Zone rouge
Melbourne -- A priori, couvrir un meeting aérien, comme celui d’Australie, n’a rien d’extraordinaire. Mais quinze jours plus tard, j’étais sur les suites du crash d’un petit avion de tourisme, près de l’aéroport de Melbourne, qui a fait cinq morts au décollage. Ce qui m’a fait voir le show sous un autre jour.
Je ne suis pas un expert de la chose aérienne. Ce n’est que mon deuxième meeting. La première fois, j’avais été frappé par l’engouement populaire que peut susciter ce genre de manifestation. Les organisateurs avaient enregistré autour de 180.000 visiteurs sur trois jours.
On peut les diviser en deux groupes distincts. Il y a les simples spectateurs d’un côté, pour lesquels c’est avant tout une occasion de sortie, en famille, avec les enfants bien entendu. Quand un appareil fait une acrobatie, on entend des « OOhhh » et des « AAhhh » monter dans la foule.
Et puis il y a les puristes. Des enthousiastes qui vont de meeting en meeting. Au besoin à travers le monde. Ce sont des hommes, essentiellement, qui semblent tout connaître sur tel ou tel appareil, son moteur, ses capacités de vol et le genre d'acrobaties qu’il peut enchaîner. C’est un groupe que rien ne peut vraiment surprendre. Parmi eux, se trouve un noyau dur de photographes spécialisés dans la photo de meeting aérien.
C’est le genre de personnes dont j’ai tout intérêt à me faire des amis. Ils connaissent par cœur le répertoire de manœuvres qu’on peut attendre d’un modèle particulier d’avion. Et peuvent donc me suggérer des angles de prise de vue, ou le modèle d’objectif à privilégier. C’est une petite communauté de passionnés, très amicaux, et jamais avares d’un conseil ou deux.
D’un point de vue pratique, la journée s’est révélée être un sacré exercice physique. J’ai obtenu mes meilleures photos avec un objectif de 400mm. Normalement, compte tenu de la taille et du poids du bestiau, on utilise un pied. Mais là il faut l’orienter dans une position inhabituelle, plutôt verticale. Avec le boitier, ça pointe à 14 kilos, tenus à bout de bras. A la fin de la journée, j’avais les muscles en compote.
L’atmosphère générale ressemble un peu à celle du film « Top Gun ». Surtout avec les pilotes des petits appareils d’acrobatie. Ce sont généralement d’anciens militaires qui font ces figures incroyables. Pour certains, ce passe-temps est une véritable passion. Ce qui fournit des images spectaculaires.
Le clou du spectacle est la partie pyrotechnique, qui a lieu en fin de journée. Elle se joue avec deux appareils, qui terminent leur numéro par un simulacre de poursuite. Survient alors une gigantesque explosion, avec un mur de flammes gigantesque qui sert de toile de fond au passage des avions. Tout le monde s’y attend, notamment parce que le titre du numéro est plutôt explicite : « Tinstix of Dynamite ». Les gens sont prévenus et donc pas trop effrayés, même si le spectacle est vraiment impressionnant.
Personnellement j’ai trouvé le moment un peu perturbant, quelques jours seulement après les suites de l’accident d’avion que j’avais photographié. Pour tout dire, je n’ai jamais vu l’appareil, qui a disparu semble-t-il dans une énorme boule de feu, en s’écrasant sur un centre commercial. La seule chose appartenant clairement à l’appareil et que j’ai pu photographier était une de ses roues, retombée sur un bout d’autoroute.
Et quinze jours plus tard, me voici à photographier des types en avion qui se croisent à toute vitesse devant un mur de feu, et des milliers de spectateurs fascinés. C’était étrange, dirons-nous.
Ce billet de blog a été écrit avec Yana Dlugy à Paris.