(AFP / Nom du photographe)

Bataille rangée dans les pâturages

VEGA DEL REY (Espange), 5 juin 2012 - Lundi 4 juin, j’ai été envoyé par l’AFP couvrir une manifestation de mineurs à Vega del Rey, près d’Oviedo. Le charbon des Asturies est très onéreux et sa valeur est faible. Ses propriétés calorifiques sont très inférieures à celles du charbon importé d’autres pays, qui est en plus beaucoup moins cher à extraire. Dans le nord de l’Espagne, des villages entiers dépendent des mines. Pour que les gens gardent leur travail, le gouvernement subventionne le charbon. Avec la crise, bien sûr, l’Etat a beaucoup coupé dans ces subventions. Alors les mineurs font grève. Comme ils ont compris qu’ils n’obtiendront rien s’ils se contentent de se rassembler devant la mairie, ils organisent des actions musclées. Leur truc, c’est de couper les routes. Ils ont une longue expérience en la matière et n'y vont pas de main morte.

Ce matin-là, j’ai calculé qu’il y avait entre mille et deux mille mineurs à Vega del Rey, au bord de l’autoroute qui relie Oviedo, la capitale des Asturies, au centre de l’Espagne. Cette fois, ils ont construit une barricade avec des pneus et ils y ont mis le feu, mais il leur arrive aussi de couper des arbres à la hache et de les mettre en travers de la route. C’est une voie de communication très fréquentée, un des principaux axes entre le nord de l’Espagne et Madrid, et un embouteillage monstrueux n’a pas tardé à se former. La Guardia Civil était bien renseignée. Au bout de dix minutes à peine, elle a débarqué en force.

Les agents anti-émeutes de la Guardia Civil ressemblent à des légionnaires romains sauf qu’au lieu d’une épée, ils portent des matraques. Ils ont chargé les mineurs en leur lançant des grenades lacrymogènes. C’est un gaz très désagréable. Quand tu respires ça, tu n’as pas le choix : soit tu te disperses, soit tu tombes raide mort. Les mineurs se sont donc éparpillés dans les champs environnants et les gardes civils ont commencé à leur courir après dans l’espoir d’en attraper quelques uns. C’est une vallée très encaissée. Un groupe d’agents s'est lancé à la poursuite des mineurs à flanc de colline. D’en haut, les manifestants leur balançaient des pierres. A l’aide de bazookas bricolés à l’aide de tubes d’échafaudage, ils les canardaient à la fusée pyrotechnique. Les gardes civils menaçaient les mineurs, qui les insultaient et leur montraient leurs fesses.

(AFP / César Manso)
(AFP / César Manso)
(AFP / César Manso)
(AFP / César Manso)

Les mineurs trouvent leur équipement guerrier dans les chantiers. Sur la photo ci-dessous, on peut en voir plusieurs qui se protègent à l’aide de boucliers confectionnés à l’aide de passerelles métalliques pour échaffaudage. La végétation qui les environne a été brûlée pendant la bataille qui a éclaté lors de leur précédente manifestation, quelques semaines plus tôt.

(AFP / César Manso)

A cause de leur lourd équipement, les gardes civils qui poursuivaient les mineurs se sont vite fait distancer. Alors, un autre groupe a entrepris de contourner la colline pour prendre les manifestants à revers. Pour cela, il leur a d’abord fallu faire irruption dans la gare, à la plus grande stupéfaction des voyageurs qui attendaient le train, et traverser les voies.

(AFP / César Manso)

Une fois de l’autre côté de la voie ferrée, ils ont dû traverser un champ dans lequel une bergère gardait des moutons. La dame était furibarde. Elle voulait empêcher les gardes civils de passer mais ces derniers ont passé outre ses invectives. C’est intelligent, un mouton. Il sait qu’un type qui court vers lui un bâton à la main ne peut rien lui vouloir de bon. Tout de suite, les bêtes ont détalé. J’ai à peine eu le temps de prendre une photo.

(AFP / César Manso)

Au final, cinq mineurs ont été arrêtés et un garde civil a été blessé par une fusée.

Il reste aujourd'hui une quarantaine de mines de charbon en activité en Espagne, situées principalement dans le nord. En pleine restructuration depuis les années 1990, ces mines ont progressivement fermé, avec à la clef une réduction de plus de 40.000 emplois directs en 20 ans. Il reste aujourd'hui environ 8.000 mineurs en Espagne. Pour 2012, le gouvernement conservateur espagnol a prévu de réduire des deux tiers environ les subventions aux bassins miniers.

(AFP / César Manso)