Un chauffeur de taxi sud-africain attaque un étranger à coups de pierre pendant une bagarre générale dans une rue de Johannesburg, le 15 avril 2015 (AFP / Marco Longari)

Une brève scène de rage xénophobe

JOHANNESBURG, 16 avril 2015 – Les violences xénophobes sont un problème récurrent en Afrique du Sud et particulièrement à Johannesburg, où vivent d’importantes communautés étrangères africaines. Ce mercredi 15 avril, une rumeur sur les réseaux sociaux fait état de pillages imminents dans le centre-ville. Avec mes collègues du texte et de la vidéo, nous partons immédiatement sur place.

Nous nous rendons à Jeppe Street, où se trouve le siège de l’Association communautaire éthiopienne d’Afrique du Sud. Autour de nous, la tension est  vive. Tous les commerçants du quartier ont baissé leurs rideaux de fer. Ils nous disent qu’ils ont peur, qu’ils ne se sentent pas protégés. Les violences démarrent presque toujours par le pillage de magasins tenus par des étrangers. Cela a été le cas ces jours à Durban, dans l’est du pays. Les attaques xénophobes y ont fait au moins six morts, dont un Ethiopien brûlé vif dans l’incendie de son échoppe.

Un étranger pendant des affrontements xénophobes à Durban, le 14 avril (AFP)

Je ne sais pas d’où est partie la rumeur qui s’est propagée à toute vitesse à Johannesburg. Peut-être quelques magasins ont-ils été réellement attaqués. Mais nous apprendrons plus tard qu’au même moment, une vaste descente de police anti-contrefaçon se déroulait dans le quartier. Peut-être qu’en voyant tous ces agents fouiller des commerces, certains ont cru à une opération de maintien de l’ordre après des pillages xénophobes… Après les violences à Durban, les esprits sont chauffés à blanc dans la population étrangère. Les « messages d'avertissement » et les rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux suffisent à déclencher un mouvement de panique.

Nous nous postons à un carrefour où sont massées plusieurs centaines de personnes, prêtes à en découdre avec d’éventuels agresseurs.

Un chauffeur de taxi sud-africain ayant proféré des insultes xénophobes pendant un incident de circulation est roué de coups par des immigrés africains dans le centre de Johannesburg, le 15 avril (AFP / Marco Longari)

C’est un banal incident de circulation qui met le feu aux poudres. Un des étrangers présents sur le carrefour se fait légèrement accrocher par un minibus dont le chauffeur, un Sud-Africain, a la mauvaise idée de lancer une insulte xénophobe, du genre : « retourne dans ton pays ». Il est immédiatement pris à partie par la foule, extrait de son véhicule et roué de coups de pied.

D’autres Sud-Africains, des chauffeurs de taxi, interviennent et c’est la bagarre générale à coups de poing, de pied et de pierres. A un moment, l’un de ces chauffeurs se précipite sur un des étrangers tombé à terre et lui balance de toutes ses forces deux pavés en pleine tête. Heureusement, la victime est touchée avec le plat de la pierre. Elle est sonnée mais elle parvient à se relever, apparemment sans avoir subi de blessure grave.

Vidéo: tensions xénophobes en Afrique du Sud

La chasse aux étrangers que subit l’Afrique du Sud en ce moment survient quelques jours après que le roi des Zoulous, Goodwill Zwelithini, la plus haute autorité traditionnelle du KwaZulu-Natal, eut appelé les immigrés à « faire leurs bagages et quitter le pays ». Mais si la peur et la tension sont généralisées parmi la population immigrée, les incidents de ce type à Johannesburg restent très localisés. Dans le quartier où nous nous trouvons, ce sont les étrangers qui font tourner le commerce, et les habitants sud-africains que nous rencontrons n’ont pas de mots assez durs pour condamner cette haine qui frappe leurs voisins.

Marco Longari est un photojournaliste de l’AFP basé à Johannesburg.

Des commerces tenus par des étrangers fermés de crainte d'attaques xénophobes dans le centre de Johannesburg, le 15 avril (AFP / Marco Longari)
Marco Longari