"Je dédie ce prix au bureau de Hong Kong..."

Anthony Wallace, chef photographe de l’AFP à Hong Kong, vient de recevoir le Prix du public pour sa série « Hong Kong, une révolte populaire » lors de la 27ème édition du Prix Bayeux-Calvados Normandie des correspondants de guerre. Il a également été distingué par la deuxième place du jury international dans la catégorie Photo.  Cette année, il avait déjà été primé plusieurs fois pour son travail sur les manifestations dans la ville, notamment avec le Prix de la Ville de Perpignan Rémi Ochlik 2020, ce qui lui vaudra d'être exposé dans le cadre du Festival international du photojournalisme Visa pour l'image

Il a écrit ce récit sur Hong Kong, en juillet peu après l'adoption d'une loi sur la sécurité nationale qui vise  à réprimer la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères, en réponse au mouvement de contestation lancé en 2019 contre le pouvoir central dans l'ancienne colonie britannique. Les militants pro-démocratie redoutent qu'elle n'ouvre la voie à une érosion sans précédent des libertés dont jouissaient jusqu'à présent les habitants du territoire. 

Anthony Wallace, 41 ans, est né à Hong Kong et y travaille depuis plus de sept ans. Il est le responsable photo du bureau depuis trois ans et demi. Il a couvert le mouvement des parapluies en 2014, les fusillades de Christchurch en Nouvelle-Zélande ou encore des tremblements de terre à Taïwan. De son propre aveu la série de manifestations qui a agité la ville en 2019, fut son plus “grand défi”, professionnel.  

Manifestation dans le district de Yuen Long à Hong Kong, le 27 juillet 2019 (AFP / Anthony Wallace)

Hong Kong - Quand des centaines de milliers de Hongkongais sont descendus dans la rue pour s’opposer à une proposition de loi d’extradition du gouvernement de Hong Kong, nous avons tous été pris de court. C’était il y a un peu plus d’un an, un dimanche, le 9 juin 2019. Hong Kong a une longue tradition de manifestations, mais là, c’était différent. Le 12 juin 2019, un nouvel appel à manifester avait été lancé par des militants des droits de l’Homme. Je me souviens encore de la rencontre avec l’immense foule qui avait envahi les rues, en sortant de la station de métro Admiralty, proche du siège du gouvernement local. Je n’en revenais pas. Pendant quelques instant, j’ai juste observé la scène en me demandant comment j’allais couvrir cette actualité qui deviendrait planétaire. 

Quelqu’un m’a aidé à me hisser sur un mur en béton d’où j’ai pu prendre une première photo. Très vite, mon chef a décidé d’envoyer des renforts. Hong Kong était à la Une de la presse mondiale et il me faudrait apprendre à coordonner une équipe de photographes pour certains arrivés de l’étranger pour couvrir les manifestations, tout en en restant dans la rue.

Un policier regarde les manifestants, derrière une vitre brisée du siège du gouvernement à Hong Kong, le 1er juillet 2019, marquant le 22ème anniversaire de la rétrocession du territoire sous administration britannique à la Chine. Après la tentative d'assaut du bâtiment par les manifestants, la police a riposté avec des tirs de gaz lacrymogène. (AFP / Anthony Wallace)

Ce jour-là, j’ai aussi pour la première fois expérimenté en direct les tirs de gaz lacrymogène. Le son des projectiles m’a effrayé. Je ne savais pas vraiment où me réfugier, même si j’avais été formé à ce genre de situation. J’ai enfilé maladroitement mon masque à gaz et mis un casque, puis j’ai tenté de me mettre à l’abri pour ne pas être blessé par les objets lancés par les manifestants sur la police et les tirs de bombes lacrymogènes des forces de l’ordre. Je savais que je devais prendre mon courage à deux mains pour m’éloigner du mur près duquel je m’étais réfugié et témoigner avec mes images du chaos qui m’entourait. 

Manifestants aux abords de l'université chinoise de Hong Kong, le 13 novembre 2019. (AFP / Anthony Wallace)

Dans les semaines et mois qui ont suivi, ces scènes sont devenues presque “ordinaires” et la violence a cru. Je me suis doté de vêtements protecteurs, spécialement pour les manifs. Les renforts arrivés de l’étranger et les photographes free-lance de Hong Kong avec lesquels j’ai travaillé m’ont permis de prendre un peu de repos avec ma famille, de temps à autre.

Quartier de Causeway Bay, le 31 août 2019 à Hong Kong (AFP / Anthony Wallace)

Il était aussi fréquent que je ne dorme plus chez moi pour assurer une couverture 24 heures sur 24. Et puis, je rentrais à la maison pour tenter d’être un “père normal” pour mes deux enfants, et un mari. J’ai eu l’impression de vivre deux vies parallèles. 

 

Des manifestants transformés en "mur de Lennon", en référence à ce mur d'hommages informels à John Lennon à Prague, après son assassinat en 1980, une manière de protester contre le projet de loi d'extradition du gouvernement local, le 26 juillet 2019, dans le hall des arrivées de l'aéroport. (AFP / Anthony Wallace)

Je dédie ce prix à mes collègues du bureau de Hong Kong, mon équipe photo, les éditeurs photo de l’AFP, ma chère famille et mes amis, qui m’ont tous soutenus pendant cette couverture difficile.

Place Edinburgh dans le district central, manifestation pour remercier le président américain Donald Trump après la signature d'une loi imposant un examen annuel des libertés publiques à Hong Kong le 28 novembre 2019. (AFP / Anthony Wallace)

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