Frappe en direct à Kobané
YUMURTALIK (Turquie), 24 octobre 2014 – Depuis fin septembre, des dizaines de journalistes sont massés dans le village de Mürșitpinar, en Turquie, pour assister de loin aux violents combats à Kobané. Dans cette ville syrienne située juste de l’autre côté de la frontière, les Unités de protection du peuple (YPG) kurdes résistent depuis des semaines aux assauts du groupe Etat islamique, appuyées par la coalition internationale qui mène quotidiennement des frappes aériennes contre les positions des jihadistes.
Ce jeudi 23 octobre, je suis à Mürșitpinar depuis une dizaine de jours. Vers cinq heures et demie de l’après-midi, mon collègue Bülent Kiliç, photographe de l’AFP venu d’Istanbul, reçoit une information selon laquelle des combattants de l’EI auraient planté un de leurs drapeaux sur la colline de Tilsehir, à environ trois kilomètres à l’ouest de Kobané, en face du village turc de Yumurtalik. C’est une autre colline que celle qui avait été prise en photo le 7 octobre, lorsque les jihadistes avaient fait flotter leurs premiers drapeaux noirs sur Kobané. Elle se trouve de l’autre côté de la ville, et n’est pas visible depuis l’endroit où les journalistes et les réfugiés kurdes ont pris l’habitude de se poster des heures durant pour observer la bataille.
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Nous nous rendons sur place. Effectivement, des combattants de l’EI sont postés sur la colline, au sommet de laquelle flottent leurs couleurs. Dans le ciel, on entend constamment le vrombissement des avions de la coalition. Il est assez rare d’apercevoir les appareils, et évidemment impossible de distinguer de quel pays ils proviennent, mais le bruit de réacteurs est permanent. Bülent et moi, nous nous disons qu’une frappe est possible à tout moment. Des villageois nous autorisent à nous installer sur le toit de leur maison, à quelques centaines de mètres au nord de la colline tenue par les jihadistes. Je mets en place ma caméra et je commence à filmer.
Et à peine quinze minutes plus tard, voilà nos prédictions qui se réalisent! Un chapelet de bombes tombées du ciel s’abat sur la colline qui disparaît sous des nuages de fumée noire, dans un bruit assourdissant. Très vite, les combattants de l’Etat islamique visés par la frappe se mettent à tirer à l’arme lourde. Nous ne savons pas contre qui sont dirigés ces tirs, mais il est trop dangereux pour nous de rester à découvert sur le toit de la maison. Nous redescendons à l’intérieur.
Le lendemain matin, les jihadistes ont disparu de la colline. Ils ont été remplacés par les YPG qui ont planté un drapeau kurde.
Mostafa Abulezz est un reporter vidéo de l’AFP basé au Caire.