Le directeur des ressources humaines d'Air France, Xavier Broseta, escalade une clôture pour échapper à une foule de salariés agressifs qui a fait irruption dans le siège de la compagnie à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle pendant une réunion entre la direction et les représentants du personnel, le 5 octobre 2015 (AFP / Kenzo Tribouillard)

Réunion mouvementée chez Air France

ROISSY-EN-FRANCE, 5 octobre 2015 – J'ai pris ces images au siège d’Air France à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, où la direction de la compagnie devait dévoiler aux représentants du personnel un plan de restructuration ce 5 octobre. Ce qui s’annonçait comme une manifestation tout-à-fait classique de salariés contre la possible suppression de 2.900 emplois par leur entreprise a peu à peu dégénéré, jusqu’à aboutir à ces scènes surréalistes de dirigeants molestés par la foule et escaladant torse-nu un grillage pour se mettre en sécurité.

Avec les autres journalistes de l’AFP qui couvraient l’événement, nous arrivons bien en avance ce lundi matin. Plusieurs dizaines de salariés d’Air France convergent dans le calme vers le bâtiment où doit se tenir le comité central d’entreprise, sous la surveillance d’un petit dispositif de police. Le siège de la compagnie est situé au cœur de l’aéroport de Roissy, ce qui permet de prendre des photos intéressantes de manifestants avec des avions qui roulent en arrière-plan. Jusque-là, tout se déroule de façon pacifique, comme c’est le cas d’habitude avec les manifestations chez Air France.

Une salariée manifeste devant le siège social d'Air France (AFP / Kenzo Tribouillard)

A un moment, je vois un petit groupe de protestataires qui commence à contourner le bâtiment et qui se dirige vers le parking. Je les suis, pressentant qu’il va se passer quelque chose. Ils entrent dans le bâtiment par une porte de derrière, se dirigent vers le hall d’accueil et ressortent par la porte principale. Ils se retrouvent devant la barrière grillagée qui barre l’accès au siège, et commencent à l’ouvrir pour laisser entrer le gros des manifestants. Les quelques policiers en faction n’ont pas les moyens de les en empêcher.

Des manifestants franchissent la barrière de sécurité pour pénétrer dans le siège d'Air France (AFP / Kenzo Tribouillard)

Je continue à suivre le mouvement, jusqu’à me retrouver avec les manifestants dans la salle où se déroule la réunion. La situation est très confuse. L’irruption dans le siège social s’est déroulée de façon collective et spontanée, sans qu’il y ait de leader apparent à cette action. Certains salariés montent sur les tables, commencent à crier des slogans. A ce stade, je ne vois aucun dirigeant d’Air France dans les parages.

Des manifestants interrompent une réunion du comité central d'entreprise au siège d'Air France où devait être présenté un plan de restructuration de la compagnie (AFP / Kenzo Tribouillard)

Tout-à-coup, une grosse agitation éclate au fond de la salle. Je vois deux hommes acculés contre un mur. Des manifestants les prennent à partie verbalement, d’autres essayent de les protéger, appellent au calme. La tension et la confusion montent en flèche dans le local beaucoup trop petit pour contenir toute cette foule. Ça pousse, ça crie… Il n’y a pas de solution.

Puis le service de sécurité et plusieurs syndicalistes tentent d’exfiltrer les cadres d’Air France pris au piège. Ils entraînent les deux hommes à travers la foule, dans la cohue et sous les quolibets. Des manifestants agressifs agrippent les dirigeants au col, leur arrachent la chemise au passage, les insultent, crient : « démission ! » et « à poil ! A poil ! » Une porte s’ouvre et tout le monde se retrouve dehors.

Le responsable du long-courrier d'Air France Pierre Plissonnier, aidé par des agents de sécurité et des syndicalistes, échappe à une foule de manifestants agressifs à Roissy, le 5 octobre 2015 (AFP / Kenzo Tribouillard)

Les deux dirigeants molestés sont le directeur des ressources humaines d’Air France, Xavier Broseta, et le responsable du long-courrier Pierre Plissonnier. Ils sont entraînés en courant à l’extérieur par le service de sécurité, suivis par un groupe de manifestants qui continue à les conspuer. Mais nous sommes dans un cul-de-sac : le parc du siège social, où nous avons déboulé, est entouré d’un haut grillage. De l’autre côté, il y a les agents de police. Mais impossible de les rejoindre par la porte, qui est verrouillée avec un cadenas. Alors, les deux dirigeants n’ont d’autre solution que d’escalader la grille l’un après l’autre, aidés par les vigiles.

C’est une scène assez hallucinante. On est typiquement dans le phénomène de foule, spontané et incontrôlable, qui dégénère petit à petit jusqu’à aboutir à des actes qui, sans doute, dépassent même ceux qui les ont commis.

Kenzo Tribouillard est un photographe de l’AFP basé à Paris. Cet article a été rédigé avec Roland de Courson à Paris.

(AFP / Kenzo Tribouillard)
(AFP / Kenzo Tribouillard)
(AFP / Kenzo Tribouillard)