Podcast Twenty Twenty: le combat d'une mère
Washington - L'aventure Twenty Twenty a commencé fin janvier avec un objectif : raconter la campagne présidentielle américaine en s'appuyant sur les journalistes de l'AFP dans tout le pays, ils sont près de 120 en Amérique du nord ! Comme tous les quatre ans, le monde fait sienne cette échéance politique, celle de la première puissance mondiale, représentant encore 17% de l’économie mondiale, dont les choix politiques ont des répercussions globales.
La primaire démocrate s’est achevée sur une victoire plutôt rapide de Joe Biden, l’ancien vice-président de Barack Obama. Il doit encore être investi par son parti, mais sauf surprise, il sera le candidat des démocrates. Le coronavirus a fait son entrée sur la scène de manière presque simultanée. Nous avons alors débattu: Twenty Twenty devait-il basculer sur la couverture de cette crise sans précédent ? La réponse était évidente: oui. En couvrant cette crise, puis l’émergence d’un mouvement inédit contre le racisme à la suite de la mort de George Floyd, notre podcast donnerait à voir aussi cette Amérique qui ira aux urnes en novembre, ses failles et ses débats. Chaque épisode est donc un long format, pour mieux comprendre.
Pour le 20ème numéro… TwentyTwenty a souhaité se concentrer sur une seule protagoniste du mouvement Black Lives Matter, une mère.
Sur son t-shirt, sur son masque, Marion Gray-Hopkins, 64 ans, affiche le même visage souriant, celui de son fils de 19 ans, Gary ou "LG" pour "Little Gary". Un soir de novembre 1999, à la sortie d'une soirée dansante ce jeune noir américain est tué par la police. Le policier qui a ouvert le feu a été acquitté lors de son procès. Depuis, Marion Gray-Hopkins a voué une grande partie de sa vie à honorer la mémoire de Gary en militant contre les violences policières qui chaque année font environ mille morts selon le Washington Post et tuent de manière disproportionnée les Noirs américains.
Marion Gray-Hopkins a co-fondé "Coalition of concerned mothers", une association qui accompagne les mères dans leur combat pour obtenir justice ou pour apaiser leur peine après le décès d'un enfant aux mains de la police ou par armes à feu.
Je l'ai rencontrée un jour ensoleillé de juin. Elle s'est assise devant sa maison dans laquelle elle venait d'emménager dans le Maryland, à 45 minutes de route au sud de la capitale américaine et m'a raconté son histoire et celle de ce fils.
Il avait enfilé de beaux habits de son père, emporté par un cancer seulement deux semaines plus tôt. Et il est parti se changer les idées, avec amis et cousins. Il n'est pas revenu, tué par balle par la police.
La conversation, tenue à bonne distance, coronavirus oblige, a duré une heure. Au moment d'évoquer la vidéo où l'on voit George Floyd asphyxié sous le genou d'un policier blanc, Marion Gray-Hopkins a marqué une pause et répondu, la voix nouée par l'émotion : "Chacun de ces meurtres me renvoie à ce traumatisme du 27 novembre 1999". Mais la mère et la grand-mère ne lâchera rien : "Je me battrais jusqu'à la mort pour ceux qui restent": ses petits enfants, ses filles, son autre fils.
Marion Gray-Hopkins a désormais l'espoir que ce vaste mouvement de protestation commence enfin à faire bouger les lignes. Après notre rencontre, elle m'a demandé de mentionner l'anniversaire de son fils, son "heavenly birthday"-- son anniversaire au paradis. Le 5 juin 2020, "Little Gary" aurait eu 40 ans.
J'ai été très ému par le témoignage de Marion Gray-Hopkins, qui 20 ans après la mort de son fils se bat toujours. J'ai été marqué par la force de son propos et par son émotion souvent contenue. Sa peine, son combat mais aussi ses espoirs donnent à réfléchir et permettent de mieux saisir l'ampleur du problème des inégalités raciales aux Etats-Unis.
Gary Hopkins aurait eu 40 ans le 5 juin.