Le camion le plus gros de la Terre
MADAMA (Niger), 6 janvier 2015 – Le jour de l’an, j’accompagne le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian lors d’un voyage-éclair à Madama, dans l’extrême-nord du Niger. Là, près d’un vieux fort colonial au milieu de nulle part, l’armée française est en train d’installer une base avancée de l'opération antiterroriste Barkhane. Nous sommes aux portes de la Libye et de ses « sanctuaires » de jihadistes armés. Le ministre vient rendre visite aux quelque 200 soldats qui construisent la base en plein désert.
Près de la piste d’atterrissage flambant neuve, j’aperçois cinq ou six camions incroyablement surchargés arrêtés sous le soleil. Je m’échappe quelques minutes du cortège officiel pour aller les voir de plus près et faire quelques images rapides.
Ces camions viennent de Libye, à une centaine de kilomètres au nord. Ils attendent de passer la douane pour entrer au Niger. Une formalité qui se résume à une vérification de papiers par un soldat nigérien. Lequel, pour des raisons assez faciles à comprendre, renonce en général à fouiller le chargement !
Nous sommes sur une route traditionnelle du commerce. C’est par ici que passaient les caravanes autrefois. C'est par ici que devait passer la route transsaharienne, un grand projet voulu par Kadhafi mais qui n'a finalement jamais vu le jour. C’est par ici que transitent maintenant tous les trafics, légaux et illégaux, dont certains alimentent le terrorisme. Les camions transportent de tout : des meubles, des vélos, des victuailles… On peut facilement imaginer que, sous le fatras des marchandises entassées, se cachent parfois cinq ou six caisses de Kalachnikovs…
Les camionneurs sont nigériens ou libyens. En attendant d’être contrôlés, ils mettent en place une sorte de petit marché local. Des pickups surgissent de Dieu seul sait où, leurs occupants marchandent avec les routiers puis disparaissent dans le désert avec leurs véhicules chargés de leurs achats.
Je m’approche des camions. Les chauffeurs se montrent très amicaux. Ils sont ravis de se faire photographier. Je bavarde un moment avec eux. Je leur explique qu’en France, les poids-lourds sont beaucoup moins impressionnants, et je m’étonne que des véhicules aussi surchargés puissent rouler pendant des heures sur des pistes à travers le désert.
« Ah mais ce n’est rien, ça ! » me lance un des routiers en rigolant. « A quelques minutes derrière nous, il y a un camion encore plus énorme. Attends un peu et tu le verras !»
Mais je dois déjà rejoindre le groupe officiel. Le programme est serré. C’est l’heure de remonter dans l’avion de transport militaire qui doit nous ramener à N’Djamena, au Tchad, d’où nous sommes partis dans la matinée. La visite surprise du ministre dans ce coin reculé du Sahel n’a duré que trois heures. A mon grand regret, je ne verrai jamais surgir des sables le camion le plus gros de la terre…
Dominique Faget est un reporter photographe basé à Paris.