Shuruq (à droite), une fillette de 9 ans privée de ses deux jambes, joue dans un square à Alep, dans le nord de la Syrie, le 3 novembre 2014 (AFP / Baraa Al-Halabi)

Au square, à Alep

ALEP (Syrie), 10 novembre 2014 – Je suis tombé sur Shuruq par hasard en me promenant dans un square d’Alep. Cette petite fille de 9 ans jouait en compagnie de son frère, de ses deux sœurs et de sa mère. Comme elle n’a pas de jambes, c’était son grand frère qui poussait la balançoire pour elle.

Alep était autrefois la capitale économique de la Syrie. La ville est ravagée depuis deux ans par les combats sans merci entre la rébellion et les forces gouvernementales. Les bombardements quotidiens par l’armée loyale au président Bachar Al-Assad y ont fait des milliers de morts et provoqué d’énormes destructions. Selon sa mère, Shuruq a perdu ses deux jambes à cause d’une bombe qui a détruit sa maison.

(AFP / Baraa Al-Halabi)

Toutefois, comme souvent au cœur de la guerre, les choses ne sont pas très claires. Quelqu’un dans le quartier m’a raconté une autre version : la fillette souffrirait, en fait, d’un handicap de naissance. Son père aurait fui vers une zone contrôlée par le régime et serait recherché par les rebelles. Depuis, la mère doit élever seule ses quatre enfants sans le moindre revenu et dépend de la charité publique. Shuruq contribue à l’économie familiale en vendant des petits gâteaux dans la rue.

Shuruq est une petite fille intelligente, amicale et pleine d’énergie. Elle a appris à marcher sur ses mains et se déplace avec agilité. Je ne lui ai pas beaucoup parlé : elle était plus intéressée de jouer dans le square que de se faire prendre en photo.

Un enfant syrien passe en vélo devant un immeuble détruit à Alep, le 5 novembre 2014 (AFP / Baraa Al-Halabi)

A Alep, nous avons une école qui a pris l’initiative d’accueillir tous les enfants handicapés et qui les aide à mener une existence à peu près normale, que leur handicap soit dû à la guerre ou non. La vie est très dure ici pour tout le monde, elle l’est encore plus pour ces enfants mutilés que l’on voit souvent vendre des sucreries dans la rue pour survivre.

Le parc où j’ai pris ces photos est un ancien cimetière. Une association l’a transformé en square pour que les enfants d’Alep aient un endroit où jouer. Comme dans tous les squares du monde, l’endroit se remplit d’enfants quand il fait beau et se vide quand il pleut. La différence, c’est qu’il se vide aussi quand les avions gouvernementaux apparaissent dans le ciel.

Baraa Al-Halabi est un collaborateur occasionnel de l’AFP basé à Alep.

Une rue d'Alep, après un bombardement le 31 octobre 2014 (AFP / Baraa Al-Halabi)