Suarez, le héros enragé
MONTEVIDEO, 2 juillet 2014 - Je suis journaliste. Et je suis uruguayenne. De façon distincte, jusqu’à présent.
Comme tout journaliste, je tente de m’en tenir aux faits. Comme Uruguayenne, j’ai ressenti une immense douleur quand notre sélection a été privée de son talisman, l’attaquant Luis Suarez, pour disputer le Mondial.
Et je me suis souvenu de Shakespeare dans Richard III: « Consolez-vous, ma sœur ; tous tant que nous sommes, nous avons tous sujet de déplorer l’obscurcissement de l’étoile qui brillait sur nous. Mais nul ne peut guérir ses maux avec des larmes ».
Il n’y a pas vraiment de consolation. Le minimum – du moins pour moi – est de comprendre ce qui lui est passé par la tête.
Being Luis Suarez
“Prenez ça !”, a lancé des sanglots dans la voix Luis Suarez lors de sa conférence de presse après avoir carbonisé l’Angleterre en plaçant deux buts qui l’ont quasiment éliminée du Mondial-2014 au Brésil.
La victoire du 19 juin, qui a remis la Céleste en selle dans cette coupe du Monde, a réuni tous les ingrédients des récits épiques : tragédie, tension et dénouement émouvant avec une victoire de l’Uruguay (2-1), après la défaite 3-1 contre le Costa Rica sans Suarez, au repos pour blessure.
Notre petit pays était au pied de son héros, opéré du ménisque moins d’un mois auparavant. Nous lui avions délivré le titre de Grand Homme, de roi. Nous le vénérions et lui jurions amour éternel.
Suarez avait tenu avec brio sa promesse de se remettre et de tout donner pour le Mondial.
Pasarán añosCruzaré maresChocarán vasosY no habré olvidadoEstos dos golazosQue metió Luis SuárezRecién operado!!
— Jorge Drexler (@drexlerjorge) 19 Juin 2014
« Les années passeront/Je traverserai des océans/Les verres s’entrechoqueront/Mais je n’aurai pas oublié/Ces deux buts/Qu’à mis Luis Suarez/Tout juste opéré », a rendu hommage sur Twitter le chanteur uruguayen Jorge Drexler, célébré d’un Oscar.
« Je profite de ce moment, pour tout ce dont j’ai souffert, pour les critiques que j’ai reçues », déclarait après la victoire le meilleur attaquant de la saison en Premier League anglaise avec Liverpool en sortant du terrain au stade Itaquerao de Sao Paulo.
Ce message vengeur avait un destinataire : l’Angleterre, qui le connaît comme personne, et où il est considéré par beaucoup comme une ordure pour ses insultes racistes à Patrice Evra et sa morsure sur Branislav Ivanovic, de Chelsea.
L’entraîneur Roy Hodgson avait dit que Suarez était un excellent joueur mais qu’il devait encore le démontrer au cours d’un Mondial « pour être classé avec les grands, comme (Diego) Maradona, Pele, (Franz) Beckenbauer, (Johan) Cruyff et (Andrea) Pirlo ».
Son doublé contre l’Angleterre a été salué dans le monde entier et alimenté les rumeurs sur un possible transfert au FC Barcelone ou au Real Madrid.
En Uruguay, nous étions sur un nuage. Une fois encore la gloire céleste. Nous nous prenions à nouveau à rêver : petits mais avec des talents gigantesques.
« Je dois le dire, Suarez est un phénomène. Ses gestes dépassent les limites de l’imagination », saluait l’ex-star anglaise Gary Lineker, converti en commentateur sportif.
La presse britannique a été mordante, qualifiant d’ « assassin », le coup du Pistolero. « Just two good », titrait en une le Daily Mail Sport. The Times soulignait que l’attaquant était « une peste » sur le terrain, où il se montrait « absolument implacable, avec une méchanceté qui lui donne un appétit insatiable ». Une sorte de prédiction...
L'occasion
Une semaine plus tard, Suarez, 27 ans, revenait en paria avec sa famille en Uruguay, expulsé du Mondial.
La Commission disciplinaire de la FIFA l’avait sanctionné de neuf matches internationaux de suspension et interdit d’activités liées au football pour quatre mois pour avoir mordu le défenseur italien Giorgio Chiellini à l’épaule gauche au cours de la rencontre Italie-Uruguay.
