« Femmes-girafes » : souffrir pour les touristes
PANPET (Birmanie), 29 avril 2014 - Au cœur des collines boisées de l'Etat Kayah, dans l'est birman, les sculpturales « femmes-girafes », de la minorité ethnique Padaung, portent des anneaux de bronze autour du cou depuis des générations. Un symbole traditionnel de beauté aujourd'hui gardé vivant surtout pour satisfaire la curiosité des touristes.
Dès l'âge de cinq ans, les petites filles commencent avec une dizaine d'anneaux, et en ajoute ensuite environ un chaque année jusqu'à l'âge adulte.
Une femme peut ainsi porter jusqu'à vingt-cinq cercles de métal, soit un total de cinq kilos qui compressent ses épaules et ses clavicules, plutôt que d'étirer son cou, comme on pourrait le penser.
A Panpet, une trentaine de femmes et de filles portent le flambeau de cette tradition. Mais la plupart d'entre elles passent la majeure partie de l'année en Thaïlande voisine, vendant des souvenirs et faisant la joie de touristes fascinés ravis de ramener des photos de vacances si exotiques.
Ces femmes vivent alors dans un village spécial transformé en attraction touristique, gagnant environ 3.000 bahts (70 euros) par mois.
Mais si le défilé de curieux dans ces villages Padaung a généré des revenus, il a également provoqué un débat éthique sur ce que certains ont qualifié de « zoos humains », qui encouragent notamment la poursuite d'une pratique contraignante, comparée aux pieds bandés en Chine.
L'origine de cette tradition n'est pas très claire. Selon la légende locale, les femmes auraient commencé à porter les anneaux pour se protéger des tigres alors nombreux dans la région et qui attaquent leur proie au cou. Traditionnellement, les hommes du village portaient également dans le dos des masques représentant des visages, pour éloigner les félins.
Mais les villageois m'ont dit que ces masques n'étaient plus d'actualité, et que de moins en moins de femmes s'imposaient de porter les anneaux qui les forcent à regarder toujours droit devant. Les familles n'ont souvent pas les moyens d'acheter ces cercles faits à la main, et beaucoup de jeunes filles craignent qu'ils ne les empêchent de trouver du travail à la ville. Même s'il semble possible, avec l'aide d'un spécialiste, de les faire enlever, permettant en principe aux épaules et clavicules de retrouver leur place.
Celles qui vivent en Thaïlande rentrent chez elles une fois par an pour le festival Dakontai, moment privilégié de la vie de cette minorité, dédié au culte des esprits.
Ye Aung Thu est un photographe qui travaille pour l'AFP à Rangoun.