La nuit où le rêve chinois a viré au cauchemar
PEKIN, 4 juin 2014 - « Ils tirent! » Le cri, encore incrédule, a jailli de la foule pékinoise vers 23H30, en écho aux premiers claquements secs des Kalachnikov de l'armée, sur l'avenue de la Paix céleste qui mène à la place Tiananmen.
Torse nu, un Chinois en nage dans la chaleur moite de cette nuit de juin n'y croit pas. Il rassure autour de lui: « Non, non, ils ne tirent pas. C'est l'armée du peuple ».
Moi non plus, je n’y crois pas. Deux ou trois jours avant, j’avais lu sur le « fil » qu’à Séoul, la police avait équipé ses véhicules anti-émeutes de lance-grenades lacrymogènes tirant en rafale. « Ca doit être un truc comme ça », me dis-je. Mais la rafale Kalachnikov a un son particulier, sec, mat. Et il se répète, 200 mètres plus haut. Impossible d’avancer, la foule est terriblement dense, on est écrasé les uns contre les autres. Je grimpe sur une ébauche de barricade, un peu au-dessus des têtes. Des flammes, des éclairs au loin, on est entre les carrefours de Xidan et Muxidi.
L'instant d'après, debout sur les pédales de son triporteur, un « ambulancier » se fraye un chemin à grands coups de gueule à travers la foule. Sur le plateau en bois à l'arrière du « sanluche », le corps ensanglanté d'un étudiant, la poitrine traversée de plusieurs balles. Je m’approche et le dévisage en courant avec les gens qui l’accompagnent. Impossible de savoir s’il est mort ou vivant. Mais au plus mal, c’est sûr.
Le doute n'est plus permis. Ils tirent. Une gigantesque clameur sort de la foule électrisée, furieuse. Elle me prend à témoin : « Ni yingai baogao », tu dois rapporter. Les Pékinois s’enfuient en tous sens par les rues adjacentes, tandis que beaucoup restent, farouches.
C’est la fin. Le « printemps de Pékin » a vécu. ll bascule dans l'horreur. Baïonnettes au canon, les soldats de la loi martiale, décrétée 15 jours plus tôt, sont lancés à la reconquête de la place Tiananmen. Je m’approche des premières lignes, aperçois dans une demi-obscurité une rangée serrée de soldats casqués, accompagnés de blindés, qui avance lentement en lâchant de courtes rafales. Je file vers l’arrière et plonge à terre en entendant les balles claquer sur les arbres au-dessus de moi. J’ai déjà vu l’Armée populaire de libération (APL) — ou la police armée, la gendarmerie chinoise, qui sait ?— ouvrir le feu sur la foule. Mais c’était à Lhassa, au Tibet, en mars l’année d’avant. Une belle trouille, déjà.
« Un bon journaliste, c’est un journaliste vivant »
Quelques heures plus tôt, alors que je quittais le bureau pour Tiananmen, Denis Hiault, le chef de poste, m’avait prévenu sur le pas de la porte : « Et souviens toi, un bon journaliste, c’est un journaliste vivant ». Je me relève et cours. Une seule idée en tête : trouver un « gonggong dianhua », un téléphone public. Inimaginable, ou presque, aujourd’hui, cette époque sans téléphone portable. Un de mes plus longs sprints, sans aucun doute, ou plutôt, dans cette chaleur à crever, un interminable slalom dans la foule en m’efforçant de « rédiger » dans ma tête le papier — bulletin (à l’époque, soit l’alerte d’aujourd’hui), urgent, lead — avant d’atteindre le téléphone de l’Hôtel de Pékin.
La queue. Non, ce soir, je ne ferai pas la queue ! A bout de souffle, je vire quasiment une charmante dame chinoise en pleurs au téléphone et lui arrache des mains l’engin en bakélite en bredouillant d’improbables excuses. A l’autre bout, Denis me répond que l’AFP a déjà annoncé les premiers morts, que c’est parti pour une « boucherie ». Une bonne source du bureau, un étudiant français bien placé au carrefour de Muxidi et proche du principal hôpital, Fuxingmenwai.