Nous Uruguayens, nous avons ressenti la sanction contre Suarez comme une attaque contre tout l’Uruguay.
La FIFA l’écartait en outre d’une bonne part de la Copa América 2015 et de plusieurs rencontres de Premier League anglaise. Sa suspension lui interdit également de pénétrer dans les enceintes où joue son équipe.
Impossible à tolérer.
Beaucoup d’Uruguayens ont fermé les yeux sur le fait que c’était la troisième fois que l’attaquant était sanctionné pour avoir mordu un rival.
Nous avons effacé, nié, minimisé ses antécédents : en 2010, il a écopé de sept matches de suspension dans le championnat néerlandais pour avoir planté ses dents dans l’avant Otman Bakkal, et l’an dernier, dix autres, pour avoir récidivé dans le bras du Serbe Ivanovic.
« Nous ne pouvons pas tolérer ce comportement quand les yeux de millions de personnes sont posés sur les étoiles qui jouent sur le terrain », a expliqué le président de la Commission disciplinaire de la FIFA, le Suisse Claudio Sulser.
La sanction, infligée avant la rencontre avec la Colombie en 8e de finale, est la plus lourde jamais intervenue lors d’un Mondial pour un incident entre joueurs.
« Ça n’est pas la première fois que cela arrive », a insisté le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke. « Si cela arrive une fois, c’est un incident, si cela arrive trois fois, c’est grave et cela mérite une sanction exemplaire ».
La FIFA mettait fin à notre rêve d’enfants gâtés de rejouer le « Maracanazo » de 1950 et de voir notre sélection sacrée championne du monde.
A l’instar de tous les Uruguayens, j’ai voulu croire que la morsure n’avait jamais existé, car au bout du compte, l’arbitre ne l’avait pas vue. Je me suis dit qu’il s’agissait d’une bousculade, une mauvaise bousculade. Suarez a toujours la bouche ouverte et ses incisives sont énormes.
Mais mes collègues de l’AFP – non-Uruguayens – m’interrogent sans cesse : « Comment peux-tu défendre quelqu’un qui a mordu trois fois ? Qu’est-ce qu’il se passe dans sa tête ? »
Enfant "chaud" mais au grand cœur
Je me suis souvenu de sa grand-mère, qui vit encore à Salto, une ville à 500 km au nord de Montevideo, où a vu le jour l’enfant prodige, de même que son père et sa mère. Elle avait fait des déclarations polémiques avec le cas Evra.
Il n’a pas été difficile de la localiser. Au départ, elle a indiqué ne pas vouloir parler. « Je t’ai déjà dit tout ce j’avais à dire ». Mais au bout de cinq minutes, nous bavardions comme de vieilles amies.
« Je ne sais pas ce qui est arrivé à mon petit noir », s’est lamenté Lila Piriz da Rosa, plus qu’octogénaire.
« Je ne sais pas ce qu’il lui arrive, pourquoi il a ces coups de folie… Il a tout pour être heureux », poursuivait-elle, la voix chevrotante.
La "main de Dieu" de Suarez contre le Ghana pendant la Coupe du Monde 2010 à Johannesburg (AFP / Yasuyoshi Chiba)
Suarez a accédé à la célébrité mondiale avec sa « main de Dieu » lors du match contre le Ghana au Mondial 2010, qui a permis à l’Uruguay de se qualifier pour les demi-finales. Dans les dernières secondes du temps additionnel, avec un score de 1 partout, il a sorti de la main une tête cadrée du Ghanéen Dominic Adiyiah.
L’histoire est bien connue : alors attaquant de l’Ajax, Suarez a été expulsé, et le Ghana bénéficiait d’un penalty. Qu’il ratait, Suarez aggravant son cas en célébrant cet échec sur le bord du terrain. Puis l’Uruguay se qualifiait au tir au but. Grâce à son « sacrifice », la Céleste accédait aux demi-finales, après des décennies de déception en Coupe du monde.
« Ce n’est pas un héros, c’est un vulgaire tricheur (…) Quelle main de Dieu ? Ç’a été la main du diable », commentait après coup le sélectionneur de l’équipe africaine Milovan Rajevac.
