« Voici un homme jeune qui sort, calme, résolu, de la gare de l’Est », écrit le journaliste de l'AFP Alain Navarro. « Grandes lignes, est-il écrit sur le panneau au-dessus de lui. Il vient de loin. Sur la tête un calot. C’est un militaire qui autour de l’avant-bras enroule sa capote. Le soldat inconnu revient d’un stalag, un camp de prisonniers en Allemagne où, après la débâcle de 1940, il a végété cinq ans. Le photographe a voulu, car il s’agit d’une photo posée, le rendre singulier, détaché de la masse d’autres prisonniers de guerre. Et puis, au cœur même de la photographie, jusqu’aux traits du visage, dénués de joie sur les lèvres ou aux yeux, s’insinue une autre idée, émerge une réalité plus troublante. L’image à ce moment capte un envers. Ce soldat isolé des autres est un homme solitaire. Personne ne vient l’accueillir. Peut-être son foyer s’est-il brisé durant sa longue absence… »
« Plus de deux millions de Français, soit un homme adulte sur dix, prisonniers de guerre, déportés politiques ou travailleurs dans les terres du Reich, sont rapatriés entre le printemps et l’hiver 1945. Mon désir de raconter, comme un puzzle nécessairement imparfait, cette histoire de destins singuliers et d’un événement global a donné naissance à un livre et à une exposition. « Le retour des absents » en est le titre. »