Un monde de tours Eiffel
PARIS, 28 janv. 2014 – Qu’ont en commun Tokyo, Las Vegas, Hangzhou, Prague, Shanghai, Varna, Brisbane, Tegucigalpa ? Réponse : toutes ces villes hébergent une réplique plus ou moins haute, plus ou moins fidèle et plus ou moins réussie de la Tour Eiffel, symbole de Paris et de la France et, probablement, monument le plus imité du monde.
Même la Société d’exploitation de la Tour Eiffel, gardienne du monument original, reconnaît qu’il est impossible de recenser toutes les reproductions qui se dressent aux quatre coins de la planète. Certaines, comme la Tokyo Tower ou la Tour Eiffel du Paris Hotel & Casino de Las Vegas, bénéficient d’une certaine notoriété. D’autres, plus modestes ou plus kitsch, surprennent le visiteur dans des lieux aussi improbables que la capitale de la Bolivie, un jardin public au bord de la mer Noire ou une base de Casques bleus sur la frontière israélo-libanaise.
Il était tentant de demander aux photographes des bureaux de l’AFP partout dans le monde d’aller immortaliser quelques-unes de ces fausses tours Eiffel. « A l’origine, il y a un reportage que j’avais fait en 2007 sur la Tour Eiffel du sol au plafond », explique Thomas Coex, le rédacteur en chef photo pour la France, auteur de l’initiative. « Pendant quatre jours complets, j’avais photographié la tour sous tous les angles possibles : l’extérieur, l’intérieur, les magasins, les ascenseurs, la machinerie, les peintres qui se promènent sur les poutres en défiant le vide… J’avais adoré. Par la suite, à l’étranger, je suis tombé à de nombreuses reprises sur des imitations. En Israël, par exemple, beaucoup de gens installent sur leurs toits de petites antennes en forme de Tour Eiffel. Au bout d’un moment, tout ça a fait tilt et j’ai eu l’idée de lancer un dossier thématique sur les copies de la tour».
La Tour Eiffel fait vendre. Y compris à l’AFP, où la moindre une photo réussie de la vieille dame de fer de 125 ans est systématiquement plébiscitée par les médias clients. La tour est présente dans des dizaines de parcs thématiques et sert d’argument publicitaire de plus ou moins bon goût à une infinité de restaurants, de boutiques et de projets immobiliers des cinq continents.
Inaugurée en 1999, la Tour Eiffel de l’Hotel-casino Paris de Las Vegas devait initialement être plus haute que les 324 mètres (antenne comprise) de l’originale. Mais la proximité de l’aéroport de la ville a obligé les architectes à réduire leurs ambitions de moitié pour ne pas gêner le trafic aérien. La tour de Vegas mesure finalement 165 mètres, et trône à côté d’une reproduction de l’Arc de triomphe et d’autres monuments parisiens célèbres. « Au Paris Las Vegas Hotel & Casino, vous êtes transporté dans la Ville des lumières avec toute la passion, l’excitation et l’atmosphère de la ville la plus romantique du monde, avec toute l’excitation de la capitale mondiale du divertissement », se pavane le site internet de l’établissement de luxe.
La Tour de Tokyo, construite en 1958 et peinte en rouge et blanc, est l’une des rares copies à dépasser en taille l’original (333 mètres, temporairement réduits à 312 mètres en 2011 quand l’antenne qui la surplombe, tordue par un violent séisme, avait dû être retirée pour être réparée). Cette tour de télévision reste un monument emblématique de la capitale japonaise, même si elle a été supplantée en 2012 par la Tokyo Sky Tree, près de deux fois plus haute.
Bien qu’un peu plus basses que la tour parisienne, d’autres copies n’en demeurent pas moins grandioses, comme la tour de Tianducheng, qui du haut de ses 108 mètres se dresse au cœur d’un complexe immobilier ultra haut-de-gamme à Hangzhou, en Chine.
Beaucoup de villes homonymes de Paris se sont également dotées de leur petite Tour Eiffel. Telle Parizh, située au pied de l’Oural, en Russie. Dans cette bourgade fondée en 1842 pour commémorer la victoire russe sur l'armée napoléonienne trente ans plus tôt, une compagnie téléphonique s’est inspirée de l’œuvre de Gustave Eiffel pour bâtir un relais mobile en 2005.
Depuis son inauguration en 1889, la Tour Eiffel fait partie du domaine public. Du vendeur de colifichets dans les rues de Paris au promoteur immobilier mégalomane rêvant d’une copie à taille réelle, en passant par le chocolatier et le gérant de parc d’attractions, tous peuvent reproduire le monument sans permission et sans limites.
Mais attention : le nom « Tour Eiffel » est une marque déposée. Si vous souhaitez baptiser votre restaurant ou votre marque de parfums « Tour Eiffel », il vous en coûtera des royalties, dont le montant variera selon l’importance de votre projet. De même, le spectaculaire éclairage doré de la Tour Eiffel, conçu par l’ingénieur Pierre Bideau et inauguré à la Saint-Sylvestre 1985, est une « œuvre de l’esprit » dont la reproduction est soumise à autorisation.
Que pensent les gardiens de la Tour de toutes ces imitations ? « Nous sommes ravis », affirme sans hésiter le président de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel, Jean-Bernard Bros. « C’est la rançon du succès. La Tour Eiffel est imitée, copiée, reproduite, mais jamais égalée. Les répliques donnent envie aux visiteurs de venir voir la vraie. Car notre Tour Eiffel à nous a quelque chose que nulle autre ne peut avoir : elle est à Paris ».
Roland de Courson est l"éditeur du blog Making-of de l'AFP. Retrouvez toutes les tours Eiffel photographiées par l'AFP dans notre base de données Imageforum.