L’Hôtel de Pékin, bien qu’un peu en retrait, donne sur la place Tiananmen. C’est là que pendant 50 jours, à l'initiative des étudiants, ce lieu, le plus solennel de la République populaire de Chine, s'est mué en un immense et pacifique laboratoire des rêves de démocratie et de liberté pour le pays. Jour et nuit, Chinois de tous âges et de toutes professions s'y sont inventé un autre avenir que celui dicté par le Parti communiste.
La fin de l'espoir
L'affront est terrible, le châtiment sera sanglant.
La proclamation de la loi martiale n'a eu d'autre effet que de dresser un peu plus la population contre le régime. A l'entrée de la capitale, des dizaines de milliers de soldats sont restés bloqués — et ravitaillés— des jours entiers dans leurs camions par les habitants.
Les derniers espoirs d'une solution pacifique s’étaient évanouis la nuit précédente. Vers 01H00 du matin, plongé depuis peu dans un demi-sommeil, je suis réveillé par un bruit étrange. Ma chambre, au premier étage du bâtiment 10 du compound diplomatique de Qijianyuan, donne sur la Chang’an, l’avenue de la Paix céleste. J’entends comme un roulement continu, à peine distinct, sous mes fenêtres. Pas de cris, aucun éclat. Une vague sonore feutrée. Depuis la fenêtre, les arbres me cachent l’avenue, mais je perçois du mouvement. J’enfile un pantalon et descends voir à travers la palissade métallique qui sépare le compound de l’avenue.
Mon cœur s’arrête de battre. Des soldats. Des milliers de soldats (entre 20.000 et 30.000, saura-t-on plus tard). En rangs serrés, jeunes, très jeunes, tête nue, sans aucune arme, en nage, manches retroussées, la veste parfois roulée sur le ceinturon, le visage tendu, inquiet, encadrés par un officier de ci, de là. Ils viennent de l’est et marchent, sûrement depuis des kilomètres, vers l’ouest. Donc vers Tiananmen. Tous, totalement silencieux. La consigne a dû être stricte. Le bruit, c’est celui des bottines qui frappent en cadence le macadam.
L’armée est entrée dans Pékin. Au quinzième jour —nuit, en l’occurrence— de la loi martiale. Flash ou bulletin? Bulletin, restons prudent. La vieille Toyota break commerciale de l’AFP établit un nouveau record de vitesse entre Qijiayuan et le bureau de Jianguomenwai, distants de quelques centaines de mètres. La concurrence est battue de plusieurs dizaines de minutes.
Invités à rentrer pour « éviter des pertes inutiles »
Moins de deux heures plus tard, Denis Hiault, réveillé, racontera comment la foule disloquera et dispersera ce contingent aux abords de Tiananmen, non sans rosser quelques officiers et soldats. Hagards, humiliés, sermonnés, ils devront repartir.
Mais la manœuvre a un sens. Au QG de la loi martiale, Deng Xiaoping, le Premier ministre Li Peng, le président de la république Yang Shangkun, le maire de Pékin, Chen Xitong, et les généraux ont maintenant beau jeu de dire à l’Armée populaire de libération —extrêmement réticente à faire œuvre de police— que tous les recours pacifiques ont échoué.
De fait, la journée sera émaillée d’incidents de plus en plus violents. A 20H00 le samedi, ordre est donné aux Pékinois, via la radio et la télévision, de rester chez eux « pour éviter des pertes inutiles ».
Et après un long face à face houleux entre soldats et civils au carrefour de Muxidi, à l'ouest de l'avenue de la Paix céleste, les barricades d'autobus sont enfoncées par les blindés. Alignés en tenue de combat, casque lourd sur la tête, les soldats suivent. Et ouvrent le feu, presque à bout portant, sur une foule compacte. Elle riposte en leur lançant une pluie de briques et autres projectiles, dérisoires.
