l’école.

Arash Khamooshi est un photographe iranien travaillant pour l’agence Isna.

La mère de Balal (à gauche) pleure avec celle de Hosseinzadeh après la grâce (AFP / Arash Khamooshi / Isna)

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