Depuis tout petit, Suarez s’est distingué en toréant ses adversaires sur les terrains de Salto. Là-bas, tous les coups étaient permis, raconte la grand-mère dans un sourire. Mais elle reprend son sérieux, et poursuit : « Peut-être le divorce de ses parents, les privations, c’était un jeune couple qui est parti à Montevideo avec six enfants ».
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Le couple – Rodolfo Suarez, un soldat, et Sandra Ruiz – a quitté Salto pour la capitale quand le petit Luis, quatrième de la fratrie, avait sept ans.
L’adaptation fut difficile, raconte la journaliste Ana Laura Lissardy dans "Vamos que vamos", un recueil d’entretiens avec des joueurs de la Céleste. Et le couple ne tardait pas à se séparer, les enfants demeurant à la charge de la mère, femme de ménage.
Avec ce divorce, « la terre s’effondrait à nouveau sous ses pieds », assure Mme Lissardy.
Il n’était pas un enfant ni un adolescent facile. Et sa passion pour le football n’a pas non plus été constante. « Dans une maison avec tant de monde, il n’y avait rien de trop, alors nous n’avons jamais pu nous faire plaisir », confie le footballeur sur son site internet officiel.
« A quatre ans, je courais plus avec un ballon que sans… Mais ça n’est qu’à 14 ans que j’ai intégré les juniors du Club Nacional », ajoute-t-il.
Et c’est là que sa vie a pris un tournant, grâce à sa rencontre avec Sofía Balbi, avec qui il vit toujours, et qui constitue l’un des principaux moteurs de sa carrière professionnelle. Elle représente « un pilier pour ma vie et pour ma tête », confiait-il sur ESPN Brésil en novembre 2013.
Le sort frappait toutefois à nouveau, avec le départ de Sofia pour Barcelone avec ses parents. Suarez conclut alors que le meilleur moyen de rejoindre sa bien-aimée est de devenir joueur professionnel et d’être vendu à un club européen.
A peine intégré dans le petit club de Groningen au Pays-Bas, la première chose qu’il fait est de demander à ses beaux-parents d’autoriser leur fille de 16 ans à venir vivre avec lui.
Cependant, malgré les succès et une carrière fulgurante, les pertes de contrôle sous le coup de la colère ou de la frustration n’ont jamais cessé.
De Groningen, il part à l’Ajax, l’un des plus prestigieuses équipes d’Europe. Mais trois mois après son arrivée, il est suspendu brièvement par son club pour une altercation avec un coéquipier à la mi-temps d’un match.
Ses proches disent qu’il tient de son père. «Le père est très chaud, une bonne personne mais avec des poussées de colère aussi. Le pire caractère de mes six enfants », raconte l’aïeule.« Et Luisito en a hérité. Jamais nous n’avions imaginé que Luisito deviendrait le plus célèbre de tous avec ce caractère ».
Lui affirme, malgré les critiques, que c’est au contraire grâce à ce tempérament qu’il est devenu le joueur qu’il est. « Tu peux perdre autre chose, mais la gnaque que tu as depuis tout petit, pour avoir joué dans les rues et tout ça, tu ne la perdras jamais », indiquait-il en mars 2013 dans une interview accordée à l’AFP. « Si je n’avais pas eu le caractère que j’ai, aujourd'hui sur le terrain, je crois que je ne serais jamais devenu le joueur que je suis ».
Ce serait ça, me demandais-je ? Michel Ange, le plus révolutionnaire des artistes florentins de la Renaissance, aurait-il été Michel Ange s’il n’avait fait preuve de ce caractère irascible, têtu et violent ? Débordant de mépris à l’égard de ses rivaux, toujours prompt à les insulter…
Frank de Boer, entraîneur de Luis Suarez à l’Ajax, a estimé lui que l’Uruguayen « avait besoin d’une aide psychologique ». « Quand il voit qu’il ne peut pas gagner ou que quelque chose lui résiste, parfois, il réagit comme ça », a-t-il expliqué au journal Algemeen Dagblad. « Cela provient probablement de son enfance. Il y a quelque chose de profondément caché en lui ».
Pour Pablo Martinez, psychologue sportif à l’université de la République à Montevideo, « la morsure est utilisée par ces personnes qui ont eu une enfance très agressive, avec de nombreuses carences, et c’est une façon de se défendre contre les agressions extérieures ou des adultes ».
