Un légionnaire français monte la garde près d'un blindé à Niono, dans le nord du Mali, le 20 janvier 2013 (AFP / Issouf Sanogo)

Mali: la tête de mort qui fait le buzz

NIONO (Mali), 22 janvier 2013 - Cette photo a fait le tour d’internet. Un légionnaire français monte la garde près de véhicules blindés à Niono, dans le nord du Mali. Sous ses lunettes de combat, il porte un foulard figurant une tête de mort qui lui donne des faux airs de Ghost, un personnage du très populaire jeu vidéo de guerre «Call of Duty».

Photo «hallucinante», «surprenante», «glaçante»… les commentaires et interprétations plus ou moins fantaisistes vont bon train sur la toile, et l’armée française a vivement réagi. Mais l’histoire derrière cette image est beaucoup plus banale que ce qu’on pourrait croire.

«Je me trouvais aux côtés de militaires français stationnés à côté d’un terrain vague, près de la préfecture de Niono», raconte Issouf Sanogo, le photographe de l’AFP auteur de cette image. «Un hélicoptère était en train d’atterrir et soulevait d’énormes nuages de poussière. Instinctivement, tous les soldats à proximité ont mis leurs foulards devant leurs visages pour éviter d’avaler du sable. C’était le soir. Les rayons de soleil filtraient à travers les arbres et les nuages soulevés par l’hélico. C’était une belle lumière. J’ai repéré ce soldat qui portait un drôle de foulard et j’ai pris la photo. Sur le moment je n’ai pas trouvé la scène particulièrement extraordinaire, ni choquante. Le soldat ne posait pas. Il n’y a aucune mise en scène dans cette image. Le gars ne faisait que se tenir là, en se protégeant le visage de la poussière, en attendant qu’un hélicoptère se pose. Personne, non plus, n’a tenté de m’empêcher de prendre la photo».

Des jeunes maliens au milieu des blindés français à Niono, le 20 janvier 2013 (AFP / Issouf Sanogo)

La publication de cette image par l’AFP et le buzz qu’elle a suscité a déclenché la colère du commandement militaire français sur place. A Paris, le porte-parole de l’état-major, le colonel Thierry Burkhard a jugé que le comportement du soldat masqué n’était «pas acceptable». «Cette image n'est pas représentative de l'action que conduit la France au Mali à la demande de l'Etat malien» et de celle que mènent ses soldats souvent «au péril de leur vie», a-t-il souligné pendant un point de presse. Il a précisé que l’armée cherchait à identifier le soldat au foulard morbide.

 

Quatre mille kilomètres plus au sud, ce battage médiatique ne manque pas d’étonner Issouf Sanogo. Basé à Abidjan, ce photographe a été dépêché au Mali pour couvrir la progression de l’armée française vers le Nord du pays tenu par les groupes armés islamistes. Il n’a noté aucun changement dans le comportement des militaires à son égard depuis qu’il a publié son image controversée. Le 21 janvier, il a même effectué les 60 km de route entre Niono et Diabali à bord d’un blindé français sans que personne ne lui fasse la moindre remarque.

«Les soldats travaillent dans des conditions difficiles», dit-il. «Ils avalent des milliers de kilomètres de route, alors ils font ce qu’ils peuvent pour se distraire un peu. Je ne sais pas qui est le soldat au foulard et j’aurais bien du mal à le reconnaître si je le croise à nouveau. Je crois, et j’espère, qu’il sera impossible de l’identifier. Je ne suis même pas sûr qu’il soit au courant de tout ce que les gens racontent sur son dos!»

(Mise à jour: l'état-major des armées a annoncé, mercredi 23 janvier, que le soldat avait été identifié et qu'une "étude de sanction" était en cours à son égard).

(AFP / Issouf Sanogo)