Des éléphants inoubliables

Parc national Amboseli, Kenya -- Les éléphants sont des créatures magnifiques, toujours fascinantes à photographier. Particulièrement parce que leur taille hors du commun implique souvent des moyens techniques très spéciaux pour les observer de près.

Un troupeau d'éléphant, devant le mont Kilimandjaro, dans le parc Amboseli. 3 novembre 2016. (AFP / Carl De Souza)

Ce que je préfère est d'accompagner une opération de pose de collier par les gardiens du parc. Ces colliers permettent de suivre et de mieux connaitre ces animaux, toujours plus menacés par les braconniers qui convoitent leurs défenses, très demandées en Asie.

Des cornes d'éléphants tués par des braconniers sont détruites, dans le Parc National de Nairobi, en avril 2016. (AFP / Carl De Souza)

On croyait par exemple que les éléphants du parc Amboseli restaient confinés dans son périmètre. Mais grâce aux collliers on s'est rendus compte qu’ils allaient jusqu’à celui de Masaï Mara, près de la Tanzanie, et de Tsavo, dans le sud-est du Kenya.

La dernière fois que j’ai suivi une opération de pose de collier remonte à 2013, je ne l’ai jamais oubliée. Cette fois, je suis reparti avec le même groupe, le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW).

A l’époque, un des objectifs était de trouver un jeune éléphant. La méthode est toujours la même. Pour le repérer on part en hélicoptère. Une fois identifié le bon animal, il faut s’en approcher le plus près possible et l’endormir. Une équipe au sol attend de poser le collier, de prendre un échantillon de sang et des mesures de l’animal, et de lui administrer enfin un antidote à l’anesthésique, pour le réveiller.

Le temps est limité, environ 15 minutes, à partir du moment où la fléchette chargée d’anesthésique a pénétrée la peau de l’animal. Si l’éléphant reste endormi trop longtemps cela peut mener à des complications, jusqu’à la mort. C’est pourquoi toute l’opération a un caractère un peu militaire. Il faut être rapide et précis, avec un membre de l’équipe qui déclenche un chronomètre juste après le tir de la fléchette.

Parc Amboseli, 14 mars 2013. (AFP / Carl De Souza)

Ce jour-là, nous avons trouvé notre jeune, et il a été endormi. Il s’est allongé et jusque-là tout allait bien. Ça s’est compliqué parce que sa mère, qui l’accompagnait, est devenue très agitée. Elle a essayé de le relever, encore et encore. C’était très touchant.

Seulement, le chronomètre tournait. Il n’y avait pas d’autre choix que d’essayer de la chasser. Normalement, il suffit de s’approcher avec l’hélicoptère pour effrayer l’animal. Mais là il s’agissait d’une mère avec son petit. L’appareil était si près d’elle que j’aurai pu me retrouver sur son dos en faisant un pas.

La mère essaie de relever son petit. (AFP / Carl De Souza)

Finalement elle est partie, le collier a été posé sur le jeune, et il a retrouvé sa mère un peu plus tard. J’ai remercié mentalement le pilote pour sa maîtrise de l'appareil. D’après un témoin l’hélicoptère était si proche de la mère qu'on aurait dit qu'elle pouvait en attraper les patins avec sa trompe.

Dans le parc national Amboseli, 2 novembre 2016. (AFP / Carl De Souza)

Cette fois-ci, nous avons cherché deux jeunes mâles dont l’IFAW voulait suivre les déplacements à la frontière du Kenya avec la Tanzanie.

D’ordinaire l’organisation invite les photographes d'agences de presse et des télévisions, nationales et internationales. J’ai eu de la chance parce qu'au bout du compte, nous n’étions que deux photographes. Ce qui m'a procuré beaucoup plus de liberté pour travailler.

Ce genre de travail est d’ordinaire assez frustrant. Quand un éléphant tombe au sol, certains oublient les règles de bonne conduite dictées pendant la réunion du matin et des curieux se retrouvent aussi là pour faire des photos souvenir. C’est un véritable  problème, parce que des gens qui prennent un selfie pour poster ensuite quelque chose de « cool » sur Facebook sont sans intérêt pour l’histoire que j’essaie de raconter.

D’un point de vue technique, on essaie de montrer la masse imposante  de l’éléphant, ses défenses, ses pattes, sa taille hors du commun, sans que la vision de ces éléments soit dénaturée par celle des humains qui courent autour.

Pose d'un collier, 2 novembre 2016. (AFP / Carl De Souza)

Je suis content parce que je suis arrivé à en faire abstraction.

Quand l'éléphant commence à se réveiller, 2 novembre 2016. (AFP / Carl De Souza)

Je ne me lasse jamais de les photographier. C'est un moment unique, à chaque fois. Les animaux sont différents, les scénarios sont différents, le terrain, la lumière, les circonstances sont différents.

Pose d'un collier, 14 mars 2013. (AFP / Carl De Souza)
Parc Amboseli, novembre 2016. (AFP / Carl De Souza)

 

Vous pouvez photographier un éléphant dix fois et vous obtiendrez toujours  des angles et des images différentes. Sans parler du fait que les accompagner en hélicoptère en survolant un paysage magnifique est un plaisir toujours renouvelé.

Amboseli, 2 novembre 2016. (AFP / Carl De Souza)

Ce sont des animaux vraiment fascinants. Ils sont très, très malins. Ils peuvent s’apprendre des choses et travailler ensemble. Je me rappelle d’un film dans lequel des éléphants pénètrent sur des fermes en se débarrassant de la clôture électrique. Le film les montrait en train de s’aider à défaire les clôtures pour pouvoir passer.

Quand à cette réputation de mémoire phénoménale, je n’en ai jamais été témoin. Mais il se peut que je doive bientôt quitter l’Afrique, et je sais que je n'oublierai jamais ses éléphants.

Ce blog a été écrit avec Yana Dlugy à Paris.

Carl De Souza