Bagdad: smartphones et applis à la rescousse
AFP/Patrick Baz
BAGDAD, 21 février 2013 - Un photographe de presse peut-il se servir de son smartphone, et surtout des différentes applications qui rendent des "effets spéciaux" souvent très séduisants? En utilisant son Iphone et surtout l'appli Hipstamatic, pour saisir le quotidien de Bagdad, le photographe de l'AFP Patrick Baz alimente brillamment le débat, et explique sa démarche.
"Quand je suis arrivé à Bagdad, je voulais retrouver les endroits que j'avais photographiés il y a dix ans, pendant l'invasion américaine. Mais j'ai vite compris que c'était impossible. Travailler dans les rues de la capitale irakienne est un cauchemar. On doit sortir papiers et carte de presse à tous les coins de rue, et il faut des autorisations spéciales pour le moindre truc. On ne sait jamais vraiment à qui on s'adresse, et qui est responsable de quoi. Une autorisation obtenue d'une autorité ne vous ouvre pas forcément les portes auprès d'un autre officiel…
Quand les photographes locaux de l'AFP vont sur des attentats, ils utilisent des appareils miniatures qu'ils cachent dans leur pantalon pour passer les checkpoints.
A Noël, j'ai reçu un iPhone 5 en cadeau, et j'ai commencé à jouer avec ses différentes applications, postant des images sur mes pages Facebook.
AFP/Patrick Baz
J'ai lu pas mal d'articles de presse sur l'utilisation de l'iPhone et ses applications par de nombreux collègues, et nous avons eu des débats animés sur ce sujet, entre photographes. J'avais beaucoup de réticentes à l'utiliser, de même que les applis, pour mon travail.
Mais la frustration de ne pas pouvoir travailler librement dans Bagdad a fait pencher la balance. Les photographes écrivent avec la lumière, et comme je ne pouvais pas "écrire avec la lumière", puisque je n'avais pas la possibilité de contrôler l'ouverture de mon smartphone, j'ai décidé "d'écrire" avec l'appli Hipstamatic.
Généralement, on double le travail photo avec un Iphone, mais dans cette situation précise, j'ai fait le contraire, j'ai doublé avec mon appareil, quand c'était possible. Une démarche nouvelle, inhabituelle, une approche différente.
AFP/Patrick Baz
Une des photos, prise par Sabah Arar, un de nos photographes en Irak, me montre en train de me servir de mon Iphone, alors que mes appareils pendent de mes épaules… Lorsqu'un soldat a demandé à Sabah ce que je faisais, il lui a répondu : "Il prend des photos souvenir avec son téléphone portable".
AFP/Sabah Arar
De retour au bureau, j'ai pensé qu'il y avait moyen de tirer quelque chose de ce que j'avais fait avec l'iPhone.
Etant donné que c'était une approche plus "photographique" que "journalistique", et une démarche inhabituelle, j'ai soumis mon travail à Eric Baradat, responsable photo à la Rédaction en Chef Centrale de l'agence, qui a donné son feu vert.
Eric Baradat souligne que ce feu vert a été donné à titre expérimental, et que les photos de Patrick Baz entrent dans la catégorie "magazine", et ne portent pas sur un événement précis d'actualité.
Le débat sur l'utilisation de ces applications est loin d'être clos, souligne-t-il.
La plupart des journalistes sont équipés d’un smartphone qui est devenu leur journal de bord ou leur carnet de note numérique, ils enregistrent leurs expériences de reportage, ils montrent leur quotidien à leurs amis ou à leurs proches, via les réseaux sociaux. Cette tendance transparait dans les médias traditionnels, on l’a vu avec l’édition de Time Magazine lors de l’Ouragan Sandy à l’automne aux Etats-Unis, et l’utilisation de ces images est une forme d’écriture à la mode sur les blogs.