(AFP / Geoffroy Van Der Hasselt)

Macron sur 360°

Paris -- Durant les trois dernières semaines de la campagne électorale,  j’ai arpenté les meetings d’Emmanuel Macron avec un drôle de petit appareil fixé au bout d’une perche : une caméra à double-objectif, de la taille d’un paquet de cigarettes, capable de prendre des photos et tourner des vidéos en 360°. Le résultat est un drôle de spectacle, en immersion dans une foule de fans.

Meeting de Macron à Bercy, un lundi de Pâques. L'atmosphère du lieu passe de l'équivalent d'une boîte de nuit en pleine journée, à un concert de rock star, puis à un passage plus sérieux et plus grave, avant de se terminer en Marseillaise fusionnelle, chantée par des milliers de voix. 

 

Comme à tout un chacun, la sécurité m’a fixé un bracelet d’identification au poignet. Je franchis la haie de gros bras du service d’ordre, et pénètre dans l’arène de Bercy, balayée par les lumières colorées des spots, inondée par la musique d’un DJ branché.

La salle est déjà presque pleine. La foule oscille aux couleurs des tee-shirts roses, turquoise ou jaunes floqués d’un « Emmanuel Macron Président ».  Les haut-parleurs  diffusent à tue-tête « Feel the magic in the air, allez, allez, allez, levez les mains en l’air, allez, allez, allez… » du groupe ivoirien Magic System.

Je m’approche d’une brochette de jeunes filles qui dansent en rythme une chorégraphie bien rôdée. Je plante ma caméra entre elles et la scène pour ce moment un peu décalé dans un meeting politique. Après qu’un monsieur loyal a chauffé la salle, la «première partie» commence : des supporters du premier jour et compagnons de route de Macron expliquent pourquoi ils se sont mis « En marche ! ».  

(Pour voir les photos en 360° cliquer sur l'image. Pour passer en plein écran ou en revenir,
 double-cliquer sur l'image).

(Pour voir les photos en 360° cliquer sur l'image. Pour passer en plein écran ou en revenir, double-cliquer sur l'image).

Lorsque la tension est à son comble, comme une rock star en costume ajusté, Emmanuel Macron arrive sur la scène située au milieu de l’arène. Je tiens ma caméra à bout de bras, en me faisant le plus petit possible, sans grand succès, pour ne pas apparaître dans le cadre.

Quand le candidat lance « Dimanche, nous allons gagner ! », je ne sais plus si j’assiste à un concert ou à un match de football de l’équipe de France,  avec une forêt de drapeaux tricolores agités par des milliers de supporters.

Puis, le sérieux prend le dessus, Emmanuel Macron expose son programme à une foule qui applaudit et agite de nouveau les couleurs de la France. J’essaie, avec mon appareil 360 de capter les réactions autour de moi. Et lorsque le moment devient plus grave, après un discours qui a duré le temps d’un concert, c’est la main sur le cœur et dans une marée de drapeaux que 20.000 personnes entonnent l’hymne national.

Les meetings suivants se dérouleront de la même manière, avec une ferveur toujours plus grande. 

Le dimanche du deuxième tour arrivant, je me rends au Touquet pour couvrir le vote du candidat à la mairie. En espérant surtout, avant cela, capter des images d’un moment plus familial avec son épouse, une ballade ou une sortie dans la ville balnéaire. 

 

Peine perdue : avec une trentaine d’autres photographes et équipes de télé, je passe mon samedi à faire le pied de grue devant la maison, sans succès. J’essaye de raconter cela avec une image 360° insolite, le facteur sur son vélo qui essaie de se frayer un chemin entre la foule de journalistes et de curieux. 

Le jour du vote, comme des dizaines de journalistes, je m’installe devant la mairie très tôt. La vision 360° est idéale : d’un côté la mairie, de l’autre l’église.

Je me place au milieu de la foule. Ma voisine, une Touquettoise déjà grand-mère me parle de sa ville. Un petit chien s’installe à mes pieds. Une dame très distinguée me dit qu’elle aurait préféré Fillon. Mes voisines s’offusquent qu’une journaliste de télé passant par là parle des "badauds" : « nous ne sommes pas des badauds, nous sommes venus encourager monsieur Macron ! ».

Les héros du jour sortent sur les marches sous les acclamations. Des enfants perchés sur les épaules de leurs parents scandent sans relâche « Macron Président ! Macron Président ! ». Bien qu’ils soient derrière moi,  je sais que mon appareil à 360° les enregistre.  Au moment où ma voisine serre la main du futur président, je réussis à prendre une photo en gros plan.

 

En éditant les images, dans la voiture qui nous ramène à Paris, je réalise que je n’aurai pas l’occasion de prendre des images panoramiques du futur président ce soir dans la cour du Louvre. 

Trop loin de la scène, je me concentre sur les supporters et à 19H59, je lève ma caméra le plus haut possible au-dessus de la forêt de têtes. Au top de 20h, lorsque le visage d’Emmanuel Macron apparaît sur grand écran, les drapeaux s’agitent et se déploient dans l’air tandis que la foule hurle de joie. Le plan à 360° décrit bien l’ambiance du moment.

Pour le montage de cette séquence, je choisis un passage de « Magic is in the air ». Je sais que dimanche prochain, lors de la passation de pouvoir avec François Hollande, il y a peu de chances que cette musique résonne dans la cour de l’Elysée… 

 

Laurent Kalfala