Sous un ciel illuminé de milliers de balles traçantes et de véhicules incendiés, carrefours après carrefours, barricades après barricades, mitraillant les immeubles alentours —nombre de Pékinois seront tués à leur fenêtre—, la troupe, qui arrive maintenant de tous côtés, progressera jusqu'à parvenir vers 02H00 aux abords de Tiananmen.
Brûlés vifs ou battus à mort
Entre temps, des blindés auront foncé plein gaz dans la foule pour tenter, sans succès, de la chasser, écrasant tout sur leur passage, habitants compris. Plusieurs d’entre eux seront bloqués sur les barricades de fortune, d’autres, leur chauffeur sans doute affolé, caleront. Ils seront incendiés aux cocktails Molotov, leurs équipages brûlés vifs ou battus à mort dès qu’ils s’échapperont. Certains seront sauvés par les étudiants qui les protégeront de la foule furieuse.
Dans la vingtaine d'hôpitaux de la capitale, médecins et infirmiers, bouleversés, sont débordés par l'afflux de morts et de blessés qui s'entassent dans les couloirs maculés de sang. Un médecin de Fuxingmenwai, après échanges au téléphone avec ses confrères d’autres hôpitaux, évalue alors à 1.400 morts le premier bilan, que l’AFP rapporte.
Sur la place Tiananmen, totalement encerclée, il ne reste que quelques milliers d'étudiants autour de la pasionaria du mouvement, Chai Ling. Érigée face au portrait de Mao Tsé-toung, la « Déesse de la démocratie », une statue de plus de cinq mètres de haut, réplique de la statue de la liberté américaine, est abattue d’un coup de blindé.
Poussés par des commandos parachutistes, baïonnettes enclenchées à leurs armes, les étudiants, après négociations, quittent en larmes la place vers 05H00, chantant l'internationale et faisant le "V" de la victoire. Une dizaine d'entre eux mourront écrasés, plus loin, quand un char se lancera sur leur cortège regagnant les campus.
La "Déesse de la démocratie" s'effondre
De là où j’étais, je n’ai pas vu ça : depuis le balcon du dixième étage de l'Hôtel de Pékin, où j’ai pu me réfugier avec quelques confrères vers 03H00 du matin, je vois la déesse de la démocratie s’effondrer, mais pas le centre de la place, caché par le Musée de l’histoire de la révolution qui fait face à l’Assemblée. D’autres confrères, dont une équipe de la télévision espagnole, resteront avec les étudiants jusqu’à la fin et raconteront.
Je n’ai pas tout vu, loin de là, cette nuit-là. Il a fallu surtout courir, courir encore et encore, dans une chaleur à crever, pour revenir au téléphone et raconter au bureau — priorité numéro un — avec le moins d’émotion et le plus de détails possibles, des scènes hallucinantes, d’une violence inouïe. Jusqu’à ce qu’un homme de la sécurité sectionne les fils du « gonggong dianhua ». Et sans le Tandy, l'ancêtre du laptop AFP, en griffonnant des notes sur un carnet, « à l’ancienne ».
Dimanche, au petit matin, le spectacle est dantesque. Les tirs résonnent encore dans toute la capitale, d'où s'élèvent des volutes de fumées d'incendies. La Chang'an, comme le reste de la ville, est jonchée de carcasses d'autobus, de voitures et de blindés calcinés. Et de cadavres.
Barrant l'immense avenue, les soldats accroupis, doigt sur la gâchette, interdisent l'accès à Tiananmen, camp retranché où stationnent par centaines chars et blindés. « L'émeute contre-révolutionnaire » a été matée, claironne une voix nasillarde dans les haut-parleurs à plein volume disposés alentours, une formule reprise et martelée des jours durant, jusqu’à la nausée, à la télévision et à la radio, placés sous autorité militaire.
La rue qui acclamait Gorbatchev
Coup de chance : le téléphone dans la chambre d’hôtel fonctionne encore. La chambre, c’est celle de l’envoyée spéciale du Parisien. Comme des centaines d’autres journalistes, elle est venue à Pékin pour couvrir le « sommet de la réconciliation » entre la Chine de Deng Xiaoping et l’URSS de Gorbatchev, du 15 au 19 mai. Et comme des centaines d’autres, elle est restée: le sommet est dans la rue, qui acclame le réformateur russe et s’exaspère de l’entêtement de la vieille garde chinoise.
