Découpeurs de corps humains

PARIS, 20 octobre 2014 – Dans leurs sombres bureaux à l’AFP, Volkmar Meier et son équipe dissèquent des corps humains. En fonction de leurs besoins du jour, ils ne gardent que le foie, le cœur, une partie du squelette ou encore le système nerveux. Il leur arrive aussi de mettre en lumière les organes qu’ils extraient à l'aide de textures ou couleurs, de leur inoculer le virus d’Ebola, le cancer, ou encore d’inciser les ligaments des genoux.

Nous sommes au service infographie de l’AFP. Les deux corps en question, baptisés Sailor et Lula, ont été achetés début 2014 à une société spécialisée, TurboSquid. Il s’agit de modèles anatomiques virtuels d’un homme et d’une femme en trois dimensions. L’AFP s’en sert pour réaliser des graphiques fixes ou animés qui expliquent au grand public les maladies au cœur de l’actualité ou, comme pendant la coupe du monde de football 2014, décrire les blessures les plus courantes que subissent les joueurs sur le terrain. De la vulgarisation médicale en trois dimensions, fixe ou animée...

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« Avant d’acheter ces deux êtres humains, on se servait de logiciels spécialisés dans la modélisation et la mise en situation de personnages, mais il nous manquait la partie anatomique avec tous ses systèmes musculaire, nerveux etc. » , explique Sabrina Blanchard, graphiste. Avec Sailor et Lula, « c’est beaucoup plus spectaculaire : on peut les découper en morceaux, ne garder que les organes qui nous intéressent, les tourner dans tous le sens», ajoute Volkmar Meier, adjoint au chef du service infographie. « On peut aussi prélever un organe dans le corps anatomique et l’intégrer dans un autre personnage créé avec certaines caractéristiques, comme l’âge, l’ethnie etc.» précise Stéphane Koguc, graphiste.

Le résultat est particulièrement parlant en vidéographie (infographie animée). Mais réaliser des séquences de quelques secondes, comme celles montrant les veines qui éclatent dans le sujet sur Ebola ci-dessous, peut prendre plusieurs jours. C’est le temps qu’il faut au graphiste pour construire la séquence, modéliser, animer, texturer, parfaire l’éclairage et enfin à l’ordinateur pour produire les images nécessaires en haute définition (il en faut 25 pour chaque seconde de film). il est souvent nécessaire, ensuite, de colorier artificiellement les organes dont on parle afin de les mettre en évidence.

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En vidéographie, c’est l’image qui se synchronise à la voix, et non le contraire comme c’est le cas pour un reportage vidéo classique. Le journaliste écrit d’abord un texte de 200 mots : c’est le maximum pour une minute d’animation graphique.

« Pour expliquer en 200 mots quelque chose comme Ebola, l’entorse ou l’accident vasculaire cérébral, il faut d’abord comprendre soi-même parfaitement le sujet puis aller à l’essentiel » en imaginant que l’on parle à un néophyte, raconte Volkmar Meier. « Mais il faut faire très attention, car se tromper dans un sujet médical est un cauchemar : nos produits sont visionnés par des milliers de personnes, parmi lesquels de nombreux spécialistes » qui réagissent à la moindre erreur.

Une fois le texte bien calé, une équipe de graphistes 3D se charge de réaliser l'animation. Ils disposent pour cela de logiciels de création 3D dans lesquels des caméras virtuelles à zoom et optique interchangeable, qui permettent de tourner autour d’un objet et d’obtenir tous les autres effets cinématographiques imaginables. Pas de chutes, puisque c’est l’image qui colle au texte et non l’inverse. Réaliser une vidéographie de A à Z, du story-board à l’enregistrement de la voix en passant par les recherches documentaires, la réalisation des animations et la post-production, prend environ une semaine.

« Cela vaut la peine d’investir autant de temps », continue Volkmar Meier. « Une vidéographie sur un sujet comme la maladie d’Alzheimer ou l’AVC peut être utilisable pendant des années. Les grands sujets, comme tout ce qui concerne la santé, sont de plus en plus recherchés par nos clients. Nos deux corps humain sont des outils essentiels pour expliquer l’invisible ».

Roland de Courson est l'éditeur du blog AFP Making-of.

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Roland de Courson