Face à face avec un géant en danger
PARC NATIONAL DE ZAKOUMA (Tchad), 7 mars 2014 – En Afriquedu Sud, où je suis basé, nous publions fréquemment des informations sur lebraconnage ou la conservation de la faune sauvage. Mais ces histoires manquentsouvent de bonnes photos pour les illustrer. Alors, quand l’organisationnon-gouvernementale African Parks me propose d’aller au Tchad pourphotographier leur travail, j’accepte très volontiers.
La première partie du reportage consiste à assister àl’incinération de plus d’une tonne d’ivoire provenant du braconnage, au coursd’une cérémonie marquant le 50e anniversaire du parc national deZakouma, le plus ancien du Tchad. C’est assez étrange. Le président Idriss Débyest là, l’atmosphère est festive. Les gens dansent, chantent et se réjouissent.Mais il est impossible d’ignorer ce que signifient ces mille kilos d’ivoire.Ces défenses d’éléphants représentent une véritable fortune pour un pays pauvrecomme le Tchad, qui manque de tout. Faire partir tout cet argent en fumée pourla cause des éléphants constitue, je pense, un acte politique extrêmementcourageux.
La veille de l’incinération, j’ai observé les gardiens duparc qui portaient les défenses. Ils avaient l’air d’éprouver un profondrespect pour l’ivoire. Ils déplaçaient chaque pièce, soigneusement répertoriée,avec précaution et révérence. L’homme sur la photo ci-dessus connaissait la plupartdes éléphants dont provenaient les défenses. Il se montrait extrêmement tristeet amer. Selon lui, les braconniers réalisent des profits relativement maigrespar rapport à ceux des trafiquants qui écoulent la marchandise sur lesinsatiables marchés d’Asie. Tuer des éléphants pour aussi peu d’argent est,d’après lui, un acte complètement insensé.
En 2005, le Tchad comptait encore quelque 4.000 éléphants.Mais cinq ans plus tard, la population avait chuté à 450.
Plus tard, j’accompagne les défenseurs de l’environnementqui cherchent des éléphants pour leur apposer des colliers équipés de systèmesGPS. Ces instruments permettront de connaître jusqu’où ces animauxs’aventurent, et de mieux les protéger contre les braconniers. Parfois, leséléphants se déplacent sur des milliers de kilomètres pour trouver de l’eau.
L’homme chargé d’administrer à l’éléphant une fléchettetranquillisante doit se déplacer dans le plus grand silence. Il enlève même ses chaussures pours’approcher tout doucement de l’animal. Quand il tire, c’est tout à coupl’enfer: tous les éléphants se mettent à hurler. Les volontaires seprécipitent sur la bête atteinte pour la faire tomber sur le côté, et non surles genoux, ce qui serait dangereux pour elle. Puis tout le monde s’affairerapidement pour mettre en place le collier.
C’est la première fois de ma vie que je me retrouve aussiprès d’un éléphant. Je dois travailler vite pour prendre mes photos, tout enévitant de gêner les gens qui s’affairent autour de moi. Au total, l’opérationne prend qu’une quinzaine de minutes.
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Marco Longari est un photojournaliste de l'AFP basé à Johannesburg.