Le téléphone tiré avec son câble sur le balcon, allongé pour me protéger des tirs, j’ai une vue imprenable à travers la « meurtrière », l’espace entre le parapet et la dalle du balcon.
Sous mes yeux, la fusillade reprend dès le dimanche matin: la foule des Pékinois, indignés, traumatisés, s'approche des soldats et leur crie encore sa fureur. Les soldats tirent, appuyés par les mitrailleuses lourdes des blindés. Dispersée, la foule revient chercher ses morts et ses blessés. Et s'approche encore. Nouveaux tirs. La scène se répètera sept fois.
Au téléphone, Denis m’apprend que l’ayatollah Khomeini est mort dans la nuit, mais que le monde entier a les yeux sur Pékin, pas sur Téhéran. Je réalise que c’est la première fois qu’un événement de cette nature est télévisé en direct —CNN n’a pas 10 ans mais fait un tabac— et que des dizaines de millions de gens à travers le monde sont rivés à leur écran. La mondialisation médiatique a-t-elle commencé à Tiananmen ?
Le lundi vers midi, sous les fenêtres de l'hôtel, un jeune inconnu en chemise blanche traverse tranquillement l'avenue et vient se poster en travers d'une longue colonne de chars. Depuis mon balcon, je me retiens de lui hurler de déguerpir. Pour moi, il ne fait aucun doute que jamais le premier char ne s’arrêtera. Ce type va se faire écraser sous mes yeux. Un de plus. On connait la suite. Son image fera le tour de monde, symbole de l'audace et du courage chinois. La photo, ce sera celle d'Associated Press. Jeff Widener est posté quelques balcons plus haut que le mien et je n’en sais rien. Je n’ai plus d’appareil avec moi. L'AFP s'est enfin lancée dans la photo depuis deux ans, Catherine Henriette excelle à Pékin avec ses renforts. Voilà des mois que j’ai relégué mon sac chargé des lourds Nikon, convaincu qu’on ne pouvait exercer deux métiers à la fois dans ces situations-là. Pas de photo, donc, mais une dépêche qui tombe sur les fils à 14H05, heure locale (« Un homme seul bloque l’arrivée de chars dans le centre de Pékin »), noyée dans le flot général. Illustration cinglante de la devise: Une photo vaut mieux que … 251 mots, en l’occurrence.
Le célèbre « homme aux chars »
Qui étaient ces quelques hommes venus ensuite emmener « l’homme aux chars », en douceur, à l’écart, dans le prolongement sud de Wangfujing où il disparaîtra: des amis ? Des policiers en civil ? Secret d’Etat. Tout comme l’identité de l’autre héros de la scène : le commandant du char. Ordonner au chauffeur de stopper, ce jour-là, à cet instant-là, fut aussi un acte de bravoure. Pas sûr qu’il ait été du goût de sa hiérarchie.
La nuit venue, les tirs s’espacent, sporadiques. L’avenue est déserte. A nouveau, le cliquetis des chenilles de chars au loin, venu de l’est, sur la Chang’an. En face, j’aperçois un homme et un jeune garçon affairés, accroupis au pied d’un réverbère. Soudain, plus une lumière, sur des centaines de mètres. Un tunnel noir. Les trois ou quatre chars, en route pour regagner Tiananmen, pilent. Au pied de l’hôtel arrivent des limousines noires, modèle soviétique. Des portières claquent. Des civils en armes en sortent, observent un instant le « tunnel » et s’avancent prudemment. L’avenue est bordée de buissons épais et bien taillés. Sans crier gare, ils ouvrent le feu, à l’aveugle, remontant l’avenue en balayant l’obscurité. Un long moment après, les chars reprennent leur marche et regagnent la place. Visiblement, ils ont eu peur de se faire « allumer » dans le tunnel.