« Il a déjà été suivi par un psychologue pour gérer sa colère et je pensais qu'il la contrôlait », ajoute-t-il. Mais, « dans ce Mondial, il s’est passé quelque chose qui a fait resurgir cet instinct primaire ».
J’ai toujours pensé que la vie de ces jeunes joueurs latino-américains ne devait pas être facile, passant de la pauvreté le plus absolue aux contrats multi-milionnaires, accédant du jour au lendemain à la célébrité planétaire.
En Uruguay, de même que dans pratiquement tous les pays de la région, avec des inégalités criantes et une faible mobilité sociale, de nombreuses mères rêvent de voir leurs fils devenir des stars du ballon rond.
« Les enfants qui sortent du lot sont des survivants de milliers de choses, loin de leurs proches, avec la responsabilité d’être piliers de famille. Ce ne sont plus des enfants, ce sont des travailleurs », indique l’enquête de Juan Pablo Meneses pour son livre “Niños futbolistas” (Enfants footballeurs).
Nous sommes tous Suarez
En Uruguay, on n’a parlé de rien d’autre de toute la semaine. Chez le coiffeur, dans les bars, les hôpitaux, au bureau et bien entendu, sur les réseaux sociaux, les réactions ont été viscérales, en soutien à Suarez et d’indignation contre la FIFA.
Jusqu’au sommet de l’Etat : le président Jose Mujica, un ancien guérillero quasi octogénaire réputé pour son franc-parler, a qualifié la FIFA de « bande de fils de pute ».
Les réseaux sociaux ont été inondés de messages – avec l’étiquette #FifaMafia-#TodosSomosSuarez – et tandis que des milliers de personnes signaient une pétition en ligne contre la FIFA d’autres appelaient à manifester ou à se retirer de la compétition.
Certains vont même jusqu’à affirmer qu’il s’agissait d’une combine pour détourner l’attention des scandales de corruption autour de l’attribution du Mondial 2022 au Qatar. D’autres une manœuvre du Brésil pour écarter un rival coupable de l’avoir privé du titre en 1950, voire de pressions anglaises. La plupart, enfin, affirment qu’une simple morsure n’est pas aussi dangereuse qu’un coup de tête, de coude ou de pied.
Tous ont en mémoire le coup de tête dans la poitrine du Français Zinedine Zidane en finale de la Coupe du monde 2006 contre l’Italien Marco Materazzi. Une image également passée à la postérité, qui a valu trois matches de suspension au capitaine des Bleus, et une fin de carrière internationale gâchée. Ou le Brésilien Leonardo pour avoir cassé le nez de Tab Ramos d’un coup de coude lors de la rencontre Brésil-Etats-Unis en 8e de finale du Mondial 1994, un geste qui lui a valu quatre matches de suspension.
Mais l’Irakien Samir Shaker a écopé d’une peine bien plus lourde pour avoir craché sur un arbitre lors de la Coupe du monde au Mexique en 1986 : un an de suspension.
Après le match contre l’Italie, Suarez racontait sur une chaîne uruguayenne : « Ce sont des situations qui arrivent sur un terrain, nous étions tous les deux dans la surface, il m’a bousculé avec son épaule, et il m’a touché à l’œil aussi ».
L’entraineur Oscar Tabarez a lui dénoncé la volonté de trouver « un bouc émissaire ». « Il y a des gens cachés derrière les arbres attendant qu’il arrive quelque chose pour commencer à attaquer Suarez », a-t-il affirmé.
Le président Mujica a lui estimé qu’une campagne était menée contre le “Pistolero” par des gens « qui ne lui pardonnent pas ses défauts ».
« Il y a quelque chose contre lui parce qu’il y a continuellement une caméra qui le suit. Depuis toujours, je dis qu’on monte parfois dans les tours en jouant au football. Ils doivent supporter mille choses quand on les bouscule, quand on les apostrophe. Des tas de choses. Et parfois, il arrive un moment où tu te fatigues. Et sachant comment il est, un peu chaud, ils le cherchent », explique Roberto Mezza, un ami du père Suarez.
Ceux d’entre nous qui espéraient qu’il n’y ait pas eu de morsure, ou peut-être que les images avaient été truquées, ont rapidement reçu un coup de poignard dans le cœur.