Le mercredi matin, c’est presque en fanfare que la 27ème armée, celle qui campe à Tiananmen, fait mouvement pour laisser place à la relève. Une immense colonne de chars, blindés et camions démarre vers l’est. Dans les camions, les soldats braillent des slogans : « L’armée aime le peuple ! » ou « A bas la rébellion contre-révolutionnaire ! »
En passant sous les fenêtres des « compounds » diplomatiques de Jianguomenwai et Qijiayuan, quatre kilomètres plus loin, ils ouvrent le feu à tout va, mitraillant les appartements des diplomates et autres étrangers, prétextant un mystérieux —et fort improbable— « sniper » sur les toits.
Déjà sous le choc, la communauté étrangère de Pékin fuit en masse vers l’aéroport, où des milliers de personnes attendent des vols spéciaux. C’est l’exode, certains évoquent l’épisode des « boxers ».
Fusillade devant l'hôtel
Pour moi, il est temps de descendre de mon perchoir. L’Hôtel de Pékin est noir, désert et silencieux. Plus âme qui vive, semble-t-il. La veille au soir, poussé par la faim, j’ai fait une sortie sur un cyclopousse courageux qui m’a emmené manger un morceau dans un hôtel luxueux un peu plus loin. Au retour, je m’en mords les doigts. Dans l’obscurité, les soldats patrouillent, le doigt sur la gâchette, et me jettent des regards inquiétants. Arrivé près de l’hôtel, Dieu sait pourquoi, une violente fusillade éclate. Je parcours les derniers mètres qui me séparent de l’entrée en rampant. Arrivé à la porte, je constate qu'elle est fermée de l’intérieur par un double tour de chaîne. Ca canarde toujours à quelques dizaines de mètres. Je frappe, j’appelle. Miracle, à l’intérieur, une ombre s’approche et m’ouvre. Je m’écroule dans la chambre, pas fier.
Ce sont deux anonymes chinois qui m’évacueront le mercredi en me cachant à l’arrière de leur « mini-van », les « baoche » de l’époque, pour une bonne poignée de yuans. Comment ont-ils fait pour passer les barrages de l’armée, je n’en ai aucune idée, recouvert que j’étais de cartons et de cageots à l’arrière.
Mais en début d’après-midi, aucun doute, la porte du bureau, au Jianguomenwai 11-11, n’est plus qu’à quelques mètres. Autour de moi, les derniers habitants étrangers du compound plient bagages et s’en vont en convoi vers l’aéroport, drapeau national au vent, escortés de diplomates. Une amie me crie de filer : « Ils sont devenus fous, ils ont tiré dans notre appartement ! » J’irai voir, c’est vrai : quelques beaux impacts de balles dans le mur et le plafond.
J’ouvre la porte du bureau, fermé à clé. Trois jours et quatre nuits que je n’y suis pas retourné. Désert. Les tables sont installées dans le couloir, à l’abri des fenêtres exposées aux tirs, qui avaient obligé tout le monde à s’abriter. Au téléphone, Denis m’a averti qu’on évacuait sur l’hôtel Kunlun, d’où on allait improviser un bureau de fortune.
Dans la chambre du Kunlun, je m’allonge sur le lit. Cinquante jours, cinquante nuits à tenir la corde s’abattent sur moi. Le défilé des horreurs des derniers jours, de la nuit où tout a basculé, mais aussi celui des moments sublimes, inoubliables, où le peuple chinois prenait en main son destin.
D’un coup, sans prévenir, me voilà secoué de sanglots. Pas la peine de résister, mieux vaut évacuer : ils viennent de loin. « Les nerfs », comme on dit. Ca durera un bon moment, sans faire mal, mais ça coule.
J’ai dormi près de vingt heures d’un sommeil sans rêves. Le lendemain, ça ira mieux. Heureusement, car il restera encore huit mois de loi martiale à couvrir.
Vingt-cinq ans après, officiellement, dans une Chine métamorphosée mais amnésique, toujours à la poursuite de son rêve de puissance, il ne s'est rien passé place Tiananmen.
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Patrick Lescot est le directeur du bureau de l'AFP à Pékin.