L’agression contre Chiellini est survenue en deuxième période du match finalement remporté 1 à 0 par l’Uruguay, au stade Arenas Das Dunas de Natal, synonyme d’élimination pour la Squadra Azzura et de billet pour les quarts pour la Céleste.
Les deux hommes étaient aux prises dans la surface italienne quand l’Uruguayen a « perdu la tête » et mordu l’épaule gauche de son adversaire, s’attirant en retour un coup de coude. Les deux joueurs chutaient alors au sol, dans ce qui paraissait une phase de jeu classique entre deux amateurs de la confrontation virile.
Mais les images de télévision devaient rapidement montrer ce que l’arbitre n’avait pas vu : la morsure.
Personne ne peut échapper à la pression d’un Mondial, surtout si 22 jours avant le coup d’envoi, on se fait opérer du genou, sans savoir si l’on pourra jouer. Personne ne l’avait-il prévenu que toutes les caméras seraient braquées sur lui ? Personne – de ceux qui nous disent aujourd’hui qu’on allait le titiller, le provoquer - ne l’a-t-il mis en garde ? Ou peut-être l’ont-ils fait, mais que son mauvais génie a été le plus fort.
Parmi les rares voix critiques, se détache celle de Alcides Ghiggia, unique survivant de la victoire épique de l’Uruguay lors du Mondial 1950 au Brésil.
« Il me semble que c’est un garçon qui ne va pas bien de la tête, ces choses sur un terrain de jeu ne se font pas », a déclaré l’ancien joueur de 87 ans.
Mais ça n’est pas facile à dire : tu peux te faire traiter de traître à la patrie !
Ceux d’entre nous qui tentons de comprendre ce qu’il s’est passé ne sommes pas non plus à l’abri des critiques. Une bonne amie m’a ainsi signifié qu’elle refusait catégoriquement d’aborder la question avec moi.
C’est que le football en Uruguay fait figure de religion. Comme m’a dit un collègue, les supporters sont joueurs, les joueurs sont supporters.
Le football est notre ADN
Et l’amour de Dieu est inconditionnel. On n’essaie pas de comprendre un dieu.
Coincé entre les géants argentin et brésilien, ce petit pays né comme tampon au 19e siècle, a forgé sa « garra charrua » (sa rage de vaincre) et son identité aussi grâce à ses victoires sur les terrains de football.
Notre pays de 3,3 millions d’habitants a remporté deux Mondiaux (1930 et 1950), dont un au mythique stade du Maracana à Rio, et 15 Copa América. Cela lui confère le statut de pays avec le plus de titres par habitants au monde. C’est ce que nous nous répétons et ce que nous enseignons à nos enfants.
Qu’est-ce qui est pire ? Cracher, casser le nez, mordre ou donner un coup de coude ? Le football est un sport et comme tel, il est régi par des règles du jeu.
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J'aimerais que Suarez m'explique ce qui lui est arrivé
Depuis son retour au pays, le buteur est reclus chez sa mère à Canelones (sud). Sa seule apparition publique a été une rapide sortie sur le balcon, avec ses deux enfants dans les bras, pour saluer, apparemment tranquille et souriant, les supporters et les journalistes regroupés devant la maison.
Parallèlement, depuis une semaine, des torrents de parodies et de surnoms ont déferlé dans la presse internationale et sur le net. Suarez avec des dents de vampire, Suarez en Hannibal Lecter, Suarez ayant croqué la pomme d’Apple… Mais aussi des insultes. Il lui sera difficile de se remettre de cet épisode.
« J’ai une façon de jouer très particulière », disait-il l’an dernier à l’AFP, mais « je suis très autocritique et je me rends compte quand je commets des erreurs ».
Non, Suarez n’est pas Dieu. Mais il n’est pas non plus un cannibale ni un chien errant.
Et ce que démontre toute cette affaire c’est que les footballeurs – nos héros – ne sont ni plus moins que des humains, simples mortels.
* Maria Lorente est rédactrice en chef de l’AFP pour l’Amérique latine, au siège de Montevideo. Ce texte a bénéficié des collaborations des correspondantes de l’AFP en Uruguay, Ana Ines Cibils et Giovanna Fleitas et de journaliste sportif détaché sur la couverture du Mondial au Brésil Mauricio Arbilla.